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quinzieme fiecle a fait renaître les Lettres en Occident. Le milieu du feizieme a vu changer rapidement la religion & le fyftême d'une grande partie de l'Europe; les nouveaux dogmes des Réformateurs, foutenus d'une part & combattus de l'autre avec cette chaleur que les intérêts de Dieu bien ou mal entendus peuvent feuls infpirer aux hommes ont également forcé leurs partifans & leurs adverfaires à s'inftruire; l'émulation animée par ce grand motif a multiplié les connoiffances en tout genre; & la lumiere, née du fein de l'erreur & du trouble, s'eft répandue fur les objets même qui paroiffoient les plus étrangers à ces difputes (a). Enfin Defcartes au milieu du dix-feptieme fiecle a fondé une nouvelle Philofophie, perfécutée d'abord avec fureur, embraffée enfuite avec fuperftition, & réduite aujourd'hui à ce qu'elle contient d'utile & de vrai (b).

(a) Je prens ici l'époque du Proteftantifme au Concile de Trente, commencé en 1545, & qui a tracé pour ainfi dire la ligne de féparation entre les Catholiques & les Proteftans.

(6) La Philofophie de Defcartes n'a proprement commencé à fe répandre qu'après fa mort, arrivée en $650.

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Pour peu qu'on confidere avec des yeux attentifs le milieu du fiecle où nous vivons, les événemens qui nous occupent, ou du moins qui nous agitent, nos mœurs nos ouvrages, & jufqu'à nos entretiens; on apperçoit fans peine qu'il s'eft fait à plufieurs égards un changement bien remarquable dans nos idées; changement qui par sa rapidité semble nous en promettre un plus grand encore. C'est au temps à fixer l'objet, la nature & les limites de cette révolution, dont notre poftérité connoîtra mieux que nous les inconvéniens & les avantages.

Tout fiecle qui penfe bien ou mal, pourvu qu'il croye penfer, & qu'il penfe autrement que le fiecle qui l'a précédé, fe pare du titre de Philofophe; comme on a fouvent honoré du titre de fages ceux qui n'ont eu d'autre mérite que de contredire leurs contemporains. Notre fiecle s'eft donc appellé par excellence le fiecle de la Philofophie; plufieurs Ecrivains lui en ont donné le nom, perfuadés qu'il en rejailliroit quelqu'éclat fur eux; d'autres lui ont refufé cette gloire dans l'impuif fance de la partager.

Si on examine fans prévention l'état actuel de nos connoiffances, on ne peut difconvenir des progrès de la Philofophie parmi nous. La fcience de la nature acquiert de jour en jour de nouvelles richeffes: la Géométrie en reculant fes limites, a porté fon flambeau dans les parties de la Phyfique qui fe trouvoient le plus près d'elle; le vrai fyftême du monde a été connu, développé & perfectionné; la même fagacité qui s'étoit affujetti les mouvemens des corps céleftes, s'eft porté fur les corps qui nous environment; en appliquant la Géométrie à l'étude de ces corps, ou en effayant de l'y appliquer, on a fu appercevoir & fixer les avantages & les abus de cet emploi ; en un mot depuis la Terre jufqu'à Saturne, depuis l'Hiftoire des Cieux jufqu'à celle des infectes, la Phyfique a changé de face. Avec elle prefque toutes les autres Sciences ont pris une nouvelle forme, & le devoient en effet. Quelques réflexions vont nous

en convaincre.

L'étude de la nature femble être par elle-même froide & tranquille, parce que la fatisfaction qu'elle procure eft un fentiment uniforme, continu &

fans fecouffes, & que les plaifirs, pour être vifs, doivent être féparés par des intervalles & marqués par des accès. Néanmoins l'invention & l'ufage d'une nouvelle méthode de philofopher, l'efpece d'enthousiafme qui accompagne les découvertes, une certaine élévation d'idées que produit en nous le spectacle de l'univers; toutes ces caufes ont dû exciter dans les efprits une fermentation vive; cette fermentation agiffant en tout fens par fa nature, s'eft portée avec une espece de violence fur tout ce qui s'eft offert à elle, comme un fleuve qui a brifé fes digues. Or les hommes ne reviennent guere fur un objet qu'ils avoient négligé depuis long-tems, que pour réformer bien ou mal les idées qu'ils s'en étoient faites. Plus ils font lents à fecouer le joug de l'opinion plus auffi dès qu'ils l'ont brifé fur quelques points, ils font portés à le briser fur tout le refte; car ils fuient encore plus l'embarras d'examiner, qu'ils ne craignent de changer d'avis; & dès qu'ils ont pris une fois la peine de revenir fur leurs pas, ils regardent & reçoivent un nouveau fyftême d'idées comme une forte de récompenfe de

leur courage & de leur travail. Ainfi depuis les principes des fciences profanes jufqu'aux fondemens de la révélation, depuis la Métaphyfique jufqu'aux matieres de goût, depuis la Mufique jufqu'à la Morale, depuis les difputes fcolaftiques des Théologiens jufqu'aux objets du commerce, depuis les droits des Princes jufqu'à ceux des peuples, depuis la loi naturelle jufqu'aux lois arbitraires des Nations, en un mot depuis les queftions qui nous touchent davantage jufqu'à celles qui nous intéreffent le plus foiblement tout a été difcuté, analyfé, agité du moins. Une nouvelle lumiere fur quelques objets, une nouvelle obfcurité fur plufieurs, a été le fruit ou la fuite de cette effervefcence générale des efprits, comme l'effet du flux & reflux de l'Océan eft d'apporter fur le rivage quelques matieres, & d'en éloigner les

autres.

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