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pour le soulager dans les labeurs de l'Apostolat. Aussitôt qu'il fut possible de se rattacher par de nouveaux vœux à la Compagnie, Beckers, Henri Groenen, Luyten et Verbek s'y rallièrent. Les Jésuites de Nimègue et de Culembourg suivent cet exemple; mais à Culembourg, le père Huberti, qu'un héritage a fait riche, consacre sa fortune à améliorer la Mission. Le père Arnold Luyten développe ce germe, et l'Internonce apostolique Ciamberlani seconde si bien ses projets, qu'en 1818 il fut possible de fonder dans la ville un petit séminaire. Le Pape, Léon XII, avait voulu faire recouvrer aux Jésuites tous les postes occupés par eux avant la suppression. Ils rentrèrent donc à La Haye.

Vers le même temps, les Pères de la Foi, dont nous avons indiqué l'origine, vivaient en Belgique depuis le commencement du dix-neuvième siècle. Le plus ardent de leurs vœux était de pouvoir être incorporés à l'Institut de saint Ignace. Les événements militaires de 1814 allaient trancher une grave question. La chute de l'Empire de Napoléon était imminente; les Pères de la Foi, dirigés par Bruson et Leblanc, s'adressent à Fonteyne, alors supérieur des Jésuites en Hollande. Ils sont admis dans la Compagnie; mais il faut les soumettre à un noviciat et, dans le bouleversement de tous les royaumes, la Société de Jésus se trouve, comme beaucoup de Rois, sans autre appui que ses espérances. Le prince Maurice de Broglie, évêque de Gand, ne la laissa pas long-temps dans cette incertitude.

Ce Prélat, dont le nom retentit si souvent dans les annales de cette époque, était un spirituel courtisan et un orateur, un homme de Dieu et un homme du monde, toujours prêt à secourir l'infortune, à faire acte de courage, ou à donner aux autres un noble exemple. Napoléon l'avait pris en affection. Il aimait en lui sa naissance et ses vertus, sa piété et son enjouement. Maurice de Broglie se montra plein de gratitude et d'enthousiasme pour l'Empereur; mais, au moment où Bonaparte, aveuglé par l'ambition ou par la colère, se déclara le persécuteur du Souverain Pontife, la conscience de l'Évêque de Gand l'emporta sur tous les sentiments humains. Dans le Concile de Paris, au donjon de Vincennes et dans l'île Sainte-Marguerite, le prince de Broglie ne recula devant l'accomplisse

ment d'aucun de ses devoirs. Il venait à peine de sortir de sa prison d'État lorsque les Jésuites sollicitèrent son concours. Il leur fut promptement acquis. Le diocèse de Gand s'ouvrit à leur demande ; à dater de ce jour, il y eut entre le Prélat et les disciples de saint Ignace une de ces alliances contractées par la vertu, et que rien ne peut rompre sur la terre. Le Noviciat était résolu en principe; la marquise de Rhodes fournit les fonds de premier établissement; le comte de Thiennes mit son château de Rumbeke à la disposition de la Société ; puis les exercices commencèrent. A quelques mois d'intervalle, la Belgique se voyait le théâtre d'un suprême combat. L'Europe attendait Napoléon à Waterloo. Ses armées approchaient de Courtray et de Roulers; le Père Fonteyne songe à faire retraite devant elles. Le bruit des camps ne convenait pas au recueillement exigé des Novices; Fonteyne les place dans une maison de campagne, à Distelberg, que M. Gobert lui a offerte. Les événements marchèrent avec tant de précipitation que, peu de jours après, il ne resta plus sur la Belgique que des débris d'armée et un nouveau trône.

Guillaume-Frédéric de Nassau, fils du dernier Stathouder de Hollande, allait l'occuper. Ce prince, dont les qualités ainsi que les défauts seront sévèrement jugés par l'histoire, car il fit abus des uns ainsi que des autres, avait long-temps vécu en Angleterre dans un obscur exil. Chassé par la révolution française de ses États héréditaires, appelé par les vainqueurs de cette révo lution à régner sur deux peuples, dont les mœurs et le culte n'avaient aucun point de similitude, Guillaume ne sut pas tenir la balance égale entre ses affections et ses devoirs. Il était roi légitime par le fait des traités, il se fit révolutionnaire par ambition. La France des Bourbons repoussait de son sein les juges et les bourreaux de Louis XVI; elle proscrivait quelques obscurs meneurs des Cent-Jours, qui avaient renversé le trône même de Guillaume; Guillaume accueillit dans son palais les régicides et les conspirateurs. Il rêva la couronne de Saint-Louis pour son fils par un complot protestant. Sur une terre catholique, il essaya de séduire la Foi du peuple et de rendre odieux le Clergé. Des différends s'élevaient entre les Belges fidèles à l'Église romaine et le nouveau Monarque. Chacun interprétait à sa ma

nière les droits conquis, les promesses faites et les lois acceptées. Cette lutte, naissant dans les fêtes d'une intronisation, devait amener Guillaume à résipiscence.

Conseillé par les fanatiques de Protestantisme, ou enivré des éloges intéressés, dont les ennemis de tout culte ne cessaient de le combler, le Roi des Pays-Bas recula devant les charges de la couronne. Il avait à contenter deux nations rivales que le hasard réunissait sous le même sceptre; le Hollandais s'obstina à ne jamais devenir Belge. Dans les premiers jours de son règne, de 1814 à 1815, il avait proclamé la liberté et abrogé de criants monopoles; bientôt il chercha à renverser d'une main ce qu'il établissait de l'autre.

Les Jésuites vivaient sans prendre aucune part aux débats religieux et politiques sur l'interprétation de la loi fondamentale. Tout à coup, le 3 janvier 1816, Guillaume ordonne aux Pères de Distelberg d'avoir à se séparer immédiatement. A cette injonction, les Jésuites répondent : « Un seul mot de l'Évêque suffit pour nous disperser; si le Prélat ne prononce pas cette parole, la force armée saura bien, sans effort, expulser les paisibles habitants de cette maison. « Le Père Vanderbiest, qui, après la mort de Fonteyne, a été nommé supérieur, communique à l'abbé Lesurre, Vicaire-Général de Gand, la réponse qu'il a faite. Maurice de Broglie est absent; il écrit que c'est le devoir d'un capitaine de ne point abandonner, sans les défendre, ses fidèles soldats; qu'il ne permettra point que les Jésuites soient exposés aux traits de leurs ennemis, et qu'il faudra le percer lui-même avant d'arriver à eux. Puis il ajoute : « Je veux que toutes les portes de mon palais leur soient ouvertes, afin qu'ils s'y retirent en aussi grand nombre qu'il pourra en contenir. »

Le Prélat n'est pas encore satisfait de cette déclaration. Il accourt à Distelberg, il encourage les Jésuites, il les fortifie dans leur dessein. Guillaume apprend cette résistance, il en redoute l'éclat pour ses plans ultérieurs, il se détermine à la vaincre. Des troupes marchent contre le Noviciat : les Jésuites se dispersent à leur approche; le palais épiscopal les reçoit. Ce premier ferment d'opposition attire sur la tête du prince de Broglie les tenaces colères de Guillaume. L'Évêque de Gand,

dès le mois d'octobre 1814, avait prévu ces difficultés; il les avait soumises au congrès de Vienne : le 28 juillet 1815, les autres chefs des diocèses réclamaient encore par une lettre au Roi. Le 2 août, Maurice de Broglie adresse à son troupeau une instruction pastorale 1. Dans cet acte, où, à chaque ligne, apparaissent le courage et le besoin de prévenir les maux dont est menacée l'Église belge, le Pontife s'élève avec force contre la nouvelle Constitution. Elle est à ses yeux inadmissible pour des Catholiques, et il proteste. Les Évêques avaient dit que ce pacte législatif était « d'un sinistre augure pour l'avenir. » Maurice de Broglie le démontrait. Les étrangers, qui ont capté la confiance de Guillaume de Nassau, n'eurent pas de peine à l'irriter contre ce Prélat factieux, que ses collègues dans l'Épiscopat, et Pie VII lui-même félicitaient de son zèle. L'arrestation préventive de l'Évêque de Gand est décidée. Il se réfugie en France avec le Recteur du Noviciat des Jésuites. On s'empare de ce fait pour proclamer que les Pères de l'Institut doivent être seuls accusés de la résistance du Prince. Le Prince était mortel; l'Ordre de Jésus se renouvelait; les adversaires de l'Église catholique le rendirent responsable de l'intrépidité de Maurice de Broglie.

Ce dernier ne nourrissait aucune pensée hostile au pouvoir, mais ses combats et ses souffrances pour la Foi l'avaient rendu populaire; mais surtout il défendait avec fermeté les droits de la conscience. Les Belges virent en lui un martyr; Guillaume et ses courtisans révolutionnaires le peignirent comme un fanatique suppôt de la Compagnie de Jésus.

L'oppression par voie légale, dit M. de Gerlache 2, est peutêtre la pire de toutes, parce que la fraude s'y mêle à la violence. »> Guillaume de Nassau, en montant sur le trône, avait caressé le Clergé, on l'avait vu même chercher à se bien faire venir des enfants de Loyola. En 1817, il se sentait emporté par ses idées protestantes; il entrait à pleines voiles dans la réaction religieuse que l'écume de tous les partis s'efforçait d'imposer à ses rêves d'orgueil. On ne pouvait encore sévir contre les Jésuites

Histoire du royaume des Pays-Bas, par M. de Gerlache, premier président de la Cour de Cassation, t. 1, p. 315.

2 Ibidem, p. 341.

que par la calomnie, on ne s'en fit point faute. L'évêque de Gand était une victime bonne à immoler, on ne l'épargna pas, dans l'espérance que sa punition effraierait les autres Prélats. La Cour de Bruxelles, par arrêt du 9 octobre 1817, «< condamna Maurice de Broglie, fugitif ou latitant, à la déportation et aux frais du procès. » Ce drame judiciaire, où les Jésuites sont en cause sans paraître devant le jury, où tout se fait contre eux et à cause d'eux, ne devait pas se terminer là.

Deux coupables, convaincus de vol avec effraction et destinés à l'exposition publique et aux travaux forcés à perpétuité, se trouvent dans les prisons de Gand. Le jugement rendu contre le Prince-Évêque doit, aux termes de l'arrêt, être affiché à un poteau sur la place publique. On viole la loi du pays pour se donner le droit de violer les convenances sociales; le nom vénéré du Pontife fut attaché au pilori entre les deux forçats. Ce temps-là était l'âge d'or du journalisme; on avait de la conscience même contre son parti. L'Observateur belge, feuille hostile à la Foi romaine, ne put s'empêcher de manifester son indignation 1. Cette flétrissure est acceptée comme un honneur par tous les Catholiques.

Il n'était pas dans la nature de ce Guillaume, héritier du Taciturne, de compromettre l'autorité par de semblables excès;

L'Observateur belge s'exprimait ainsi au tome XIV p. 181 de son recueil : "On eût certainement pris pour insensé, on eût peut-être persécuté comme un scélérat celui qui, après le 18 brumaire ou à l'époque du Concordat, mais surtout en 1814 et au commencement de 1815, eût cru possible qu'avant 1818 un Evêque serait condamné en Belgique, sous un Prince non catholique et par un tribunal séculier, à une peine criminelle, infamante, pour avoir souscrit avec tous ses coordinaires et rendu public un jugement doctrinal sur la question de la licéité ou de l'illicéité d'un serment; écrit deux lettres au Saint-Père relativement aux prières publiques que le Prince pourrait demander; reçu une réponse conforme au vœu du gouvernement; donné immédiatement de la publicité à cette réponse avec le double avantage de tranquilliser par la tous les esprits, et de justifier la demande que le gouvernement avait faite et l'acte public et solennel par lequel il y déférait.

"Bien moins encore eût-on pu croire que sans nécessité, que sans utilité, con . tre toute raison, on eût exécuté de la condamnation ce qu'elle pouvait emporter de plus ignominieux pour la personne du condamné, de plus outrageant pour la Religion dont il est le ministre et le plus insultant pour la nation restée fidèle au culte de ses pères. "

"-Cette insulte publique au Catholicisme, raconte M. de Gerlache à la p. 345 du premier volume de son Histoire du royaume des Pays-Bas, cette profanation d'un caractère vénérable et sacré ne firent qu'exciter un sentiment général d'indignation et de dégoût pour leurs auteurs. Quant à l'Evêque de Gand, il dut se trouver trop honore d'une flétrissure qui rappelait involontairement à chacun le supplice de son divin maître. Nous n'avons pas besoin de dire à qui l'on comparait ses persécuteurs. "

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