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mais on avait réussi à lui persuader que les Jésuites étaient, depuis Philippe II d'Espagne, les ennemis de sa famille et le Prince-Évêque les soutenait de tout son pouvoir ce fut sur lui que tombèrent les premiers effets de sa colère. Le 24 février 1818, il s'en prit aux disciples de l'Institut. Réfugiés dans la demeure épiscopale, ils y vivaient sans bruit; une troupe de soldats, ayant à sa tête le procureur du roi, envahit ce palais. On interroge les livres et les papiers, on appose les scellés sur les meubles, on arrête l'abbé Lesurre; puis, arrivant enfin au but principal de ces perquisitions, on expulse les Jésuites, en leur donnant à entendre qu'il en sera partout ainsi dans le Royaume. La Compagnie ne se jugeait pas assez forte pour affronter la tempête. Ses commencements étaient difficiles, elle avait des obstacles de toute espèce à vaincre; elle ajourna la lutte, et, avec une prudence que ses amis blâmèrent sans essayer d'en pénétrer les motifs, elle se soumit à l'exil que le despotisme lui infligeait. La Suisse et les Pays-Bas formaient alors une seule province; ce fut vers les cantons catholiques que l'on conduisit les Novices.

Faire voyager et entretenir à l'étranger ces proscrits n'était pas chose aisée. Madame de Gizighem se charge de ce soin. Elle n'y met qu'une condition; c'est que, si des jours plus sereins viennent à luire sur la Belgique, ces jeunes gens seront tenus de rentrer dans leur patrie pour y faire, comme Jésuites, le bien qu'ils espéraient réaliser par leur vocation. Le Général de l'Ordre accepte le contrat dans ces termes. Quelques enfants de Loyola étaient néanmoins restés sur le sol. Le Père Lemaistre les dirigeait; mais, en face de la lutte violente ouverte entre les deux pouvoirs, lutte qui doit aboutir à une révolution par l'entêtement du Prince et par la persévérance du peuple, les Jésuites se décident à transférer ailleurs leur Noviciat. Il n'y en eut aucun en Belgique pendant treize ans.

Il n'y restait plus qu'un petit nombre de Profès. Enrôlés sous les drapeaux de l'Église, ils combattirent avec Lemaistre en qualité de volontaires. Leurs armes furent la prière et l'étude, la résignation et l'exercice de la charité. La Belgique osait à peine résister au Souverain qui prenait à tâche d'obscurcir ses qualités royales par le plus inconcevable des égarements. Elle

avait des instincts catholiques, et Guillaume s'efforçait de les froisser tous les uns après les autres. Chaque mot de liberté sorti de sa bouche était une nouvelle provocation au despotisme. Les Jésuites, quoique peu nombreux, exerçaient sur les masses une réelle influence. Leurs paroles, leurs conseils, leur attitude, leur silence même, tout était matière à soupçon et, par conséquent, à incrimination. Les agents hollandais investis par Guillaume des emplois publics, les réfugiés de tous les pays auxquels il accordait une impolitique hospitalité ne cessaient de représenter les disciples de Loyola comme les ennemis de son gouvernement. On les accusait de régner en France sous le manteau fleurdelisé des Bourbons, Guillaume de Nassau ne voulut pas qu'il fût dit que la Compagnie tenait un autre. royaume entre ses mains. Elle avait ouvert des retraites où les prêtres séculiers et les laïques confondaient leurs prières et se façonnaient à la pratique des vertus chrétiennes. En 1824, le Monarque enjoint aux Évêques d'avoir à prohiber ces exercices spirituels. La querelle religieuse était assoupie; les Belges avaient courbé la tête, les ministres de Guillaume lui persuadent qu'il faut en finir avec l'enseignement catholique.

Moins d'une année après, le Collége de Liége, offert aux Jésuites par M. de Stas, se fermait à l'instant où le Roi allait en donner l'ordre. Le petit séminaire de Culembourg était réservé au même sort, quand les Archiprêtres d'Amsterdam et d'Utrecht, unis aux Vicaires apostoliques de Hollande, résolurent de ne céder qu'à la violence. Guillaume était parvenu à fatiguer l'opposition même catholique: il pouvait régner tranquille. Cette espèce d'apathie, ce sentiment d'indifférence qu'à une heure donnée on signale dans les partis les plus vivaces, se faisait jour. Le Roi ainsi que Goubau et Van Maanen, ses confidents, crurent que le moment était venu d'asservir la Belgique au profit de la Hollande et d'écraser l'Église romaine sous le joug du Protestantisme.

La création du Collége philosophique de Louvain, les mesures vexatoires, les entraves mises à la liberté d'éducation et au droit imprescriptible des pères de famille réveillèrent dans les cœurs une espérance que de nouveaux déboires avaient fait ajourner. Les Frères de la doctrine chrétienne distribuaient aux

enfants des pauvres et aux jeunes ouvriers une instruction appropriée à leurs besoins; ils leur apprenaient à être sobres, picux, actifs et soumis. Ils en faisaient des fils obéissants, afin que plus tard ils pussent devenir de bons citoyens. On accusa les Instituteurs de l'indigence de répandre l'Ultramontanisme dans la Belgique, et d'y comploter une révolution. Aux yeux de la cour de Guillaume, ils ne furent que des Jésuites déguisés 1. Les Jésuites étaient la terreur de ce Roi, qui contractait alliance avec les libéraux de toutes les sectes pour assurer le triomphe de sa pensée hérétique. Il fit fermer les Écoles des Frères; les Colléges de la Compagnie avaient eu le même sort. Cette royale déloyauté, que les journaux anticatholiques de France et des l'ays-Bas saluèrent avec des cris d'allégresse, rendit une nouvelle force à l'opposition parlementaire et aux familles chrétiennes. Des lois étaient portées pour tuer l'avenir de l'enfant qui aurait étudié ailleurs que dans les écoles salariées par le gouvernement. L'ambition et l'intérêt particulier passèrent après le besoin de sauvegarder la Foi et les bonnes mœurs. Guillaume s'obstinait, le peuple commença à murmurer. Il se faisait en France contre les Jésuites une guerre si inconcevable, que les Belges avaient cru pouvoir sacrifier leurs compatriotes, membres de l'Institut de Loyola, aux préjugés des Ministres et à la nécessité de maintenir la paix. L'alliance signée entre les Constitutionnels et les Catholiques n'allait pas jusqu'à froisser le Souverain dans son attente. Ils proclamaient les Jésuites dangercux, tout en déclarant qu'ils n'ajoutaient aucune foi aux calomnies dont les accablaient la presse libérale et le gouvernement des Pays-Bas. Cette déviation au principe de vérité ne porta point bonheur à l'opposition coalisée. M. de Gerlache luimême, qui avait appuyé une pareille tactique dans ses discours, ne tarda pas à s'en repentir 2.

Histoire du royaume des Pays-Bas, par M. de Gerlache, t. jer, p. 377.

2 On lit dans le tome II, p. 80, de la première édition de l'Histoire du royaume des Pays-Bas, par ce magistrat : « Que l'on veuille bien se souvenir encore une fois que ceci (ceci est le propre discours de M. de Gerlache) fut écrit en 1825; que, pour l'amour de la paix, nous voulions faire au Gouvernement, que nous supposions jusqu'à un certain point sincère dans ses appréhensions du Jésuitis me. toutes les concessions imaginables, afin de prévenir de grandes calamités. Nous com nettions néanmoins une faute grave, dont nos adversaires surent tirer parti En restreignant le principe, nous affaiblissions notre cause, bien loin de la rendre meilleure n

Guillaume avait espéré qu'il pourrait donner force et durée à son gouvernement en tâchant de se créer une popularité que les révolutionnaires de France avaient conquise à si bon marché. Comme eux et avec eux, il s'efforça d'exploiter le nom des disciples de saint Ignace; il prétendit les rendre responsables de tous les désastres et de toutes les erreurs. Les Belges ne furent pas aussi crédules que les partisans de la Charte de Louis XVIII. Au mois de novembre 1827, un écrivain alors célèbre par ses ouvrages anticatholiques, M. de Potter, fit tomber des mains du Monarque protestant cette arme du Jésuitisme: «Maudits Jésuites, s'écriait le chef de l'opposition constitutionnelle dans les Pays-Bas, ils ont fait bien du mal! car pour nous défendre contre eux, on nous a, comme le cheval de la fable, sellés, bridés et montés. C'était si commode de pouvoir répondre aux Français qui, après quinze jours de séjour à Bruxelles, nous disaient : « Quoi! pas de jury?— Non, mais aussi pas de Jésuites. Quoi! pas de liberté de la presse?

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mais

Non, aussi pas de Jésuites. Quoi! pas de responsabilité ministérielle? pas d'indépendance du pouvoir judiciaire ? un système d'imposition accablant et antipopulaire, une administration boiteuse, etc.? Il est vrai, mais point de Jésuites. — Comment, demanderais-je volontiers à nos voisins, pouvons-nous nous tirer de là? Dès que nous nous mêlons de nos affaires, on crie aux Jésuites! et nous voilà hors du droit commun. Dites-moi, messieurs, de ce qu'on appelle un homme Jésuite, s'ensuit-il qu'il faut l'emprisonner, le juger, le torturer et le condamner? toutes ses actions deviennent-elles des crimes et ses paroles des absurdités ?»>

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Ce langage était celui de la raison; il fut puni par Guillaume et compris par le peuple. Les Pères de l'Institut se trouvaient malgré eux le levier de l'opposition; ils servaient de griefs au Roi pour refuser les concessions même les plus équitables. Ils se voyaient exilés comme Société et réduits à vivre à l'état d'individus. Leur nom était un cri de guerre, et, en descendant au fond des choses, on ne signale jamais leur impulsion sur les événements qui se précipitent. Le chef de la Compagnie leur écrivait ces mots significatifs : « Pour Dieu, qu'on ne se mêle 1 Lellre au Courrier des Pays-Bas, par M. de Potter.

pas de politique! » Tels étaient les conseils qui partaient du Gésu; ils furent si bien suivis que deux Jésuites ne purent user qu'une fois de leur prérogative électorale. Le général de l'Ordre et Van de Velde, évêque de Gand, mirent obstacle à l'exercice d'un droit qui pouvait fournir des armes aux Ministres hollandais. Guillaume proscrivait les Pères de ses États, les Belges se prirent à les y appeler. Tout était depuis long-temps mûr pour une révolution; elle éclata au mois de septembre 1830.

Elle se faisait au nom des Catholiques et des Jésuites; son principe était avoué de tous ceux qui, à Paris, assistant au triomphe d'une autre, sous un drapeau et avec des projets différents, ne craignirent pas de chanter la victoire remportée par les Belges. Tant que Guillaume de Nassau eut assez d'autorité pour chasser les Jésuites et pour affaiblir le Catholicisme, ce Monarque fut offert par les inconséquences libérales comme le type du roi tolérant, philosophe et éclairé. Les adversaires des Jésuites lui devaient au moins dans sa chute quelques ménagements. Il n'était plus qu'un prince légitime mis dans l'impossibilité de proscrire la Foi; les panégyristes de 1825 se changèrent en insulteurs ; ils l'accablèrent d'outrages. La Révolution belge fut chose grande et sainte, parce qu'elle s'abritait sous celle de juillet, dont les causes et les résultats étaient diamétralement opposés. La malédiction contre les Jésuites tonnait en France, lorsque, dans le même moment, on les saluait en Belgique comme les martyrs de la liberté religieuse et l'espérance des familles. Guillaume les avait chassés du royaume des Pays-Bas; à peine un nouveau gouvernement fut-il décrété que les Pères reprirent le cours de leurs travaux.

Le coup porté à l'éducation de la jeunesse par la suppression de l'Ordre de Jésus, avait retenti au loin. On recueillait dans les désespoirs du foyer domestique les fruits amers que cette mesure avait provoqués, et de chaque point de l'Europe il s'élevait des voix indépendantes pour réclamer la Compagnie. Ses derniers Pères étaient partout investis de la confiance publique; mais ils s'éteignaient peu à peu, et les Catholiques ne cessaient de tourner les yeux vers le Saint-Siége pour implorer la résurrection de l'Institut. En Suisse, les cantons attachés à l'Unité n'avaient pas consenti à se séparer de leurs maîtres dans la Foi.

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