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De cet abominable état des choses, il résulté que la violence avec laquelle on rend l'Armateur premiere victime des querelles entre les Rois, ne peut laisser dans fon coeur qu'une haine invétérée contre les Etrangers ennemis de fon commerce & de fes propriétés. Il en résulte encore qu'on ne pourrait lui envier, fans porter un coeur infernal, la feule reffource qui lui reste contre tant de périls accumulés, celle de faifir toutes les occafions, tous les moyens de rendre fes fpéculations & promptes & lucratives,

Donc, & n'en déplaife au Vicomte de Stormont, qui fait, des Négocians Français, de vils inftrumens de la perfidie de nos Ministres, il ne nous a fallu que l'espoir de /balancer les risques par les avantages, pour nous déterminer d'armer pour l'Amérique; & notre calcul à cet égard étant plus fort que toute infinuation miniftérielle, nous avons cru, comme je l'ai dit, être feulement tenus à l'obligation de ne pas heurter dans nos entreprifes, l'intérêt reconnu du Prince qui nous gouverne. Mais certes, & n'en déplaise encore au Vicomte de Stormont, au Cabinet Anglais, à l'Ecrivain du Manifefte, aucun de nous n'a penfé qu'il dût à l'injufte Angleterre, le délicat égard de détourner ses spéculations d'un pays, parce qu'il était devenu son ennemi. Tous au contraire ont dû prévoir que les Améri cains, ayant de plus preffans befoins en raifon de la guerre Anglaise, mettraient un plus haut prix aux denrées qui leur étaient néceffaires: tel a été le véhicule général du Commerce de France.

Quant à moi qu'un goût naturel pour la liberté, qu'un attachement raisonné pour le brave peuple qui vient

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de venger l'univers de la tyrannie Anglaise, avait échauffé; j'avoue avec plaifir que, voyant la fotife incurable du Miniflère Anglais qui prétendait affervir l'Amérique par l'oppreffion, & l'Angleterre par l'Amérique; j'ai ofé prévoir le fuccès des efforts des Américains pour leur délivrance: j'ai même ofé penfer que, fans l'intervention d'aucun Gouver nement, ni des coloffes maritimes qu'ils foudoient, l'humiliation de l'orgueilleufe Angleterre pourrait bien être avant. peu l'ouvrage de ces vils poltrons si dédaignés, de l'autre Continent, aidés de quelques vaiffeaux marchands ignorés, partis de celui-ci.

J'avoue encore que, plein de ces idées, j'ai afë donner par mes difcours, mes écrits & mon exemple, le premier branle au courage de nos Fabriquans & de nos Ar mateurs; & que je n'ai jamals cru, quoiqu'on ait pu dire, manquer au devoir d'un bon fujet envers mon Souverain, en formant une Société maritime, en établissant une lisifon folide de commerce entre l'Amérique & ma maison, en mè chargeant d'acheter & d'embarquer en Europe tous les objets qui pouvaient être utiles à mes braves Correfpondans, les vils poltrons de l'Amérique.

Mais, fije ne prétendais pas à ́la protection, de la Cour, j'avoue que j'étais loin de croire que le Vicomte de Stormont, dont la plus grande affaire était de harceler l'Administration, aurait le crédit de l'engager, par ses cla~ meurs, à porter une inquifition de févère & jufqu'alors inouie, fur le cabinet des Négocians, & d'en arrêter les fpéculations.

Mais puifque cet objet de sa miffion, qu'il n'a que trop bien rempli, à l'avantage de l'Angleterre, a malheu

reufement ruiné les efforts & les entreprises des Armateurs Français pourquoi donc cet ingrat Vicomte, qui, dans fes rapports ministériels, cite avec tant d'emphafe, neuf ou dix vaiffeaux chargés par moi pour les Américains, à la fin de 1776, & qui les diftingue fi fubtilement de ma frêgate l'Amphitrite, a-t-il omis d'apprendre à fa Cour que notre Ministère, étourdi de fes plaintes, avait perdu de vue la protection qu'il nous devait peut-être, & que loin de nous l'accorder, il avait accablé le commerce de prohibitions, & fur tout avait presque étouffé ma Société naiffante, en mettant un embargo général fur tous mes bâtimens?

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En vain reprefentai-je alors, qu'être foumis à l'in(pection des Douaniers Anglais fur mer, & s'y voir expofés à tout perdre, fans efpoir de réclamation, & l'on était pris à l'atterrage de l'Amérique avec des marchandises prohibées par l'Angleterre, était courir assez de dangers, fans que la France aidât encore à reftreindre les plans de fes Armateurs ; le Ministère inflexible exigea rigoureufement que tous ces bâtimens priffent des expéditions pour nos Isles, & fiffent leurs foumiffions de ne point aller commercer au Continent,

Quel motif engagea donc cet Ambassadeur, de taire à la Cour les complaifances exceflives que la nôtre avait pour fui? Pourquoi lui cacha t-il que, fur fa déclation, le 10 Decembre 1776, le Miniftre de Marine fit arrêter au Havre" & vifiter exa&ement tous mes Vaiffeaux? Que dans ce Port où se trouvaient alors l'Amphitrite, le Romain, l'Androméde', l'Anonime, & plufieurs autres, fi le premier de ces Bâtimens déjà lancé dans la grande rade, efquiva la vifite,

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tous les autres la fubirent, & fi rigoureuse, qu'ils furent déchargés publiquement, au grand dommage de mon en treprise?

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Pourquoi, dans le joie qu'il en devait reffentir, n'ajouta-t-il pas que, ne pouvant efpérer aucun terme, obtenir aucun adouciffement à ces ordres prohibitifs, je fus obligé de défarmer tous mes navires? En effet il eft de no toriété que fi quelques uns enfuite ont pu partir, ce n'a été qu'en Avril, Mai & Juin de l'année fuivante: encore at-il fallu changer leurs noms, leurs chargemens, & donner les plus fortes affurances qu'ils n'iraient qu'à nos Isles du Golphe M. l'Ambaffadeur niera-t-il qu'ils y ont été réel. lement, lorsqu'il fait que l'un d'eux, la Seine, a, pour prix de mon obéiffance, été enlevé, à la pointe des Prêcheurs, atterrage de la Martinique, au grand fcandale de tous les habitans qui le virent, & conduit à la Dominique, où, fans autre forme de procès, le pavillon Anglais y fut arboré fur le champ, & le nôtre jetté dans la mer avec de grands cris d'huzza, & les plus triftes feux de joie?

Comment ce profond politique, cet Ambaffadeur devenu Miniftre, s'eft-il abftenu d'écrire à fa Cour, que le même embargo fut mis fur mes vaiffeaux à Nantes; & que la Thérèfe arrêtée dans ce port, ne put partir qu'en Juin 1777. après la plus févère vifite, & lorsqu'on fit bien certain qu'elle ne portait point de munitions; furtout, lorfque le Capitaine se fut soumis à n'aller qu'à Saint De mingue où il a demeuré près d'un an, ainfi que l'Amélio, à mon très grand dommage encore; puifque quatre petits bâtimens Bermudiens qui j'y avais fait acheter, pour con

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duire au Continent les cargaifons de ces navires d'Europe, ont tous été pris, soit en allant, soit en revenant?

Pourquoi ne manda-t-il pas à fa Cour, qu'en Janvier 1777, mon Amphitrite ayant relâché à l'Orient, le Ministère, à'fa follicitation, fit arrêter ce bâtiment fous prétexte que plufieurs Officiers s'y etaient embarqués pour aller offrir leurs services aux Américains?

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Comment, à cette occafion, pût-il omettre, dans fes dépêches, que la Cour envoya l'ordre au plus confidérable de ces Officiers, de rejoindre à l'instant fon corps Metz, & d'y rendre compte de fa conduite; & qu'appre nant que l'Officier éludait d'obéir, elle fit dépêcher exprès un Courier l'Orient avec ordre de l'arrêter, de le caffer ♣ de l'enfermer pour le refte de fes jours au Château de Nantes; rigueur à laquelle il n'échappa qu'en se fauvant feul & prefque nud, fans ofer reparaître au vaisseau: que le Miniftre ne rendît même à ma frégate la liberté de partir, qu'après avoir exigé du Capitaine une foumiffion pofitive & par écrit, qu'il n'irait qu'à Saint-Domingue, fous toutes les peines qu'il plairait de lui infliger à fon retour, s'il y manquait,

Mais une autre réflexion se présente, & je ne doi pas le retenir, puifque l'écrivain du Roi d'Angleterre l'a négligée. La Cour de France, une Puiffance étrangère indifférente & neutre, s'oppofait au noble emploi que des Officiers, la plupart étrangers, voulaient faire de leur loifir en faveur des Américains! Mais que nous importait à nous, pour qui leur bravoure allait s'exercer? Et par quel excès de complaisance pour l'Ambaffadeur Anglais, nos

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