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temps, se contredisaient les unes les autres, enfermées dans la même enceinte, rendirent l'opposition plus sensible et finirent par se heurter si singulièrement, qu'elles mirent une grande confusion dans cette étrange capitale. Cette confusion nécessitait l'intervention de Louis IX. Aussi Louis IX ordonna-t-il que toutes les causes jugées par ces petites justices seigneuriales seraient portées par voie d'appel devant son Châtelet de Paris, dont la juridiction se trouva ainsi toute-puissante, chargée qu'elle était de juger en dernier ressort.

- Le Châtelet demeura ainsi le tribunal suprême jusqu'à l'heure où le parlement, devenu sédentaire, connut à son tour, par voie d'appel, des causes jugées au Châtelet.

Mais, le 2 novembre 1789, l'Assemblée nationale ayant, comme nous venons de le dire, suspendu le parlement, le Châtelet reprit non-seulement son ancienne importance, mais encore une importance nouvelle, chargé qu'il était de connaître non-seulement de tous les crimes qui lui avaient été soumis jusque-là, mais encore du crime de lèse-nation.

Or, pour le moment, trois hommes étaient accusés de ce crime:

Le fermier général Augeard, le baron de Bezenval et le marquis de Favras.

Le Châtelet débutait aristocratiquement, comme on voit. Le fermier général était accusé d'avoir fourni à la cour les fonds avec lesquels la camarilla de la reine payait les troupes rassemblées au Champ de Mars. Augeord était peu connu; la populace ne lui en voulait aucunement; les juges

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furent indulgents, et Augeard, qui devait plus tard payer son tribut à la guillotine, fut acquitté.

Bezenval venait après lui.

Il n'en était point de Bezenval comme d'Augeard. Bezenval était connu, lui. Il était colonel général des Suisses et avait commandé au Champ de Mars en juillet 1789; le peuple se souvenait qu'il l'avait chargé, et le peuple n'était pas fâché de prendre sa revanche..

Aussi, au moment où Bezenval parut devant ses yeux, des cris s'élevèrent de tous les coins de la salle :

- A la lanterne, Bezenval! Bezenval, à la potence! Puis, comme le tribunal avait réclamé un instant de silence, profitant de cette trêve, un assistant s'écria :

- Je demande qu'on le coupe en treize morceaux et qu'on en envoie un à chaque canton!

Malgré la culpabilité bien constante de Bezenval, au point de vue du peuple, devenu son juge, bien entendu, malgré les vociferatioes des assistants, Bezenval fut acquitté.

Aussi Camille Desmoulins, indigné de ce double acquittement, envoya-t-il aux juges ce flamboyant quatrain :

Magistrats, qui lavez Augeard,

Qui lavez Bezenval, qui laveriez la peste,

Vous êtes le papier brouillard :

Vous enlevez la tache, et la tache vous reste.

C'est dans ces fâcheuses circonstances que se présenta le procès Favras.

Après les deux impopulaires acquittements qui venaient

d'avoir lieu, le troisième accusé devait nécessairement

être un coupable.

Ce troisième accusé était Thomas Mahi, marquis de Favras. Le marquis de Favras était un homme de quarantecinq ans, véritable type de l'ancien gentilhomme et réunissant à la fois en lui noblese, élégance, dignité.

Il était entré au service dans les mousquetaires. Il avait fait la campagne de 1761, était devenu capitaine aide-major dans le régiment de Belzunce, puis lieutenant des Suisses de la garde de Monsieur, frère du roi; mais il s'était, en 1775, démis de cette charge pour se rendre à Vienne, où il avait fait reconnaître sa femme comme fille légitime du prince d'Anhalt-Schauenbourg.

En 1787, après avoir pris part à l'insurrection de Hollande, il revint à Paris, et, vers la fin de 1789, fut accusé d'avoir tramé contre la Révolution en essayant d'introduire, la nuit, dans Paris, des gens armés, afin de se défaire des trois chefs principaux de l'administration, d'attaquer la garde du roi, d'enlever le sceau de l'État et d'entraîner le roi et sa famille à Péronne.

Favras était accusé par trois misérables racoleurs nommés Morel, Turcati et Marquies.

La dénonciation portait que le marquis avait proposé à la cour de lever sur les frontières de France une armée de cent cinquante mille hommes pour renverser la nouvelle constitution.

Favras s'y prenait à l'avance, comme on voit la nouvelle constitution n'était pas encore faite.

Mais ce n'était point là le crime principal. Le crime prin

cipal, c'était la tentative sur le roi, sur la reine et sur les enfants de France.

Cette tentative consistait à entrer dans Paris avec douze cents cavaliers portant chacun un fantassin en croupe. Ces deux mille quatre cents hommes, bien armés, bien résolus, prêts à tout, devaient assassiner le général la Fayette, le maire Bailly; enlever, comme nous avons dit, le roi et sa famille, et les conduire à Péronne, où une armée de cent vingt mille hommes les attendait.

Toute cette conspiration avait été tramée, disait-on, entre Monsieur et son ancien lieutenant des gardes.

Monsieur ne dédaigna point de répondre; les accusations qui atteignaient la noblesse commençaient à monter jusqu'au peuple.

Monsieur répondit donc que, depuis quinze ans, il avait absolument perdu de vue le marquis de Favras, qu'il n'avait retrouvé que dans une circonstance absolument étrangère à la politique; c'est-à-dire à propos d'un emprunt qu'il désirait contracter et eu faveur duquel il aliénait pour deux millions de contrats de rente.

La dénégation de Monsieur n'empêcha point que, le lendemain du jour où le marquis de Favras fut arrêté avec sa femme, on ne fit courir dans Paris cette circulaire :

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« M. le marquis de Favras a été arrêté avec madame son épouse, pour un plan qu'il avait formé de soulever trente. mille hommes, chargés d'assassiner M. de la Fayette et le maire de Paris, et ensuite de nous couper les vivres. Mon, sieur, frère du roi, était à la tête..

>> BARREAUX. >>

Barreaux n'existait pas, selon toute probabilité ; mais le moyen de prouver la non-existence de Barreaux? Il en résulta que l'accusation dirigée contre Monsieur prit dans les vingt-quatre heures une telle importance, que Monsieur crut devoir se rendre à l'hôtel de ville, où il désavoua puliquement le marquis de Favras, et ce, dans les mêmes termes, à peu près, qu'il l'avait déjà désavoué devant ses amis et ses familiers.

Cette humilité de Monsieur désarma le peuple, qui accueillit sa dénégation par des applaudissements frénétiques.

C'était déjà beaucoup qu'on lui livrât la noblesse, il ne demandait pas encore les princes du sang.

Monsieur, sain et sauf, et ne craignant plus pour lui, essaya alors de faire de la générosité; il demanda la gràce de ceux qui l'avaient offense. Mais, avec la même unanimité qu'on l'avait applaudi, on cria:

Pas de grâce! pas de grâce!

Monsieur fut reconduit en triomphe au Luxembourg: le triomphe de Monsieur, c'était la condamnation de Favras.

Le procès, un moment interrompu, fut repris avec une activité sans égale, et, le 19 février 1790, Favras comparut devant ses juges.

En entrant, M. de Favras dut comprendre, à la contenance du tribunal et surtout à celle des assistants, qu'il était condamné d'avance; et cependant il est impossible de demeurer plus calme et plus assuré que ne demeura M. de Favras. Il répondit avec précision et courtoisie aux questions qui lui étaient adressées, demandant avec instance

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