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courir promptement, de peur que nous ne périssions. Tous les jours mes chaines deviennent plus pesantes, et on me dit: Rangez-vous de notre parti, rentrez dans notre communion, et nous vous rappellerons de votre exil. On me tient ce discours pour me perdre et pour faire périr avec moi tout ce qu'il y a ici de catholiques. On veut ruiner l'Eglise de Dieu, et la ruiner de fond en comble. Si donc il y a encore des chrétiens au delà des mers, qu'ils nous en donnent des marques, et qu'ils nous reconnaissent pour leurs frères en Jésus-Christ, qui soutenons la vérité comme eux, et qu'ils nous délivrent de cette captivité d'Egypte.

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« Ici, ajoutait Noguaira en son propre nom, ici finissent les paroles de Sela-Christos, notre ami. Il me les a dictées lui-même en 1649. C'est à mon tour aujourd'hui de pleurer. Un torrent de larmes fait échapper la plume de mes mains. Mes compagnons ne sont plus que des squelettes animés. Ils ont été traînés en prison et fouettés. Leur peau tombe de misère; et, s'ils ne sont pas encore morts, ils souffrent tout ce que la plus extreme pauvreté a de plus rude. »

Cette lettre, si éloquente de douleur, aurait réveillé le zèle du patriarche Mendez s'il eût éprouvé quelque ralentissement; mais le Jésuite, toujours en vue de son Eglise désolée, n'avait jamais consenti à s'éloigner des Indes. Il espérait que l'Ethiopie serait enfin ouverte à ses derniers jours comme une palme réservée à son ambition du martyre; il mourut sans pouvoir l'atteindre. La terre d'Ethiopie se fermait devant eux on les vit à différentes reprises tâcher d'en forcer l'entrée. Louis XIV leur accorda son appui, et vers l'année 1700 le père de Brévedent expira

de fatigue au milieu du désert, Dans le même temps les pères Grenier et Paulet s'avançaient dans le Sennaar, et le père du Bernat rêvait une autre tentative. Elles échouèrent à peu près toutes,

Le schisme d'Orient et les calculs des hommes repoussaient les Jésuites de l'Ethiopie; ils s'élancent sur le Caucase. Les pères Hippolyte Désideri et Emmanuel Freyre prennent la résolution de porter l'Evangile jusque dans le Thibet. Ils parcourent le Mogol, ils franchissent des montagnes qu'aucun pied européen n'a encore foulées, puis, après de longs mois de voyages à travers les torrents et les précipices, ils descendent dans les vallées de Cachemyre. Ce n'est pas là que les appelle leur passion civilisatrice. Les peuples de ces contrées fertiles sont mahométans et heureux. Ils n'ont rien à demander à la terre, ils ne songent peut-être pas à solliciter du ciel autre chose que le bonheur dont ils jouissent; mais dans le Grand-Thibet il y a des Idolâtres perdus entre deux chaînes de rochers arides qu'il faut gravir, au risque d'être englouti à chaque pas au fond des abimes grondant sous les pieds. Les Jésuites n'hésitent point; ils courent au péril, ils s'engagent sur ces montagnes impraticables. Ils ont pour nourriture une espèce de farine de sattu ou d'orge, pour tout lit la pierre couverte de glace et de neige; et ils marchent cependant. Les voici à Ladak, où réside le souverain du pays. A des populations primitives, dont les mœurs étaient pures, ils pouvaient en toute liberté révéler les bienfaits de la croix; la croix devait y être comprise, Ils en propagèrent le signe, ils apprirent à le vénérer. Mais là ne s'arrêtait point la mission des Jésuites. Ils avaient à accomplir une prédiction de l'Evangile il fallait que le christia

nisme retentit à tous les coins du monde, et on leur disait que derrière des glaciers gigantesques, qu'après mille torrents, il existait une autre tribu com→ plétement séparée du reste de la terre. Six mois de travaux inouïs leur étaient nécessaires pour parvenir à Lahassa, capitale de ce troisième Thibet. Les Jésuites reprennent leur bâton de missionnaire, ils arrivent, et ils prêchent.

D'autres. en sillonnant les mers, ont remarqué entre le tropique du Cancer et la ligne équinoxiale, à l'extrémité de l'Océan Pacifique, un groupe d'iles où, raconte-t on, les indigènes vivent dans l'ignorance la plus absolue ; c'est l'état de barbarie élevé à sa dernière puissance; car ils n'ont pour loi qu'un grossier instinct et pour mœurs qu'une corruption anticipée. Le père Diego Louis Sanvitores, qui a déjà évangélisé les Philippines, forme le projet de pénétrer dans cet archipel et d'y annoncer le christianisme. Il part d'Acapulco avec les pères Thomas Cardenoso, Louis de Médina, Pierre de Casanova, Louis de Moralez et Laurent Bustillos. Vers la fin de 1668 ils abordent aux îles Mariannes ou Larrones. Les habitants les accueillirent avec des démonstrations de joie. Une croix fut dressée sur le rivage, et les Jésuites s'empressèrent de parcourir le pays afin d'en prendre possession par le baptême administré aux petits enfants. Guam est la principale de ces iles. Sanvitores se chargea de l'instruire des mystères de la Foi, Cardenoso et Moralez se dirigèrent sur Tinian; Médira sur Saypan.

Les missionnaires ne rencontraient aucun obstacles; ces peuples étaient doux, intelligents: ils comprenaient, ils goûtaient la morale chrétienne; ils se

principes d'ordre venant à la suite d'une religion qui leur enseignait de nouveaux devoirs. L'idée de la famille n'existait pas parmi eux, et cependant ils se croyaient la seule nation qui fût au monde. Vivant dans un libertinage traditionnel, ils ignoraient ce que pouvait signifier le mot de vertu. Leur nudité était complète; et, par une étrange pensée de coquetterie, les femmes ne se croyaient réellement belles que lorsqu'elles étaient parvenues à noircir leurs dents et à blanchir leurs cheveux.

Sanvitores avait, comme tous les Jésuites, placé ses plus chères espérances dans les enfants: il les forma avec un soin particulier. Il jeta les fondements d'un collége, afin de développer par l'éducation le germe des vertus et de le faire entrer dans les familles par les jeunes gens. L'influence du christianisme et l'attrait de la nouveauté avaient suspendu les vieilles querelles; mais peu à peu elles se réveillèrent. Malgré les prières et les menaces des Jésuites, la guerre éclata. Elle rendit aux insulaires leur férocité native, et le 29 janvier 1670 Louis de Médina périt à Saypan sous les coups d'une multitude égarée. Le sang montait à la tête des Marianais: Sanvitores et ses compagnons jugèrent que le sort de Médina leur était réservé: ils s'y préparèrent avec joie. Ils continuèrent leur apostolat, vivifiant la foi dans le cœur de leurs catéchumènes et leur apprenant à être chastes et humains. Le 2 avril 1672 Sanvitores expirait martyr. En peu d'années il avait créé dans ces tles huit églises et trois colléges, et il avait baptisé plus de cinquante mille sauvages. Médina et Sanvitores tombaient sous la lance des insulaires, le père Solano mourait d'épuisement à quelques mois d'intervalle. Le 2 février 1674 le sang d'un autre Jésuite

fécondait ce sol inculte le père Ezquerra, Louis de Vera-Picaço et ses catéchistes subirent le supplice que leurs vœux appelaient. Les indigènes massacrèrent tous les missionnaires qu'ils purent saisir : Pierre Dioz, coadjuteur temporel, les pères de Saint-Basile, Sébastien de Mauroy, Strobach, Charles Boranga et Comans trouvèrent le martyre. Leur mort, que l'Eglise et la civilisation glorifiaient, fut un stimulant pour l'Ordre de Jésus. Sanvitores et ses compagnons n'avaient ouvert à la croix qu'un champ restreint, et la perfidie superstitieuse de quelques indigènes avait étouffé leur voix dans les tourments; mais en 1697 les pères Antoine Fuccio, Basile Leroulx et Paul Clain virent se multiplier sous leurs yeux la moisson que le sang faisait germer. Les Mariannais embrassèrent le christianisme, et il se propagea dans ces archipels.

L'œuvre des Jésuites prenait une rapide extension: de Rome et de Goa (1), ses deux centres d'action, elle étendait ses rameaux par tout l'univers. Elle fondait de nouvelles résidences sans jamais abandonner les anciennes. Ee christianisme volait à la conquête des mondes inconnus. Dans ce perpétuel combat de la civilisation chrétienne contre le fanatisme ou l'ignorance, les Jésuites, toujours au premier rang, ne se laissèrent jamais endormir par le succès ou abattre par la défaite. Engagés dans cette lutte sans fin, que

(1) La province de Goa comptait plusieurs colléges et plusieurs séminaires chargés d'alimenter les Missions de l'Indostan. Le Collége de Sainte-Foi, établi par saint François-Xavier, celui de Saint-Paul et la résidence de Bandoughor; le Noviciat de Goa; le College de Rachour, ceux de Baçaim, de Daman, de

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