صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

de vouloir prouver l'existence de la liberté par celle du bien & du mal moral. C'eft prouver une vérité qui n'eft que de fentiment, c'eft-à-dire de l'ordre le plus fimple, par une vérité sans doute auffi inconteftable, mais qui dépend d'une fuite de notions plus combinées Nous difons que l'exiftence de la liberté n'eft qu'une vérité de fentiment, & non pas de difcuffion; il eft facile de s'en convaincre. Car le fentiment de notre liberté confifte dans le fentiment du pouvoir que nous avons de faire une action contraire à celle que nous faifons actuellement; l'idée de la liberté eft donc celle d'un pouvoir qui ne s'exerce pas, & dont l'effence même eft de ne pas s'exercer au moment que nous le fentons: cette idée n'eft donc qu'une opération de notre efprit, par faquelle nous féparons le pouvoir d'agir d'avec l'action même, en regardant ce pouvoir oifif( quoique réel) comme fubfiftant pendant que l'action n'existe pas. Ainfi la notion de la liberté ne peut être qu'une vérité de confcience. En un mot la feule preuve dont cette vérité foit fufceptible, eft analogue à celle de l'existence des corps; des êtres réelle,

ment libres n'auroient pas un fentiment plus vif de leur liberté que celui que nous avons de la nôtre; nous devons donc croire que nous fommes libres. D'ailleurs quelles difficultés pourroit préfenter cette grande queftion, fi on vouloit la réduire au feul énoncé net dont elle foit fufceptible? Demander fi l'homme eft libre, ce n'est pas demander s'il agit fans motif & fans caufe, ce qui feroit impoffible; mais s'il agit par choix & fans contrainte; & fur cela il fuffit d'en appeller au témoignage univerfel de tous les hommes. Quel eft le malheureux, prêt à périr pour fes forfaits, qui ait jamis penfé à s'en juftifier en foutenant à fes juges qu'une néceffité inévitable l'a entraîné dans le crime? C'en eft affez pour faire fentir aux Philofophes, combien les difcuffions métaphyfiques fur la liberté font inutiles à la tête d'un Traité de Morale. Vouloir aller en cette matiere au-delà du fentiment intérieur, c'eft fe jeter tête baiffée dans les ténebres.

Comme la juftice morale 'des lois eft une fuite de la liberté, & non la liberté une fuite de la juftice des lois, ce feroit renverfer, ce me femble, l'ordre natu

[ocr errors]

rel des idées, de vouloir prouver que ⚫ nous fommes libres,parce qu'autrement les lois feroient injuftes. Je dis plus on auroit tort de prétendre que fi nous n'étions pas libres, il faudroit anéantir les lois. Ce n'est ici, je l'avoue, qu'une fpéculation purement métaphyfique, fur une hypothese qui n'existe pas; mais cette fpéculation abftraite peut fervir à développer & fixer nos idées fur la matiere que nous traitons. Fuffions-nous affujettis dans nos actions à une puiffance fupérieure & néceffaire, les lois & les peines qu'elles impofent n'en feroient pas moins utiles au bien phyfique de la fociété, comme un moyen efficace de conduire les hommes par la crainte, & de donner, pour ainfi dire, l'impulfion à la machine. De deux fociétés femblables, compofées d'êtres qui ne feroient pas libres, celle où il y auroit des lois feroit moins fujette au défordre, parce qu'elle auroit, fi on peut parler de la forte, un régulateur de plus. La néceffité phyfique des lois, dans des fociétés pareilles, feroit indépendante de la liberté de l'homme; mais dans la fociété telle qu'elle eft, compofée d'êtres libres, cette néceffité phyfique fe

[ocr errors]

change en équité morale. Dans le premier cas, les lois ne feroient que néceffaires; dans le fecond, elles font néceffaires & juftes.

Ces obfervations, effentiellement relatives aux queftions préliminaires de la Morale, nous ont paru indispensables pour prémunir nos Lecteurs contre les notions peu exactes que plufieurs Philofophes ont données de cette science & des vérités qui en font la base, & pour faire fentir de quelle maniere ces vérités importantes doivent être traitées.

V I I I.

DIVISION DE LA MORALE. Morale de l'homme.

Quoique le genre humain ne com

pofe proprement qu'une grande. famille, néanmoins la trop grande étendue de cette famille l'a obligée de fe féparer en différentes fociétés qui ont pris le nom d'États, dont les membres fe rapprochent par des liens partiuliers, indépendamment de ceux qui

les uniffent au fyftême général. La Mo rale a donc quatre objets; ce que les hommes fe doivent comme membres de la fociété générale ; ce que les fociétés particulieres doivent à leurs membres; ce qu'elles fe doivent les unes aux autres; enfin ce que les membres de chaque fociété particuliere fe doivent mutuellement, & à l'État dont ils font membres. Les premiers devoirs renferment la loi naturelle ou générale, qui n'eft bornée ni par les temps ni par les lieux, & qu'on peut nommer la Morale de l'homme; les devoirs de la feconde efpece peuvent être appellés la Morale des Légiflateurs; ceux de la troisieme la Morale des Etats; enfin les devoirs du quatrieme genre, la Morale du Citoyen. Ainfi on trouve dans cette division le droit naturel ou commun; le droit politique, qu'il ne faut pas confondre avec la politique à laquelle il eft fouvent contraire; le droit des gens & le droit pofitif. A ces quatre branches de la Morale on peut en ajouter une cinquieme, la Morale du Philofophe: elle n'a pour objet que nous-mêmes, & la maniere dont nous devons penfer pour rendre notre condition la meilleur ou

« السابقةمتابعة »