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la dispersion. Vieira et ses compagnons, en retournant au Para, ne trouvèrent que défiance contre les Portugais et affection pour eux. Ils reprirent le travail précédemment achevé.

Cependant, sur d'autres parties du fleuve des Amazones, les Jésuites ne restaient pas inactifs. Les Bocari et les Mourani acceptaient la parole de Dieu. Le père Juan Tuiexeria la distribuait aux peuplades de Touri et de Timirusi. Le père Louis Figueira plantait la croix au rivage du Xingu; et, en coordonnant une grammaire, il formait une langue commune de tous les divers dialectes. L'abondance de la moisson lui fit comprendre le besoin d'obtenir d'autres ouvriers: il part pour l'Europe, il revient avec douze Pères. La tempête les jette à la côte; ils sont égorgés par les Amani à l'embouchure du Maragnon. A cette nouvelle, Vieira se met en route pour fortifier dans la foi les néophytes du Xangu. Il consolide l'œuvre de Figueira, et laissé le père Maria au milieu de la réduction. Vieira ne s'occupait pas seulement du présent : sa pensée plongeait dans l'avenir. Inspirés par lui, les Jésuites n'avaient point adopté le même plan qu'au Paraguay; ils ne colonisaient pas de la même manière; mais, dans un pays si fertile, au sein de ces plaines que fécondent tant de fleuves, qu'ombragent tant de belles forêts, ils n'avaient pas eu besoin d'organiser le travail avec une aussi parcimonieuse vigilance. Leur mission ne se restreignait point; ils l'étendaient chaque jour; chaque jour les Fidèles, plus heureux, appelaient leurs frères de la montagne ou les insulaires à partager leur félicité. Des multitudes de sauvages abandonnèrent leurs retraites pour se soumettre à la vie commune. Non contents de ces catéchumènes, les Jésuites ne ces

saient d'en recruter de nouveaux. Les uns se lançaient sur des pirogues à la recherche des sauvages, les autres perçaient l'épaisseur des forêts pour évan géliser les nations. Deux colléges avaient été bâtis à San-Luis-de-Maranhao et à Belen. Plusieurs établissements dépendants de ces maisons principales naissaient dans les résidences. Là, par une fusion qui produisait de salutaires effets, l'on élevait sous la même loi et avec les mêmes soins les enfants portugais et les naturels. Vieira était mort en bénissant ce monde qu'il avait ouvert au christianisme; d'autres Jésuites marchent sur ses traces. Le père Bettendorsi dirige en 1678 les missions dont le fleuve des Amazones se couvre, et à cette époque il adresse au général de la Compagnie des lettres qui nous serviront de guide dans le récit des événements. Les pères Pierre de Sylva, Gonzalès de Veiras, Salvator della Valle, Juan Nugnez, Christophe de Cugna, Louis Consalvi, Maria Porsoni et Manuel Perez se livrent à des efforts inouïs. Ce zèle n'est pas toujours récompensé. Il y a des luttes à soutenir contre les sauvages, qui repoussent le christianisme parce que, pour aucun prix, ils ne consentent à aliéner leur liberté.

A la date du 31 mars 1680, le roi don Pédro eut égard aux plaintes que la Société de Jésus faisait entendre sur ce trafic d'hommes dont les menaces célestes et les lois humaines ne détournaient pas les Européens. Un édit prohibant de réduire les Indiens en esclavage parut ce jour-là même. Il enjoignait de laisser aux Jésuites seuls le soin des peuples d'Amérique. Il les en créait pour ainsi dire les suprêmes arbitres. Ce remède, appliqué sur une plaie incurable,

était restée impunie: vingt-trois ans plus tard elle se renouvelle avec les mêmes péripéties. Les Jésuites se virent encore expulsés par la violence de ces parages, où les naturels ne demandaient qu'eux pour chefs spirituels. Cette instabilité, toujours provoquée par une cupide désobéissance, fit naître l'idée d'envoyer sur les lieux un commissaire extraordinaire. Les Européens se plaignaient des entraves qué les Jésuites mettaient au commerce: ils disaient que les Pères s'insinuaient par de coupables complaisances dans l'esprit des Barbares, et qu'un jour, sous leur inspiration, ces peuplades se détacheraient de la métropole. Gomez Freire d'Andrada, muni des pleins pouvoirs du monarque, arrive, sous cette impression, au fleuve des Amazones. Il étudie les faits, il remonte à leurs causes; et, sur son rapport, le roi ordonne qu'à partir de ce moment les Jésuites auront non-seulement l'administration spirituelle, mais encore le gouvernement temporel des tribus.

C'était rouvrir à la Compagnie de Jésus la lice des souffrances et du martyre: elle y rentra. Les pères François de Figuerroa en 1666, Pierre Suarez en 1667, Augustin de Hurtado en 1677, étaient tombés sous les flèches des Indiens. En 1695 le père Henri Richler, né en Bohême dans l'année 1655, périt comme eux; mais cette mort qu'ils ambitionnaient ne venait qu'après de longs sacrifices, elle couronnait toute une vie d'abnégation. Richler, à peine débarqué à San-Luis-de-Maranhao, part pour la mission de Maynas. De là il veut évangéliser les tribus des bords de l'Ucayale. Seul pendant douze ans parmi ces Barbares, il se nourrit d'herbes et de racines. Ses succès étaient si bien constatés que, en désespoir de cause, on résolut d'envoyer le Père ten

ter un dernier effort sur les Xiberos. C'était une nation renommée par sa férocité, et qui, vivant dans des montagnes inaccessibles, avait jusqu'à ce jour refusé toute espèce de communication avec les missionnaires, Richler s'y rend accompagné du père Gaspard Vidal. Les deux Jésuites pénètrent au sein de cette peuplade. Ils y séjournent cinq ans, exposés à toutes les misères et à toutes les humiliations. Tant de courage ne put apprivoiser leur instinct. Les Xiberos, importunés de voir toujours Richler souffrir, toujours prêcher l'évangile, le massacrèrent enfin.

Plusieurs années s'écoulèrent ainsi, entre les privations et la mort, entre les succès et le martyre. Les générations de l'institut se renouvelaient souvent; car la chaleur dévorait ceux que la fatigue ne tuait pas. Néanmoins tant de services n'avaient pas été perdus pour la civilisation. Le christianisme prospérait sur le fleuve des Amazones, dont le père Samuel Fritz traça la première carte. Les catéchumènes avaient fait souche de Chrétiens. Leur nombre s'accroissait chaque année; mais en 1750 les Jésuites virent encore les marchands. d'esclaves se coaliser contre eux. La question commerciale se plaçait en face de celle d'émancipation. Elle semblait devoir l'emporter; car elle se déguisait sous la calomnie. Paul de Sylva-Nunez fut envoyé à Lisbonne avec mandat de soutenir les intérêts des négociants, et surtout d'inspirer des craintes au roi sur l'abus que les missionnaires s'apprêtaient à faire de leur autorité. Les hommes que le trafic de chair humaine enrichissait comptaient à la cour ainsi que dans le Portugal de nombreux auxiliaires. Jean V songe à

il donne mission à Édouard dos Santos de se rendre au Maragnon. Dos Santos était un magistrat intègre. Pendant vingt mois il parcourut les résidences et les colléges de la Compagnie. Il interrogea les chefs des tribus et les Européens. Il fut témoin de tout ce qui se faisait, et on lit dans son rapport adressé au roi : « L'exécrable barbarie avec laquelle on réduit les Indiens en servitude est tellement passée ici en usage qu'on la regarde comme un acte de vertu. Tout ce qu'on dit contre cette coutume inhumaine est accueilli avec tant de répugnance et si promptement oublié que les Pères de la Compagnie, dans la charité desquels ces infortunés trouvent asile et protection, et qui compatissent à leur misérable sort, deviennent, à cause de cela même et plus que tout autre, un objet de haine pour ces hommes cupides. » ... Le rapport d'Édouard de Santos était aussi énergique, aussi clair que possible. Le roi et le conseil de l'amirauté prirent des mesures en conséquence. Mais les Jésuites du Maragnon froissaient trop d'intérêts pour que la lutte commencée sur le fleuve des Amazones ne se réveillât pas en Portugal. L'affranchissement d'un monde, c'était la ruine de quelques spéculateurs. On ne pouvait plus attaquer les Pères sur ce point, on chercha si, en Europe, ils ne seraient pas vulnérables sur d'autres. On épia une occasion propice, et moins de trente ans après le marquis de Pombal donna satisfaction à toutes ces avidités si longtemps comprimées.

Les Moxes et les tribus du fleuve des Amazones avaient embrassé la Foi du Christ. Ces victoires de la civilisation tentèrent d'autres Jésuites. En 1697 : le père Stanislas Arlet s'enfonce dans les forêts et les montagnes les plus inaccessibles du Pérou. On lui a

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