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cherchant à les séduire. Ce voyage, sans autre terme que la mort et auquel ils se condamnent, les jette en proie à toutes les tortures de la faim, de la soif et de l'insomnie. Ils sont dévorés par la chaleur ou noyés dans des torrents de pluie ; ils ne trouvent ni ombrage pendant la journée ni abri pour reposer le soir leur tête épuisée; ils roulent dans un cercle perpétuel de dévouements et de sacrifices. Ce cercle s'étendait, la mort vint servir d'auxiliaire aux haines amassées autour des Jésuites. A peu de jours d'intervalle, elle frappe les Pères Martin et du Bournet. La Compagnie n'avait pas voulu laisser succomber sous le poids des douleurs les premiers ouvriers envoyés au Maduré ; d'autres les y avaient suivis. Les fièvres cérébrales ou le choléra, dont les retours sont périodiques, emportèrent en quelques années la meilleure partie de cette génération de nouveaux Missionnaires. En 1843, Sardos, Charignon, Perrin, Duranquet, Garnier, Clifford, Deschamps et Faurie expirèrent à la fleur de l'âge, victimes de leur courage ou de leur charité. Comme le Père Garnier, leur supérieur, ils avaient tenu les espérances que leurs talents avaient fait concevoir. La mort les frappait coup sur coup et avec tant de rapidité qu'à ces nouvelles la Société de Jésus s'ébranla tout entière. On mourait au Maduré pour la gloire de Dieu et de l'Église. Des soldats de la Croix se présentent dans chaque province de l'Ordre, afin d'aller affronter le trépas. Le Maduré est devenu pour la Compagnie un champ de bataille; tous briguent le dangereux honneur d'y combattre; tous s'écrient: Eamus et moriamur! A cet élan universel, les chefs comprennent qu'ils doivent relever l'espérance de ceux qui survivent aux désastres. Coûte que coûte, il ne faut pas que les peuples puissent douter de l'Institut. Six Jésuites et deux frères coadjuteurs sont expédiés en poste. Cinquante jours après ils arrivaient; ils annonçaient de nouveaux renforts, et, dans l'allégresse de leurs âmes, ils couvraient de larmes et de baisers la terre qui allait peut-être les engloutir à leur tour.

Cette confiance dans ses forces, grandissant en proportion des obstacles et des revers, cette énergie ne reculant devant aucun sacrifice, explique admirablement les Jésuites. Elle montre la puissance d'un corps sur des missionnaires isolés ;

elle apprend aux habitants de l'Indostan que rien, pas même la mort, ne peut séparer les Pères de ce sol où ils ont fait germer le Catholicisme. Les Jésuites qui semaient dans les larmes ne se croyaient pas destinés à moissonner dans la joie. Cependant, à partir de ces calamités, leur triomphe semble plus assuré que jamais. Ils ont dompté les Schismatiques, arrêté les progrès de l'Anglicanisme et réduit au silence les Prêtres coupables qui abritaient leur désobéissance ou leurs crimes sous la mitre de l'Archevêque de Goa, leur complice. De ces débris de Chrétientés sans union, sans espérance, ils sont parvenus à former un troupeau de cent vingt mille néophytes. Comme le bon Pasteur donnant sa vie pour ses brebis, ils sont morts ou ils ont souffert afin de prémunir les Catéchumènes contre les embûches tendues à leur Foi. Ils se sont aguerris aux mœurs ainsi qu'au climat du Maduré; la langue tamoule leur est plus familière. Ils commencent donc à étendre leurs conquêtes jusque chez les païens. Un collége s'élève à Négapatam ; c'est le phare de l'éducation brillant sur cette terre inculte, mais que tant de généreux trépas ont fécondée. Ainsi que l'apôtre saint Paul 1 écrivant à Timothée, le Jésuite du Maduré peut dire avec tous les Missionnaires de l'Institut : « J'ai bien combattu, j'ai achevé ma course; j'ai gardé la foi. Il ne me reste qu'à attendre la couronne de justice qui m'est réservée, que le Seigneur comme un juste juge me rendra en ce grand jour, et non-seulement à moi, mais encore à tous ceux qui aiment son avénement. »

I Deuxième épître de saint Paul à Timothée, ch. IV, v. 7.

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CHAPITRE VII.

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Intrigues nouées pour
Mort du Père de

Les Jésuites en Belgique depuis 1830.- Le Père Bruson renplacé par le Père Van Lil. Ils rentrent dans leurs Colléges. Noviciat de Nivelles. Fondation de nouveaux établissements. -L'Université catholique de Louvain. Les Belges secondent les Jésuites.- Le roi de Hollande les protége.- Mort du Père Van Lil. Le Père Franckeville Provincial. Léopold de Belgique et les Jésuites de Namur. Les Jésuites constitutionnels en Belgique et démocrates en Suisse. Motifs de cette différence. Leur neutralité dans les affaires de l'Etat. La Jeune-Suisse se déclare contre les enfants de saint Ignace. Les Révolutionnaires veulent les forcer à sortir du Valais. - Combat du Trient. Les Jésuites demandés à Lucerne. - Joseph Leu et les Catholiques. Trois Jésuites en mission dans le canton. - Le Grand Conseil consulte les cantons et les peuples voisins. - Réponse de quelques Evêques. La Jeune-Suisse s'oppose à l'entrée des Pères. Les Lucernois sollicitent le Pape et le Général de l'Ordre. Attitude des habitants du canton. - Une convention intervient entre les Jésuites et les Lucernois. - Les Corps francs. Le Vorort les soutient en secret. Ils envahissent le territoire de Lucerne. Le Général Sonnenberg. Victoire des Catholiques. On les calomnie. Les Pères Simmen et Burgstahler à Lucerne. Leu est assassiné. Les Jésuites au Séminaire de Lucerne. -Leur situation en France après la révolution de juillet. - Ils se cachent. Ils reparaissent au moment du choléra. Le Père Barthès à Péronne. Les Pères Druilhet et Besnoin arrêtés. Charles X demande un Jésuite pour élever le duc de Bordeaux. Situation de la cour exilée. - Lettre du Général de l'Institut aux Pères. Deplace et Druilhet se rendent à l'invitation du vieux Roi. Le parti légitimiste. - Ses divisions. - Le Père Deplace et le duc de Bordeaux. faire congédier les deux Pères. -Les Jésuites se retirent. Maccarthy et du Père Potot. L'éloquence de l'un, les vertus de l'autre. Quelques Evêques appellent les Jésuites dans leurs diocèses. - Ils secondent le mouvement religieux par la chaire et par la direction.-Ils propagent les retraites ecclésiastiques. Les prédicateurs de ces retraites. - Leur succès dans l'Apostolat inquiète l'Université. - L'abbé de La Mennais et le corps enseignant. - M. Cousin et sa philosophie. Il glisse au programme du baccalauréat les deux premières provinciales. - Plan de quelques Universitaires pour faire ajourner la loi sur la liberté d'enseignement. -Personne, en 1939, n'a peur des Jésuites.-M. Cousin décide l'Académie française à proposer l'éloge de Pascal pour prix d'éloquence. -L'éclectisme envahit tout le corps enseignant. -Son intolérance. -Ses premières attaques contre les Jésuites. M. Thiers et M. Guizot. -- Caractère de ces deux écrivains au pouvoir. L'Université poursuit son combat.- Sujet de composition. Arnauld contre les Jésuites. La presse révolutionnaire se fait la complice des Universitaires. Les Pères de l'Institut accusés par les uns d'être légitimistes et par les autres de tendances orléanistes. — Le Monopole universitaire et l'abbé des Garets. Ce que c'était que ce livre et comment il fut critiqué. MM. Michelet, Libri et Quinet. -Leur cours écrit ou parlé. Leurs attaques contre la Compagnie de Jésus et la Religion. Les Evêques mis en cause prennent la défense des droits de tous et de la Foi catholique. On les accuse d'immoralité. Résurrection des vieilles calomnies. Le chancelier Pasquier, à l'Académie française, fait l'éloge du Pèrejde Ravignan.-Ravignan à Notre-Dame de Paris. -Publication de son ouvrage sur l'Institut des Jésuites. - Royer-Collard et le M. Villemain présente à la Chambre des pairs son rapport sur la liberté d'enseignement. L'Episcopat proteste. - Discussion à la Chambre des pairs sur les enfants de saint Ignace. M. Thiers rapporteur à la Chambre des députés. Son rapport et le Juif Errant. - Les Jésuites volés par Affnaër. - La presse révolutionnaire s'empare du malfaiteur comme d'un levier. Condamnation d'Affnaër. M. Guizot répugne à poursuivre les Jésuites. Mission de M. Rossi. M. Rossi n'est pas un réfugié italien. Accueil qu'il reçoit à Rome. Son caractère. Sa politique pour capter la confiance du Sacré-Collége. Ses agents ecclésiastiques. Les premiers rêves de

Jésuite.

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M. Rossi.

Position des Jésuites à Rome. Interpellation de M. Thiers. M. Rossi fait passer son Memorandum au cardinal Lambruschini. On n'y répond pas. - Memorandum verbal de l'envoyé de France. Les Jésuites cause de la guerre entre l'Episcopat et le gouvernement. Les Jésuites impopulaires et légitimistes. - Les menaces et les promesses. Motifs que la cour de Rome leur oppose. Le schisme en France et la suppression des articles organiques. - M. Rossi demande la sécularisation des Jésuites. Le Saint-Siége ne répond à aucune des ouvertures ministérielles. La Congrégation des affaires ecclésiastiques extraordinaires s'assemble. - Délibération des Cardinaux en présence du Pape. Raisons sur lesquelles ils basent leur refus. - M. Rossi retire son Memorandum. Il demande que les Jésuites souscrivent à quelques concessions. - Le cardinal Lambruschini médiateur officieux. Les cardinaux Acton et Patrizi chez le Général de la Compagnie. Lettre du Père Roothaan aux Provinciaux de France Conseils qu'il leur donne pour diminuer quelques maisons. La note du 6 juillet 1845 au Moniteur.- Effet qu'elle produit à Rome et à Paris. - Le Courrier français et l'Evêque de Langres. M. Rossi dément officieusement.la note du Moniteur. Les Jésuites souserivent aux conseils de leur Général.-M. Guizot adresse des remercîments au Pape et au cardinal Lambruschini. - - Réponse du Saint-Siége. Le Journal des Débats annonce qu'il n'y a plus de Jésuites en France.

L'année 1830 fut fatale à deux trônes; au centre même de l'Europe, elle vit deux peuples chasser leurs princes légitimes en mêlant le nom des Jésuites aux griefs que la France et la Belgique reprochaient à ces Souverains. La France libérale couvrait les enfants de saint Ignace de ses haines moqueuses; la Belgique constitutionnelle se glorifiait de son triomphe, parce qu'elle le faisait partager à la Société de Jésus. Ici, l'insurrection s'en prenait aux idées religieuses; là, le mouvement politique s'était inspiré d'elles. La révolution des Pays-Bas avait foi dans son principe, on la vit aussitôt en proclamer les conséquences. En dehors de ces hommes sans conviction qui épousent tous les partis pour les souiller par le crime ou pour les avilir par le pillage, il y avait au fond du cœur des Belges un profond sentiment de liberté. A peine maîtres d'eux-mêmes, ils demandèrent un monarque à l'Europe et des Jésuites à Rome. Le Monarque leur fut donné, c'était Léopold de Saxe-Cobourg, qui, peu de mois auparavant, avait voulu honorer les Bourbons proscrits de France, en leur offrant pour asile son château de Claremont. Léopold était né Luthérien, mais il s'engageait à respecter, à protéger la Religion dominante. Les Catholiques eurent foi en sa parole, le prince n'y faillit pas.

Vers la fin de 1830, quand la paix commença à renaître dans les esprits, les Jésuites sentirent qu'ils devaient se rendre au vœu de la Belgique. Le Père Bruson, accablé d'années, ne pouvait plus défricher le champ qui s'offrait aux disciples de

l'Institnt: Van Lil le remplaça. Il n'y avait qu'à moissonner; la lutte n'était plus possible. Van Lil recevait de tous côtés des secours et des encouragements; le 1er mai 1831, le Collége de Namur est fondé. Quelques jours après, le Père Lemaître rentre dans celui d'Alost. La Belgique, devenue libre, veut s'attacher plus intimement que jamais au Saint-Siége. Il faut que les Jésuites servent de ciment à cette union. Un Noviciat est nécessaire, on le crée à Nivelles dans le Brabant. La Compagnie se développait avec tant de sécurité, ses accroissements promettaient d'être si rapides, qu'en 1832 la Belgique et la Hollande, divisées par les intérêts dynastiques, se confondent dans une seule province de l'Institut dont le Père Van Lil est le premier chef. A Anvers, à Liége, à Tournay, à Bruges, à Mons, à Courtrai, à Verviers, à Turnhout, à Bruxelles, à Gand, d'autres Colléges s'élèvent. Celui de Brugelette devient l'héritier et le continuateur de Saint-Acheul, tandis qu'à Malines et à Louvain on jette les bases de l'Université Catholique. Les Pères Meganck et Van de Herckhove s'associent à cette idée; ils en sont les promoteurs spirituels. Les Nonces du Saint-Siége, Fornari et Pecci, les Évêques, la haute magistrature et les pouvoirs législatifs secondent le mouvement imprimé par les Jésuites. Comme partout, on les voit missionnaires et instituteurs. Leurs maisons d'éducation prospèrent; leur parole, qui retentit dans les cités et dans les campagnes, répand des fruits de salut.

Guillaume de Nassau perdit la Belgique, parce qu'il ne sut point être juste envers les Catholiques. Son fils, Roi de Hollande, ne veut pas marcher sur ses traces. Il permet aux Jésuites d'ériger à Katwyk sur le Rhin et à Culembourg deux Colléges pour les Catholiques de ses États. Il leur accorde la liberté d'enseignement et de prédication; les Pères n'en usèrent qu'avec réserve. Ils étaient sur un terrain ennemi; leur zèle ne mit jamais la prudence en défaut. Le Père Van Lil avait été le créateur de cette province. Il la gouverna depuis le 3 décembre 1832 jusqu'au 16 août 1839. Le 12 février 1841,

Le Collége de Brugelette, près d'Ath en Belgique, fut fondé le 29 octobre 1835, par les soins de M. Dubois-Fournier. Il avait pour but, comme ceux de Fribourg et du Passage, de faire revivre les établissements des Jésuites en France, établissements qu'un grand nombre de familles demandaient aux Evêques et à la Compagnie. M. Delplanck, Evêque de Tournai, et M. Labis, son successeur, approuvèrent beaucoup cette idée, et bientôt le Collége prospéra.

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