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DE L'ABUS

DE LA CRITIQUE

EN MATIERE DE RELIGION.

U

I.

N Auteur affez ignoré, & plus digne encore de l'être, le P. Laubruffel Jéfuite, don

na autrefois au Public un Ouvrage que depuis longtemps on ne lit plus, & dont le titre eft le même que celui de cet Ecrit. Il avoit pour but de venger la Religion des coups impuiffans que lui ont portés les incrédules & les hérétiques. L'entreprise étoit très-louable; il feroit feulement à défirer qu'il l'eût exécutée plus heureufement, & qu'il n'eût pas mis trop fouvent des déclamations & des injures

à la place des raisons (a). Néanmoins fans approuver fa logique, on peut lui tenir compte de fon zele, fi le zele doit couvrir la multitude des inepties, comme la charité la multitude des fautes. Nous nous propofons ici un objet trèsdifférent, qui n'eft pas moins utile, & que nous tâcherons de mieux remplir. C'est de venger les Philofophes des reproches d'impiété dont on les charge fouvent mal à propos, en leur attribuant des fentimens qu'ils n'ont pas, en donnant à leurs paroles des interprétations forcées, en tirant de leurs principes des conféquences odieufes & fauffes qu'ils défavouent; en voulant enfin faire paffer pour criminelles ou pour dangereufes des opinions que le Chriftianisme n'a jamais défendu de foutenir. Entre les abus fans nombre qu'on peut reprocher

(a) C'est une chofe incroyable qu'on ait laiffé paroître dans le temps, fous le fceau de l'autorité publique, cet Ouvrage du Pere Laubruffel, où l'Auteur femble avoir pris à tâche, à la vérité innocemment & de bonne foi, de réunir dans un même volume ce qui a jamais été dit contre la Religion de plus fcandaleux & de plus impie, fans y répondre autrement que par des exclamations. Ce Livre n'eft prefqu'abfolument qu'un recueil portatif des plaifanteries les plus indécentes, & des defcriptions les plus burlesques de nos Myfteres, imprimé avec Appro bation & Privilege.

à la critique, il n'en eft point de plus funefte que celui dont nous allons nous plaindre, & fur lequel il foit plus néceffaire de la démafquer & de la confondre. L'importance de la matiere exigeroit peut-être un Ouvrage confidérable; les réflexions que nous préfentons aux Lecteurs n'en font que le projet & l'efquiffe; puiffent-elles mériter l'approbation des Sages, également éclairés fur les droits de la Foi & fur ceux de la raifon! Puiffe le plan d'apologie que je vais tentér en leur faveur, être goûté & faifi par quelqu'un de nos illuftres Ecrivains, plus digne & plus capable que moi de l'exécuter!

I I.

Dans la défense comme dans la recherche de la vérité, le premier devoir eft d'être juste. Nous commencerons donc pas avouer, que les défenfeurs de la Religion ont quelque raifon de craindre pour elle, autant néanmoins qu'on peut craindre pour ce qui n'eft pas l'ouvrage des hommes. On ne fauroit fe diffimuler que les principes du Chriftianifme font aujourd'hui indécemment attaqués dans un grand nombre d'Ecrits.

Il est vrai que la maniere dont ils le font pour l'ordinaire, eft très-capable de raffurer ceux que ces attaques pourroient allarmer; le défir de n'avoir plus de frein dans les paffions, la vanité de ne pas penfer comme la multitude, ont bien plus fait d'incrédules que l'illufion des fophifmes, fi néanmoins on doit appeller incrédules ce grand nombre d'impies qui ne veulent que le paroître, & qui, felon l'expreffion de Montagne, tâchent d'être pires qu'ils ne peuvent. Cette grêle de traits émouffés ou perdus, lancés de toutes parts contre le Chriftianifme, a jetté l'effroi dans le coeur de nos plus pieux Ecrivains. Empreffés de foutenir la caufe & l'honneur de la Religion, qu'ils croyoient en péril, parce qu'ils la voyoient outragée, ils ont été pour ainfi dire à la découverte de l'impiété dans tous les Livres nouveaux; & il faut avouer qu'ils y ont fait une moiffon triftement abondante. Mais quelques-uns d'entr'eux, femblables à ces foldats pleins de courage, que l'ardeur entraîne au-delà des rangs, & qui par un faux mouvement prêtent le flanc à l'ennemi, ont porté dans leur zelę & dans leurs recherches