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I I.

Deffein de cet Ouvrage.

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N obfervant le tableau que nous venons de présenter, il femble que la raison se foit comme repofée durant plus de mille ans de barbarie, pour manifefter enfuite fon réveil & fon action par des efforts réitérés & puiffans. Ces révolutions de l'esprit humain, ces secouffes qu'il reçoit de tems en tems de la nature, font pour un fpectateur philofophe un objet agréable, & fur-tout inftructif. Il feroit donc à fouhaiter que nous en euffions un tableau exact à chaque époque. Si cette partie intéresfante de l'Hiftoire du monde eût été moins négligée, les Sciences n'auroient pas avancé fi lentement; les hommes ayant fans ceffe devant leurs yeux les progrès ou le travail de leurs prédéceffeurs, chaque fiecle, par une émulation naturelle, eût été jaloux d'ajouter quelque chofe au dépôt que lui auroient laiffé les fieles précédens; il en eût été de chaque Science comme de l'Aftro

nomie, qui s'enrichit & se perfectionne tous les jours des obfervations nouvelles ajoutées aux anciennes.

Une Société de Gens de Lettres a

effayé de faire pour notre fiecle & pour les fuivans, ce que nous reprochons

avec raifon à nos ancêtres de n'avoir pas fait pour nous. Le plan de l'Encyclopédie a été formé dans cette vue. Nous avons tâché de faire fentir ailleurs (c) les fecours que nos contemporains & nos defcendans en pourront tirer, quand ce ne feroit que pour en faire une meilleure. Ce que le Public a déjà vu de cet Ouvrage fait defirer qu'il ne foit ni opprimé par fes ennemis, ni abandonné ou dégradé par fes Auteurs. Mais foit que nos contemporains aient l'avantage d'achever heureufement une fi grande entreprise, ou que l'honneur en foit réservé à la génération fuivante & à des temps plus favorables, il fera permis au moins de mettre fous les yeux des Gens de Lettres les projets qui peuvent tendre à l'améliorer. Dans la multitude des vérités que l'Encyclopédie embraffe, & qu'en vain on chercheroit

(c) Voyez le Difcours préliminaire de l'Encyclopédie, & la Préface du troifieme Volume du même Ouvrage, Tom, I de ces Mélanges.

à faifir toutes enfemble, il en eft qui s'élevent & qui dominent fur les autres, comme quelques pointes de rochers au milieu d'une mer immenfe. Ces vérités qu'il importe le plus de connoître, étant réunies & rapprochées dans des élémens de Philofophie qui ferviroient à l'Encyclopédie comme d'introduction, l'utilité de ce grand Ouvrage en deviendroit fans doute plus général & plus affurée. Entrons là-deffus dans quelque détail.

L'Hiftoire générale & raisonnée des Sciences & des Arts renferme quatre grands objets; nos connoiffances, nos opinions, nos difputes & nos erreurs. L'Hiftoire de nos connoiffances nous découvre nos richeffes, ou plutôt notre indigence réelle. D'un côté elle humilie l'homme, en lui montrant le peu qu'il fait, de l'autre elle l'éleve & l'encourage, ou elle le confole du moins, en lui développant les ufages multipliés qu'il a fu faire d'un petit nombre de notions claires & certaines. L'Hiftoire de nos opinions nous fait voir comment les hommes, tantôt par néceffité, tantôt par impatience, ont fubftitué avec des fuccès divers la vraisemblance à la vé.

rité; elle nous montre comment ce qui d'abord n'étoit que probable, eft enfuite devenu vrai à force d'avoir été rema nié, approfondi, & comme épuré par les travaux fucceffifs de plufieurs fiecles; elle offre à notre fagacité & à celle de nos defcendans des faits à vérifier, des vues à fuivre, des conjectures à approfondir, des connoiffances commencées à perfectionner. L'Hiftoire de nos difputes montre l'abus des mots & desnotions vagues, l'avancement des Sciences retardé par des questions de nom, les paffions fous le mafque du zele, l'obfti nation fous le nom de fermeté : elle nous fait fentir combien les conteftations font peu faites pour apporter la lumiere, combien même lorfqu'elles roulent fur certains objets, elles font turbulentes & dangereufes; cette étu de, la moins utile pour augmenter nos connoiffances réelles, devroit être la plus propre à nous rendre fages; mais fur cela comme fur tout le refte l'exemple des autres eft toujours perdu pour nous. Enfin l'Hiftoire de nos erreurs les plus remarquables, foit par leur reffemblance avec la vérité, foit par leur durée, foit par le nombre ou l'importance

des hommes qu'elles ont féduits, nous
apprend à nous défier de nous-mêmes
& des autres; de plus, en montrant les
chemins qui ont écarté du vrai, elle
nous facilite la recherche du véritable
fentier qui y conduit. Il femble que la
nature fe foit étudié à multiplier les
obstacles en ce genre. L'efprit faux s'é-
gare en préférant à une route fimple des
voies difficiles & détournées; l'efprit
jufte fe trompe quelquefois, en prenant,
comme il le doit, la voie qui lui femble
la plus naturelle : l'erreur doit alors en
quelque maniere précéder néceffaire-
ment la vérité; mais l'erreur même doit
alors devenir inftructive, en épargnant
à ceux qui nous fuivront des
pas inuti-
les. Les routes trompeufes qui ont fé-
duit & perdu tant de grands hommes,
nous auroient, comme eux, éloignés du
vrai; il étoit néceffaire qu'ils les tentaf-
fent pour que nous en connuffions les
écueils. Ainfi le Philofophe fpéculatif
profite de l'égarement de fes fembla-
bles, comme le Philofophe pratique des
fautes & du malheur d'autrui. Ainfi les
Nations que le joug de la fuperftition
& du defpotifme retient encore dans les
ténebres, profiteront un jour, fi elles

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