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un maître plein d'autorité en littérature et en diction italienne; il s'exerçait à composer dans cet idiome des .sonnets dont Manzoni était le confident; il remontait aux plus anciens auteurs toscans, Fra Guittone, Guido Cavalcanti, Cino di Pistoia, et autres devanciers ou contemporains du Dante, et en ramassait les pièces rares. Ginguené, qui publiait vers cette époque son Histoire littéraire d'Italie, recevait de lui des indications érudites et ne pouvait espérer de juge plus compétent ni plus bienveillant (1). Micali, dans le même temps (1813), s'en remettait à lui pour qu'il voulût bien surveiller et annoter la traduction française de son ouvrage (l'Italie avant les Romains) (2). La langue et la littérature grecques lui étaient familières; ses travaux sur le stoïcisme l'y avaient introduit très-directement, et il devait, avant de publier ses Chants populaires de la Grèce moderne, s'y perfectionner encore. On le trouve, dès 1803, reconnu helléniste par Boissonade, et surtout en relation étroite avec les Grecs modernes les plus instruits, Mustoxidi, Basili; ce dernier lui parlait de « notre bon ami Coray, qui vous aime et vous estime infiniment. » L'étude du sanscrit l'avait de bonne heure tenté : il s'y était appliqué l'un des premiers en France.

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(1) Les trois articles du Mercure de France (décembre 1812 et janvier 1813) sur les tomes IV et V de Ginguené sont de Fauriel.

(2) Les événements politiques apportèrent de grands retards à cette publication. Micali eut le temps de donner dans l'intervalle sa seconde édition, et ce fut M. Raoul-Rochette qui, en 1821, se chargea de revoir pour la dernière moitié et de mener à bonne fin la traduction française.

M. Hamilton, Anglais qui avait longtemps résidé dans l'Inde, et que la rupture de la paix d'Amiens retenait prisonnier chez nous, était peut-être le seul homme alors sur le continent qui sût le sanscrit : il l'enseigna d'abord à M. de Chézy, à Frédéric Schlegel et à Fauriel lui-même. L'étude de l'arabe sous M. de Sacy n'en souffrait pas; Fauriel était arrivé à lire avec sûrété la poésie dans ces deux langues. N'est-il pas piquant d'ajouter encore qu'il profitait de son séjour aux champs pour cultiver la botanique, amasser des collections de plantes, et qu'il faisait volontiers, en compagnie de son ami, M. Dupont, « des excursions cryptogamiques à Meudon, lieu chèri des mousses? ». La même sagacité qui le dirigeait dans les recherches historiques primitives, il la portait dans ces investigations d'histoire naturelle; nous pourrions, si l'on nous pressait, fournir des preuves. Mais ce qu'il devient essentiel de bien saisir et d'indiquer pour ne pas nous perdre dans cette multiplicité de détails et de diversions, dont peut-être il n'a pas triomphé toujours au dehors, c'est que, dès 1810, ou même auparavant, toutes ses études secrètes, ses prédilections croissantes, se rapportaient de plus en plus dans sa pensée à l'histoire, aux origines de l'histoire moderne sur le sol du Midi et au berceau de la civilisation provençale. M. Guizot, en juin 1811, lui écrivant de Nîmes, où il était retourné passer quelque temps, lui demandait des nouvelles de son Dante et de ses troubadours comme d'un travail déjà fort entamé, et le pressait avec intérêt d'entrer avec lui dans. quelques développements là-dessus.

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Avant de clore cette première partie, tâchons de bien fixer nous-même notre idée, de bien dégager celle de Fauriel, d'atteindre à l'unité profonde et définitive qui était en lui, et que son œuvre, en effet, ne semble pas accuser suffisamment. Fauriel fut amené, par l'étude des littératures, des philosophies, des langues, par l'étude de l'arabe comme par la lecture du Dante, par tous les points à la fois, à sentir la différence qu'il y a entre la société moderne et l'ancienne. Savant original et sagace, érudit philosophe comme il n'y en avait pas eu encore de semblable en France, remettant tout en question et reprenant les racines de toutes choses, il passe des années à préparer, à fouiller, à creuser; il sonde les sources; d'autres s'y abreuveront, ou même y donneront leur nom. Ce qu'on a ainsi retrouvé de lui en fait de travaux considérables et silencieux, de matériaux d'études et de masses d'écritures, de glossaires en toute langue (langue basque, dialectes celtiques), est prodigieux; il étendait en tous sens ses fondations. Mais bientôt, pour qui l'observe de près, tout aboutit manifestement, ou du moins converge dans son esprit, aux origines de la civilisation moderne. Il attachait à ce mouvement de renaissance première la plus grande importance, comme à ce qui avait produit quelque chose de tout à fait distinct de l'antiquité, à savoir, par exemple, l'amour moderne, la chevalerie. Il recherche donc curieusement les origines de ces créations si chères à son âme délicate; il les recherche en germe chez les Arabes, chez les Vascons, chez les Aquitains et Gallo-Romains, pétris et repétris durant des siècles;

il épie sur ce sol tant remué les réveils d'une végétation vivace partout où il les voit poindre, et il ne met tant de prix à ses chers Provençaux, que parce qu'il découvre véritablement en eux la première fleur de l'arbre moderne.

C'est à l'observer dans cet esprit qu'on le découvre lui-même tirant tout de son fonds, ses idées, ses aperçus; il entreprend l'histoire des troubadours, non en philologue, ni par esprit de patriotisme local, mais dans une vue intimement philosophique, et, je le répète, parce que cette époque lui paraît offrir la première fleur originale, le premier Avril en fleur de la civilisation moderné. Il pensait que c'est de là qu'il faut dater l'histoire des littératures et des sociétés modernes ; car, si court et si brusquement interrompu qu'ait été ce premier printemps, elles lui doivent leur vraie couleur.

J'exprime ici ces choses plus vivement qu'il ne les exprimait peut-être, mais non pas plus vivement qu'il ne les sentait.

Tel est le vrai Fauriel; c'est l'histoire qui a l'immense prédominance en lui, même lorsqu'il se présente à titre de critique. De fait, il ne s'occupait de littérature proprement dite que quand son intérêt pour un ami l'y poussait, comme il le fit pour Baggesen et pour Manzoni, et comme il fut poussé encore aux Chants grecs, indépendamment des autres affinités, par de nobles motifs de circonstance. Son but, d'ailleurs, demeurait toujours historique, ses travaux, depuis 1815, se rapportaient entièrement à cette fin, et tout le reste de sa part n'était que moyen ou hors-d'œuvre.

Nous continuerons de le suivre. Qu'on nous pardonne ces développements dont il est bien digne. En nous occupant de Fauriel, nous n'avons pas dû craindre de faire un peu comme lui, d'insister sur les fondations mêmes de notre sujet, et de procéder avec une lenteur consciencieuse, propice aux choses.

SECONDE PARTIE.

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Par où celui-ci se rattache à la France.

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Carma

Fauriel et Manzoni. Sa jeunesse à Paris; ses entretiens avec Fauriel. gnola et Adelchi traduits en français; contre-coup en Italie. Relations de Fauriel avec Augustin Thierry, - avec Guillaume de Schlegel. Fauriel après 1830.- Son Histoire de la Gaule méridionale. Ses autres écrits.

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A partir de 1815, disions-nous, c'est la pensée historique qui domine dans l'esprit de Fauriel; il y eut pourtant à cette pensée quelques hors-d'œuvre, il y eut plus d'une diversion, et, comme on dit, plus d'une parenthèse. On en peut compter jusqu'à trois; la première fut la traduction en français des tragédies de Manzoni (1823); la seconde fut la publication et la traduction des Chants grecs populaires (1824); et je compte enfin pour la troisième et la plus grave, parce qu'elle fut la plus prolongée, le cours public dont Fauriel se trouva chargé après 1830. Si utile que le savant maître ait été dans cette dernière fonction, il y a lieu de regretter ́sans doute qu'elle l'ait empêché de mener à fin la grande entreprise historique de toute sa vie.

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