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vidus de la profession évangélique, répandent dans les familles les germes de trouble et de division. En 1801, les Jésuites employaient jusqu'à la violence pour convertir des Juifs; conduite incompatible, selon les termes du décret impérial du 12 août 1801, tant avec les principes généraux de la Religion chrétienne, qui ne souffre aucune coaction, qu'avec les lois positives de l'Empire, qui punissent sévèrement toute espèce de séduction. On a été obligé de réclamer l'assistance des autorités locales pour arracher les enfants juifs de la maison des Jésuites.

» Mais, si quelques faits ont été réprimés alors, les principes existent toujours, et les Jésuites continuent à s'y conformer dans leur conduite, malgré tous les ordres contraires du gouvernement. L'usage même qu'ils font de leurs biens ne se trouve . pas en harmonie avec les préceptes de la charité chrétienne. L'état des paysans qui habitent les terres possédées par les Jésuites dans la Russie -Blanche prouve combien peu cette Société s'occupe de leur bien-être.

» Votre Majesté Impériale a rencontré elle-même quelquesuns de ces malheureux que les maux physiques ont privés de tout moyen d'existence, munis de passe-ports1 pour mendier leur pain. Touché de leur extrême misère, vous m'avez ordonné, Sire, d'écrire au Père Général des Jésuites combien il était contraire aux principes chrétiens d'abandonner à la pitié publique des êtres pauvres et faibles, surtout lorsque les Jésuites ont tous les moyens pour venir à leur secours.

>> Tels sont les faits véritables relatifs aux Jésuites en Russie. Un État puissant leur accorde un refuge honorable à l'époque même où ils sont poursuivis et dispersés partout ailleurs; jouissant du bienfait, mais repoussant la reconnaissance, ils ou

I Dans ce passage du rapport officiel, le Ministre, on le voit, cherche à intéresser la sensibilité de l'Empereur et à lui présenter les Pères de la Compagnie de Jésus comme des maîtres durs et cruels qui ne prennent aucun soin de leurs paysans. Les terres appartenant aux Jésuites avaient été le théâtre des guerres de 1812. Elles s'étaient vues dévastées aussi bien par les armées ennemies que par les troupes amies. Il devait donc nécessairement s'y rencontrer plus de misère qu'ailleurs. On laissait les plus indigents ou les plus vagabonds errer jusqu'aux portes de Pétersbourg; mais ce n'étaient pas les Jésuites qui leur délivraient des passe-ports et qui les autorisaient à mendier. Les Jésuites ne pouvaient pas se substituer au gouvernement, et si cette pénurie a été constatée par l'Empereur lui-même, c'est bien plutôt aux officiers de police de la province qu'il faut s'en prendre qu'à la Compagnie, dont le seul devoir était de secourir les paysans vivant dans ses domaines.

tragent ces mêmes lois qui les reçoivent sous leur égide, opposent à leur influence salutaire une désobéissance obstinée, et, usurpant le titre de missionnaires refusé par le règlement de 1769 au Clergé catholique romain en Russie, agissent au milieu d'un peuple éminemment chrétien comme parmi ces hordes sauvages qui ignorent jusqu'à l'existence de Dieu.

» Et lorsque, en butte à la méfiance générale et au juste mécontentement de l'Europe, les Jésuites sont accueillis en Russie avec générosité; lorsqu'elle leur prodigue les marques les plus sensibles de confiance et d'estime, en leur imposant le devoir sacré d'élever une partie de ses enfants, leurs coreligionnaires, de répandre dans leur esprit les lumières des sciences et dans leur cœur celles de la Religion; c'est alors même que, s'armant du bienfait contre le bienfaiteur, ils abusent de l'inexpérience de la jeunesse pour la séduire, profitent de la tolérance exercée envers eux pour semer dans les victimes de leur trahison une intolérance cruelle, minent les fondements des États, l'attachement à la Religion de la patrie et détruisent le bonheur des familles en y portant l'esprit de discorde. Toutes les actions des Jésuites ont pour mobile l'intérêt seul, comme toutes elles ne sont dirigées que vers l'accroissement illimité de leur pouvoir. Habiles à excuser chacun de leurs procédés illégaux par quelque règlement de leur Compagnie, ils se sont fait une conscience aussi vaste que docile.

» D'après le témoignage du Pape Clément XIV, « les Jésuites, dès leur établissement, s'étaient livrés à de basses intrigues, avaient des disputes continuelles en Europe, en Asie, en Amérique, non-seulement entre eux, mais encore avec les autres Ordres monastiques, comme avec le Clergé séculier et les établissements de l'instruction publique; ils agissaient même contre les gouvernements. On se plaignait de leur doctrine, contraire aux bonnes mœurs et au véritable esprit du Christianisme; on les accusait surtout d'être trop avides des biens de ce monde. Toutes les mesures prises par les Papes pour mettre fin à ce scandale ont été inefficaces. Le mécontentement croissait, les plaintes se succédaient, les esprits se révoltaient, et les liens mêmes du Christianisme se relâchaient. Quelques-uns des monarques catholiques, ne voyant point d'autre moyen de dé

tourner l'orage qui menaçait de destruction leur Église, se virent obligés d'expulser les Jésuites de leurs États. » C'est dans ce sens que s'exprimait alors le Pape, dont la pénétration découvrit la cause de tant de maux dans les principes fondamentaux de la Compagnie des Jésuites, et qui s'est décidé, en conséquence, à dissoudre cette Compagnie pour rendre l'ordre et la paix à l'Église.

» Lors de l'éloignement des Jésuites de Saint-Pétersbourg, il fut déjà question de les renvoyer tous hors de la Russie; mais Votre Majesté Impériale a décliné cette mesure, par la raison qu'avant de l'effectuer il fallait trouver des Ecclésiastiques connaissant les langues étrangères, afin de pouvoir remplacer les Jésuites dans les colonies ainsi que dans d'autres endroits.

» Maintenant qu'il appert des renseignements pris par moi que les autres Ordres monastiques du culte catholique romain peuvent fournir le nombre suffisant de Prêtres capables de remplir les fonctions de leur sacerdoce dans les colonies, et que, de l'autre côté, les Jésuites se montrent plus coupables que jamais, j'ose proposer à Votre Majesté Impériale d'ordonner ce qui suit :

» Les Jésuites, s'étant mis par leur conduite hors de la protection des lois de l'Empire, comme ayant oublié non-sculement les devoirs sacrés de la reconnaissance, mais encore ceux que le serment de sujet leur imposait, seront renvoyés hors des frontières de l'Empire, sous la surveillance de la police, et ne pourront jamais y rentrer sous quelque forme et dénomination que ce soit. »

Dix autres articles, réglant, expliquant ou corroborant le décret d'expulsion, s'attachent dans leurs détails à rendre plus dur cet exil, qui ne se base sur aucun fait certain. Puis le Ministre des cultes conclut ainsi :

» En cas que Votre Majesté Impériale daigne agréer ces propositions, j'oserais la supplier de charger les Ministres de l'intérieur, des finances et moi, chacun pour ce qui le regarde, de l'exécution immédiate des articles ci dessus.

» C'est ainsi qu'un terme sera mis en Russie à l'existence des Jésuites indociles aux lois et aux autorités de l'État, auxquelles ils doivent, d'après la parole de saint Paul, être soumis,

non-seulement par la crainte du châtiment, mais aussi par le devoir de la conscience. Ainsi seront éloignés des hommes privés de ces véritables lumières qui viennent d'en haut, sourds à la voix de saint Jacques, dont les saintes paroles terminent la bulle par laquelle le Pape Clément XIV a supprimé la Compagnie de Jésus : « Y a-t-il quelqu'un qui passe pour sage et pour » savant entre vous? qu'il fasse paraître ses œuvres dans la >> suite d'une bonne vie avec une sagesse pleine de douceur. » Mais, si vous avez dans le cœur une jalousie pleine d'amer>> tume et un esprit de contention, ne vous glorifiez point faus» sement d'être sages, et ne mentez contre la vérité. Ce n'est » pas là la sagesse qui vient d'en haut; mais c'est une sagesse » terrestre, animale, diabolique, Car où il y a jalousie et un es>> prit de contention, il y a aussi du trouble et toute sorte de » désordres. Mais la sagesse qui vient d'en haut est première»>ment chaste, puis amie de la paix, modérée et équitable, » docile, pleine de miséricorde et des fruits des bonnes œuvres ; a elle ne juge pas, elle n'est pas double et dissimulée. Or, les » fruits de la justice se sèment dans la paix par ceux qui font » des œuvres de paix.

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Voilà encore un édit de bannissement contre les disciples de l'Institut; la Russie les chasse de son sein, comme la France, l'Espagne, le Portugal, Naples et le duché de Parme le firent au dix-huitième siècle. Un petit-fils de la grande Catherine applique aux Jésuites, préservés de la mort par son aïeule, les paroles que Clément XIV leur jetait en licenciant le corps d'élite de l'armée chrétienne. Par une de ces anomalies auxquelles l'histoire de la Compagnie nous a forcément habitué, tous les Monarques qui se laissent entraîner dans les voies de l'arbitraire, tous les Ministres qui signent des décrets de proscription, tous les peuples qui regardent passer ces exilés ne songent pas à se demander de quels crimes on les accuse. Il existe une loi qui sert de base à chaque Code criminel et qui est le fondement de toute justice. Cette loi, aussi vieille que le monde, défend de punir qui que ce soit avant de l'avoir fait juger et d'avoir précisé les imputations portées contre lui. Les Jésuites n'ont jamais pu jouir du bénéfice de cette loi. A Lisbonne, le marquis de Pombal les condamne de son chef; en Espagne,

Charles III et d'Aranda, son ministre, les suppriment; les Parlements de France, aux ordres de Choiseul et de madame de Pompadour, fabriquent des arrêts où l'iniquité le dispute à l'ignorance. A Rome même, dans une heure de cécité pontificale, Clément XIV brise la Société dont les plus saints, dont les plus grands de ses prédécesseurs sur la chaire de Pierre ont glorifié les services et honoré les vertus. Chez ces peuples de mœurs si diverses, mais qui tous tiennent à la législation naturelle comme à la garantie de leurs droits, la Compagnie de Jésus a souvent trouvé des accusateurs, des proscripteurs et des bourreaux, elle réclame encore des magistrats intègres. Elle a été condamnée, flétrie, exilée, décimée; elle n'a jamais été jugée.

Le rapport du prince Galitzin, œuvre du conseiller Tourguéneff et du comte Capo d'Istria, ne porte pas l'empreinte de cette haine vivace qui se rencontre seulement dans des hommes appartenant au même culte. On ne charge pas les Jésuites de crimes imaginaires, on ne dénature point leurs correspondances; on semble invoquer le prétexte le plus plausible pour les sacrifier au triomphe des Sociétés bibliques et des rêves de fédération d'Alexandre; mais le document officiel reste dans les bornes d'une modération calculée. Le gouvernement possède les papiers de la Compagnie, ses correspondances avec Rome et avec les Jésuites de tous les pays. On a dit et accrédité à Pétersbourg que les Kusses embrassant le Catholicisme recevaient par l'entremise des Jésuites un bref du Saint-Siége qui leur accordait la faculté de paraître schismatiques lorsque, dans le for intérieur, ils étaient unis à l'Église romaine. On a même prétendu que le gouvernement moscovite avait entre les mains des preuves de cette hypocrisie. Le rapport n'en fait aucune mention; on n'en découvre nulle trace dans les archives impériales; tout tend même à établir qu'à cette époque, si les Sociétés bibliques et le néo-christianisme d'Alexandre eussent pu tourner une pareille arme contre Rome, ils n'auraient pas manqué de s'en servir.

Nous avons sous les yeux des copies de ces brefs, copies qu'on affirme authentiques et levées sur l'original. Mais, comme l'historien doit se tenir en garde et se défier des falsifications ainsi que des documents apocryphes suggérés par l'esprit de parti ;

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