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Rends-moi mon Dieu! répondait le mourant à son vainqueur.

A côté du paysan qui meurt pour son Dieu, c'est le soldat qui meurt pour la Révolution.

Un Vendéen frappe un bleu d'un coup de sabre au milieu du cœur.

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- Plantez-moi là l'arbre de la liberté, dit le patriote en mourant.

Laquelle de ces deux réponses est la plus belle? Dites! Peut-être celle de Leperdit, ce maire républicain de Rennes.

La famine est dans la ville; on veut le lapider, et, en effet, une grêle de pierres tombe sur lui; une pierre lui ouvre le front, il la ramasse toute sanglante, et, la montrant à ses assassins :

-Je ne puis changer les pierres en pain, dit-il; mais, si mon sang peut vous nourrir, il est à vous jusqu'à la dernière goutte'.

Qu'on dise maintenant qu'une révolution qui inspirait de semblables paroles n'était pas chrétienne!

O prêtres, prêtres, qu'il y a loin souvent de l'autel à Dieu !

Un des premiers effets des décrets de l'Assemblée, à l'endroit du serment à la Constitution, fut la fuite de Mesdames, tantes du roi.

Depuis les journées des 5 et 6 octobre, depuis le départ du roi de Versailles pour revenir à Paris, les pauvres créa

1. Michelet.

tures habitaient leur château de Bellevue, où elles essayaient de se faire oublier.

Malheureusement, avec l'année nouvelle qui venait de s'ouvrir, c'était le 4 janvier 1791 que le serment avait été déféré aux prêtres, et que les évêques l'avaient refusé;

malheureusement, avec cette année nouvelle, disonsnous, venait la Pâque.

Aussi, vers la fin de février, le bruit se répandit-il que Mesdames, sœurs du roi, allaient partir pour Rome.

En tout autre temps, nul en France n'eût fait attention au départ de trois vieilles filles; d'ailleurs, quelle loi empêchait les tantes du roi de voyager? Aucune.

Mais, dans cette circonstance, la France tout entière s'alarma; chacun craignait que, par la porte mal fermée, le roi ne sortît à son tour.

Et l'on avait raison, car d'abord le roi avait dû partir avec ses tantes.

dit.

Malheureusement, le bruit de ce futur départ se répan

Alors, le roi essaya lui-même de retenir ses tantes; mais elles lui déclarèrent qu'elles ne sauraient plus vivre dans un pays d'où la religion de leurs pères était proscrite, et qu'elles étaient décidées à aller chercher près du souverain pontife des consolations pour elle et des indulgences pour la nation.

Le roi débattit encore, mais enfin céda.

Le départ fut fixé au 19 février 1791.

On désirait fort garder Mesdames en France; elles y étaient assez populaires, et la guerre de médisance et

même de calomnie qu'elles avaient faite contre la reine n'avait pas peu contribué à maintenir cette popularité.

Aussi de nombreuses députations de dames de la halle se transportèrent-elles à plusieurs reprises aux châteaux de Bellevue et de Choisy, pour supplier Mesdames de ne point abandonner le roi leur neveu.

A ces démonstrations d'amour populaire, Mesdames, perdues de frayeur, et dont la décision était bien arrêtée, répondirent par des paroles si vagues, que, malgré leurs dénégations, on ne douta pas de leur prochain départ.

Le soir du 19 février, le service fut ordonné comme de coutume. A neuf heures, le souper de tout le château fut sur les tables, et l'on fit donner l'ordre au chevalier de Narbonne, un beau jeune homme élevé sur les genoux de madame Adélaïde, d'amener les voitures de Meudon à Saint-Cloud.

On avait fait conduire les voitures à Meudon, pour que les préparatifs du départ n'éveillassent point les soupçons des gens du château de Bellevue.

A neuf heures et demie, on fit dire à M. de Narbonne de se tenir prêt, et que, de leur côté, dans une demi-heure, Mesdames seraient prêtes.

Mais on eut beau chercher M. de Narbonne; M. de Narbonne ne se trouva point.

La chose était d'autant plus grave que Mesdames avaient probablement été trahies, et qu'un gentilhomme, arrivant en toute hâte de Paris, annonçait qu'une bande d'hommes et de femmes s'était mise en marche, avait quitté Paris et. était en route pour venir à Bellevue, dans l'intention de

s'opposer par la force, s'il le fallait, au départ de Mesdames.

L'inquiétude fut grande chez les pauvres vieilles: elles envoyèrent à Meudon courrier sur courrier, recommandant, si l'on ne pouvait trouver M. de Narbonne, d'amener au moins les voitures. Mais M. de Narbonne, sans doute dans l'intérêt même de la fuite, avait pris ses précautions, et avait défendu que les voitures bougeassent sans un ordre spécial de lui.

Cependant le temps s'écoulait. Madame Adélaïde envoya une de ses femmes sur la terrasse du château; de cette terrasse, on découvrait toute la route de Paris. Au bout d'un instant, cette femme se sentit fort effrayée, disant qu'à une lieue, à peu près, elle avait entendu un grand bruit et vu de grandes lueurs.

Il n'y avait plus de doute, la nouvelle donnée était certaine.

Mesdames ne savaient que faire; personne n'avait une volonté bien ferme dans cette petite cour de vieilles filles; chucun s'effarait, courait à droite, à gauche; personne n'avançait à rien.

Tout à coup, on entend le galop d'un cheval, on court au perron, à la première marche duquel un cheval s'abat tout sanglant; le cavalier se dégage des étriers et s'approche. On le reconnaît: c'est M. de Virieu, député de la noblesse du Dauphiné, le même qui, le jour de la Fédération, a surpris cet éclair fauve dans la prunelle de la reine, éclair qui a fait visible pour lui une partie de cette âme profonde.

Il a appris le danger que couraient Mesdames, il est parti à fond de train. Au Point-du-Jour, il a rencontré toute la bande; on s'est douté où il allait, on a voulu lui faire résistance, mais il a lancé son cheval. Un homme a voulu arrêter le pauvre animal en lui enfonçant son sabre jusqu'à la garde dans le poitrail; malgré sa blessure, soutenu par son cavalier, le cheval a franchi la distance, et, comme s'il eût senti qu'il n'avait pas besoin d'aller plus loin, il a roulé sur la première marche du perron.

On voudrait douter encore du récit de M. de Virieu; mais, des fenêtres, on voit les lueurs des premières torches; toute la bande apparaît fantastique dans la nuit, se déroulant sur la moitié de Bellevue; ses cris, ses chants, plus terribles encore que ses cris peut-être, se font entendre; il n'y a pas de temps à perdre, il faut fuir, gagner Meudon à pied, aller chercher les voitures puisque les voitures ne viennent pas.

Ce dut être un terrible moment pour ces pauvres femmes, lorsqu'elles franchirent, par une nuit froide et pluvieuse de février, le seuil de leur belle villa pour faire leur premier pas sur le chemin de l'exil!

Mais il n'y avait pas à hésiter, l'avant-garde faubourienne frappait à la grille de Sèvres.

Pendant que le concierge parlementait essayant de gagner du temps, Mesdames fuyaient, traversant le parc à pied et arrivant à la grille de Meudon.

Par une fatalité singulière, la grille était fermée, le concierge absent, les clefs étaient égarées. Mesdames se crurent perdues.

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