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lumiere manque, on se bornât à avouer fimplement fon ignorance; mais dans la plupart des Sciences, telles que la Phyfique, la Médecine, la Jurifprudence & l'Hiftoire, il eft une infinité de cas où fans être ni éclairés ni convaincus nous fommes forcés d'agir & de raifonner comme fi nous l'étions. Ne pouvant alors atteindre au vrai, ou du moins s'affurer qu'on y eft parvenu, il faut en approcher le plus qu'il eft poffible. On imite les Mathématiciens qui n'ayant pas, pour réfoudre exactement un problême, ou affez de chofes données, ou une méthode affez complette, effayent de le réfoudre à peu près. Mais comme dans ces folutions même le Mathématicien connoît les limites qui l'éloignent ou qui l'approchent du vrai, ainfi on doit apprendre dans les matieres purement conjecturales à ne pas confondre avec le vrai rigoureux ce qui eft fimplement probable, à faifir dans le vraisemblable même les nuances qui féparent ce qui l'eft davantage d'avec ce qui l'eft moins. Tel eft l'ufage de cet efprit de conjecture plus admirable quelquefois que l'efprit même de découverte, par la fagacité qu'il fup

pofe dans celui qui en eft pourvu; par l'adreffe avec laquelle il fait entrevoir ce qu'on ne peut parfaitement connoître, fuppléer par des à-peu-près à des déterminations rigoureuses, & fubftituer lorsqu'il eft néceffaire la probabilité à la démonstration, avec les ref trictions d'un Pyrrhonifme raifonnable.

L'art de conjecturer eft donc une branche de la Logique, auffi effentielle que l'art de démontrer, & trop négligée dans les élémens de Logique ordinaires. Néanmoins plus l'art conjectural eft imparfait par fa nature, plus on a befoin de regles pour s'y conduire ; c'est même, à parler exactement, le feul qui exige des regles; ajoutons qu'elles font infuffifantes, fi par un fréquent ufage on n'apprend à les appliquer avec fuccès. Pour acquérir cette qualité précieufe de l'efprit, deux chofes font néceffaires ; s'exercer aux démonftrations rigoureufes, & ne pas s'y borner. Ce n'est qu'en s'accoutumant à reconnoître le vrai dans toute fa pureté, qu'on pourra diftinguer enfuite ce qui en approchera plus ou moins. La feule chofe qu'on ait à craindre, c'eft que l'habitude trop grande & trop continue du vrai abfolu

& rigoureux n'émouffe le fentiment fur ce qui ne l'eft pas ; des yeux ordinaires, trop habituellement frappés d'une lumiere vive, ne diftinguent plus les gradations d'une lumiere foible, & ne voient que des ténebres épaiffes où d'autres entrevoient encore quelque clarté. L'efprit qui ne reconnoît le vrai que lorfqu'il en eft directement frappé, eft bien au-deffous de celui qui fait non-feulement le reconnoître de près, mais encore le preffentir & le remarquer dans le lointain à des caracteres fugitifs. C'eft là ce qui diftingue principalement l'efprit géométrique, applicable à tout, d'avec l'efprit purement géometre, dont le talent eft reftreint à une fphere étroite & bornée. Le feul moyen d'exercer avantageufement l'un & l'autre, & de les faire marcher comme d'un pas égal, eft de ne pas borner fes recherches aux feuls objets fufceptibles de démonftration; de conferver à l'esprit fa flexibilité, en ne le tenant point toujours courbé vers les lignes & les calculs, & en tempérant l'austérité des mathématiques par des études moins féveres; de s'accoutumer enfin à paffer fans peine de la lumiere au crépuscule.

V I.

METAPHYSIQUE.

A Logique étant l'inftrument géné ral des Sciences & le flambeau qui doit nous y guider, voyons préfentement fuivant quel ordre & de quelle maniere nous devons porter ce flambeau dans les différentes parties de la Philofophie.

Nos idées font le principe de nos connoiffances, & ces idées ont ellesmêmes leur principe dans nos fenfations; c'est une vérité d'expérience. Mais comment nos fenfations produifent-elles nos idées? Premiere question que doit fe proposer le Philosophe, & fur laquelle doit porter tout le fyftême des élémens de Philofophie. La génération de nos idées appartient à la Métaphyfique, c'eft un de fes objets principaux, & peut-être devroit-elle s'y borner; prefque toutes les autres queftions qu'elle fe propose font infolubles ou frivoles; elles font l'aliment des efprits téméraires ou des efprits faux¿

& il ne faut pas être étonné fi tant de queftions fubtiles, toujours agitées & jamais réfolues, ont fait méprifer par les bons efprits cette Science vuide & contentieufe qu'on appelle communément Métaphyfique. Elle eût été à l'abri de ce mépris, fi elle eût fu fe contenir dans de juftes bornes, & ne toucher qu'à ce qu'il lui eft permis d'atteindre; or ce qu'elle peut atteindre eft bien peu de chofe. On peut dire en un fens de la Métaphyfique que tout le monde la fait ou perfonne, ou pour parler plus exactement, que tout le monde ignore celle que tout le monde ne peut favoir. Il en eft des ouvrages de ce genre comme des pieces de théatre; l'impreffion eft manquée quand elle n'eft pas générale. Le vrai en Métaphyfique reffemble au vrai en matiere de goût; c'eft un vrai dont tous les efprits ont le germe en eux-mêmes, auquel la plûpart ne font point d'attention, mais qu'ils reconnoiffent dès qu'on le leur montre. Il femble que tout ce qu'on apprend dans un bon livre de Métaphyfique, ne soit qu'une espece de réminifcence de ce que notre ame a déjà fu; l'obscurité, quand il y en a, vient toujours de la faute de

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