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une forme de comptes propre à rassurer les soldats, sur leurs droits; elle assujettissait les cartouches jaunes, c'està-dire les congés infamants, à un règlement qui ne laissait plus rien au caprice ni à l'arbitraire; enfin, elle ôtait à toutes celles qui avaient été distribuées depuis le 1er mai 1789 le caractère flétrissant qu'elles imprimaient à leurs por

teurs.

Les officiers décidèrent que ce décret serait lu, le 12, aux deux régiments, dans leurs quartiers.

Malgré cet ordre du jour, le régiment du Roi se met sous les armes, ouvre les portes des casernes, et, tambours en tête, se rend sur la place Royale, où les deux autres régiments viennent le joindre au bout de dix minutes.

Les deux Suisses punis du fouet étaient dans les rangs, l'un, comme nous l'avons dit, dans ceux du régiment du Roi, l'autre dans ceux de Mestre-de-camp.

Qui avait amené cette infraction nouvelle aux ordres des officiers?

Une lettre de M. de Noue, commandant de la place, écrite à M. de Balivière, colonel du régiment du Roi, et tombée entre les mains des soldats.

M. de Noue disait dans cette lettre que l'Assemblée prenait des mesures pour réprimer les brigandages des troupes.

Les soldats se sont mis sous les armes pour demander une réparation.

Le commandant comprend qu'il y va de sa tête, se réfugie à la municipalité et se met sous sa sauvegarde.

Cependant, après quelques pourparlers, les soldats dé

clarent que le commandant sera respecté, mais qu'ils exigent de lui des explications sur sa lettre.

Sur cette promesse, il descend avec les administrateurs du département et les municipaux en écharpe.

Alors, un soldat sort des rangs,-on l'appelait Pommier, et lit à haute voix la lettre de M. de Noue.

M. de Noue dit qu'il a servi comme lieutenant dans le régiment du Roi, qu'il a toujours été on ne peut plus satisfait de ce régiment et qu'il est impossible qu'on lui suppose l'intention d'avoir voulu lui appliquer l'expression de brigands au contraire, il a toujours regardé et regardera toujours les soldats du régiment du Roi comme des militaires pleins d'honneur.

Malheureusement, il en était de cette explication comme de celles qui se donnent sur le terrain, lorsque l'un des adversaires lâche pied; elles ne satisfont ni celui qui les donne, ni celui qui les reçoit.

Aussi cette explication donnée et reçue, aussi la loi proclamée, tous les esprits demeurèrent-ils dans le même état.

Les rangs rompus, on promène dans les rues de Nancy les deux Suisses condamnés; on force le lieutenant-colonel de Châteauvieux à délivrer à chacun six louis pour son décompte et cent louis d'indemnité pour les coups reçus; puis on les incorpore successivement dans le régiment du Roi, dans Mestre-de-camp, dans la garde nationale, et ils partent munis des congés des trois corps.

Le même soir, les officiers de Châteauvieux sont consignés au quartier et gardés par leurs propres soldats; le

lendemain, on les force à délivrer provisoirement une somme de vingt-sept mille francs, qu'ils cautionnent et que prête M. de Vaubecourt; enfin, le même jour, les cavaliers de Mestre-de-camp demandent de l'argent, se saisissent du quartier-maître, mettent une garde à la caisse et tiennent leurs officiers prisonniers jusqu'au 15.

Le 15, les officiers se lassent et consentent à payer une somme de vingt-quatre mille livres qui leur est avancée par la municipalité.

De son côté, le régiment du Roi continue à demander son compte. Le commandant, effrayé, réclame un poste de gendarmes pour garder la caisse; c'était traiter les soldats en voleurs. Ceux-ci ne gardent plus de mesure : ils déclarent que, si leurs officiers se défient, ils se défient bien autrement; que les officiers ne gardent les caisses avec tant de soin que pour passer avec elles à l'ennemi, mais qu'il n'en sera pas ainsi de la leur. En conséquence deux cents soldats vont prendre cette caisse, la trouvent presque vide, et, après en avoir constaté l'état par un procès-verbal, après l'avoir scellée, la portent chez le major, qui la refuse, et, de là, au quartier, où elle reste en dépôt.

La chose prenait une effrayante gravité au dehors, l'ennemi; au dedans, l'indiscipline et l'insurrection. On envoie un courrier à l'Assemblée nationale, qui rend, le 16 août, un décret dont voici la substance :

« A décrété et décrète d'une voix unanime que la violation à main armée, par les troupes, des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, étant un crime

de lèse-nation au premier chef, ceux qui ont excité la rébellion de la garnison de Nancy doivent être poursuivis et punis comme coupables de ce crime, à la requête du ministère public, devant les tribunaux chargés par les décrets de la poursuite, instruction et punition de semblables crimes et délits;

» Que ceux qui, ayant pris part à la rébellion, de quelque manière que ce soit, n'auront pas dans vingt-quatre heures, à compter de la publication du présent décret, déclaré à leurs chefs respectifs, même par écrit si les chefs l'exigent, qu'ils reconnaissent leurs erreurs et s'en repentent, seront également, après ce délai écoulé, poursuivis et punis comme fauteurs et participes d'un crime de lèse-nation. »

Ce fut la Fayette qui poussa l'Assemblée à cette mesure violente. Il y avait dans l'ex-marquis beaucoup plus de l'officier que du soldat.

Mirabeau, au contraire, proposait la seule chose praticable dissoudre l'armée et la recomposer.

On était donc armé d'un second décret, celui qu'on vient de lire.

Dès l'apparition du premier, deux jours après, la Fayette écrit au marquis de Bouillé qu'il faut frapper le coup.

C'est donc une détermination prise; quelque chose qui arrive, on frappera le coup.

Les pauvres diables qui s'étaient laissé entraîner à ce mouvement d'erreur, et qui l'avaient poussé bien autrement loin qu'ils n'avaient jamais cru aller, au moment où ils l'avaient entrepris, avaient jugé eux-mêmes la position dans laquelle ils venaient de se mettre. La popula

tion, qui les avait encouragés tant qu'un mouvement géné reux en faveur de leurs camarades les avait poussés en avant, la population avait été frappée de leur dernier acte; elle avait vu passer avec étonnement, presque avec terreur, cette caisse enlevée par les soldats des bureaux du quartier-maître, et le silence qui avait accompagné l'escorte avait été si éloquent pour les mutins, que, le lendemain, ils avaient rapporté chez le quartier-maître la caisse intacte; les officiers eux-mêmes l'avouèrent.

De leur côté, les Suisses de Châteauvieux témoignent leur repentir. Ils vont trouver les officiers, les supplient de leur pardonner, rentrent sous la discipline, et prononcent un nouveau serment d'être fidèles au roi, à la loi et à la nation.

Puis ils font un comité de huit membres, qui partent pour Paris avec l'agrément de leurs officiers, et qui reçoivent trois mille livres pour leur voyage.

Tout cela s'était fait sans que les mutins eussent eu connaissance du décret de l'Assemblée.

La mission des députés était plus dangereuse qu'ils ne croyaient eux-mêmes. La Fayette, par l'intermédiaire de son ami le député Émery, avait fort monté la tête à l'As

semblée.

Le ministre de la guerre, apprenant que des envoyés des régiments révoltés sont arrivés à Paris, demande à Bailly l'ordre de les arrêter. Bailly cède comme toujours, et, au moment où les envoyés franchissent la barrière, leur arrestation s'opère.

Cette arrestation fit grand bruit. La garde nationale parisienne était prête à prendre parti pour les régiments.

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