صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني
[ocr errors]

vérité réfléchie, l'exiftence des corps par celle de Dieu; tandis que c'eft au contraire dans l'existence des corps qu'il faut chercher les preuves de l'existence de Dieu les plus folides, celles que toutes les écoles de Philofophie ont gé-néralement admifes. Le fecond inconvénient eft de croire pouvoir convaincre par le raisonnement un Philofophe opiniâtre, que Dieu le tromperoit s'il n'y avoit point de corps. « Je reconnois » comme vous, dira-t-il, l'existence » d'un premier être ; mais c'est lui faire » injure que de lui attribuer vos erreurs.

Pour ne pas les regarder comme fon » ouvrage, il fuffit de penfer qu'il eft affez puiffant pour exciter en nous des fenfations, fans qu'il y ait rien au » dehors qui lui ferve à les produire. Il » ne tiendra qu'à vous de vous abftenir » comme moi, par cette réflexion fi » fimple, de toute affertion précipitée. » Vous avouez que mes fenfations me » trompent fouvent; pourquoi ne me » tromperoient elles pas toujours ? » Cette vivacité, cet accord, ces nuan»ces, ces affections involontaires, qui vous font paffer fi légérement de la réalité de la fenfation à celle de l'ob

»jet, ne les ai-je pas fouvent éprouvées » dans le fommeil ? Et pourquoi la vie » feroit-elle autre chofe qu'un fommeil >> plus continu & plus profond, qui a » feulement le trifte avantage de fe laif» fer de temps en temps appercevoir? Quand je confidere d'ailleurs quels >> font les objets de mes fenfations,

[ocr errors]

que de contradictions je rencontre » dans l'idée que je m'en forme! Deux » fubftances auffi difparates que l'efprit » & la matiere, féparées l'une de » l'autre par un intervalle immense » peuvent-elles agir l'une fur l'autre, »ce quieft pourtant néceffaire pour que » celui-là ait l'idée de celle-ci? D'ailleurs qu'eft ce que cette matiere dont » vous prétendez que mes fens me pro> curent une notion fi diftincte? Qu'est» ce que les élémens ou particules pré» mieres des corps? Vous ne pouvez pas » dire que ce foient des corps; car ils » auroient eux-mêmes des élémens, & » par conféquent ne feroient pas ceux » que nous cherchons: & fi ce ne font

pas des corps, comment concevez> vous que l'affemblage de ces élémens non matériels puiffe former cet être » que vous appellez matiere? direz-vous

» qu'un corps eft compofé d'autres corps » à l'infini? Mais n'eft-ce pas une chi» mere qu'un être compofé dont on ne » peut jamais retrouver les compofans, » ou plutôt dont réellement les compo> fans n'exiftent pas, puifqu'on ne fau >> roit fuppofer qu'ils exiftent feuls, & puifqu'ils ne tiennent leur exiftence que de leur union avec d'autres êtres » à qui ils la donnent auffi? Plutôt que » d'avoir à dévorer cette multitude de » contradictions, n'eft-il pas plus fimple » & plus raifonnable de penfer que la » matiere n'eft qu'un phénomene, une pure illufion de nos fens, & qu'il n'y » a rien hors de nous de femblable à » ce qu'ils nous repréfentent? Je ne puis > reconnoître dans l'Univers qu'une » feule efpece de fubftance, je n'y vois » que Dieu & quelques êtres penfans, » ou peut-être que Dieu & moi. »

[ocr errors]

La meilleure réponse à ce Pyrrho nien décidé, eft celle de Diogene à Zénon il faut ou l'abandonner à fa bonne foi, ou le laiffer vivre & raifonner avec des fantômes (e). Ce qu'il

(e) Les principaux argumens contre l'existence des corps font développés fort au long dans un Ouvrage de Berkley, qui a pour titre: Dialogues entre Hilas &

y a de très-fingulier, c'eft que des Philofophes eftimables, tels que Malebranche, ne fe foient abftenus de nier l'existence de la matiere que par la crainte de contredire la révélation; comme fi la révélation n'étoit pas appuyée fur cette existence; réduifez un incrédule à nier qu'il y ait des corps, il aura bientôt honte de l'être, s'il n'eft pas tout-à-fait infensé. Chez le commun des Philofophes Chrétiens, c'est la raifon qui défend la Foi; ici par une difpofition d'efprit finguliere, c'eft la foi de Malebranche qui a mis à couvert fa raifon, & qui lui a épargné l'abfurdité la plus infoutenable. L'imagination de ce Philofophe, fouvent malheureuse dans les principes qu'elle lui faifoit adopter, mais prefque toujours juste dans les conféquences qu'elle en tiroit, l'entraînoit quelquefois bien au-delà Philonous ; ce dernier mot fignifie ami de l'efprit, nom bien convenable à un Philofophe, ou plutôt à un raifonneur qui ne reconnoît point de corps. A la tête de la Traduction Françoise qu'on en a faite il y a quelques années, on a mis une vignette allégorique, ingénieufe & finguliere. Un enfant voit fa figure dans un miroir, & court pour la faifir, croyant voir un être réel. Un Philofophe placé derriere l'enfant paroît rire de fa méprife; & au bas de la vignette on lit ces mots adreffés au Philosophe: Quid rides? Fabula de

te narratur.

[ocr errors]

du point où il auroit voulu aller. Les principes de Religion dont il étoit pénétré le retenoient alors fur le bord du précipice; fa Philofophie touchoit au Pyrrhonifme d'une part, & au Spinofilme de l'autre.

La feule réponse raifonnable qu'on puiffe oppofer aux objections des Sceptiques contre l'existence des corps, eft

celle-ci. Les mêmes effets naiffent des mêmes causes; or fuppofant pour un moment l'existence des corps, les fenfations qu'ils nous feroient éprouver ne pourroient être ni plus vives,ni plus conftantes, ni plus uniformes que celles que nous avons; donc nous devons fuppofer que les corps exiftent. Voilà jufqu'où le raifonnement peut aller en cette matiere, & où il doit s'arrêter. L'illufion dans les fonges nous frappe fans doute auffi vivement que fi les objets étoient réels; mais nous parvenons à découvrir cette illufion, lorfqu'à notre réveil nous nous appercevons que ce que nous avons cru voir, toucher ou entendre, n'a aucun rapport ni aucune liaifon, foit avec le lieu où nous fommes, foit avec ce que nous nous fouvenons d'avoir fait auparavant. Nous dif

« السابقةمتابعة »