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l'ordinaire, n'eft vivement agitée que par la crainte d'un mal ou l'efpérance d'un bien préfent. Une expérience trifte mais malheureusement trop vraie, prouve, à la honte de l'humanité, que les crimes qui font punis par les lois fe commettent peu, en comparaifon de ceux dont l'Être fuprême eft le feul Témoin & le feul Juge, quoique la Loi Divine défende également les uns & les autres. Ainfi d'un côté les peines dont la Foi nous menace, font par leur nature le frein le plus redoutable des crimes; de l'autre l'aveuglement de l'efprit humain empêche ce frein d'être auffi général & auffi fort qu'il pourroit l'être.

Il réfulte de tout ce qu'on vient de

dire, , que dans les pays même où la tolérance civile eft admife, le Moraliste ne doit pas établir cette regle de ne jamais punir les écrits contre la Religion; mais qu'il doit laiffer à la prudence du gouvernement & des Magiftrats, à déterminer en ce genre ce qu'il vaut mieux ignorer que punir.

Quelques Philofophes de nos jours prétendent, que fi l'on profcrit entiérement les ouvrages contre la Religion, il ne feroit peut-être pas moins à pro

pos d'interdire auffi les écrits en fa faveur. Dès qu'il n'y aura point, difent»ils, d'adverfaires déclarés, ces écrits » ne ferviroient qu'à prouver aux fim»ples que la Religion a des adverfaires » fecrets. D'ailleurs qu'ajouteront tous » ces ouvrages aux excellens Livres » déjà compofés en faveur du Christia»nifme? Et qu'y ajoutent-ils fouvent » en effet, que des argumens foibles & » mal préfentés, qui prouvent plus » de zele que de lumiere, & qui peu» vent donner aux incrédules une ap»parence d'avantage»? Nous conve nons que dans la fuppofition présente, les apologies de la Religion feroient moins néceffaires; mais fi cette cause refpectable peut être défendue, comme nous n'en doutons point, par des raifons victorieufes, pourquoi feroit - il dangereux d'écrire en fa faveur, même fans avoir d'adverfaires à combattre ? Penfer de la forte, ce feroit marquer une défiance injurieuse à la vérité..

Outre les lois générales qui ont rapport aux hommes confidérés comme membres d'une fociété quelconque chaque fociété particuliere a une forme qui lui eft propre; & fa forme eft

principalement déterminée par deux chofes; par la nature des lois particulieres de chaque fociété, & par la nature de la puiffance chargée de les faire obferver. Cette puiffance réfide, ou dans le corps de l'État pris enfemble, ou dans une partie des citoyens, ou dans un feul; ce qui conftitue les trois efpeces de gouvernemens, Démocratique, Ariftocratique, & Monarchique. Le détail de ce qui convient aux uns & aux autres n'appartient point à des élémens de Morale; l'efquiffe fuivante offre les principaux points fur lefquels on doit s'arrêter.

D'un côté les abus font plus fujets à s'introduire, & plus difficiles à guérir dans un grand que dans un petit État; mais de l'autre un grand État a plus de reffources en lui-même pour fa confervation & pour fa défenfe. C'est donc une belle question de Morale législative, que de favoir s'il eft bon qu'il y ait de grands États, & quel eft pour chaque Etat le degré d'étendue & le genre de gouvernement le plus convenable, fuivant le caractere des peuples?

Lorsque l'Etat en corps n'eft pas dé pofitaire des lois, le corps particulier

ou le citoyen qui en eft chargé, n'en eft abfolument que le dépofitaire & non le maître; rien ne l'autorife à changer à fon gré les lois. C'eft en vertu d'une convention entre les membres, que la fociété s'eft formée; & tout engagement a des liens réciproques. Telle eft la Morale de tous les Rois juftes. Il répugne en effet à la nature de l'efprit & du cœur humain, qu'une multitude d'hommes ait dit fans condition à un feul ou

à quelques-uns: Commandez-nous, &

nous vous obéirons.

Sans difcuter les avantages réciproques du gouvernement Républicain & du Monarchique, la Morale établit feulement, que la meilleure République eft celle qui par la ftabilité des lois & l'uniformité du gouvernement reffemble le mieux à une bonne Monarchie, & que la meilleure Monarchie eft celle où le pouvoir n'eft pas plus arbitraire que dans la République.

Les devoirs mutuels du gouvernement & des membres font le fondement de la véritable liberté du citoyen, qu'on peut définir la dépendance des devoirs, & non des hommes. Plus le principe du gouvernement s'éloigne de cet efprit de

liberté

liberté, plus l'État eft voifin de fa ruine. Le defpotifme porte en lui-même sa caufe de deftruction, parce qu'une troupe d'efclaves fe laffe bientôt de l'être, ou fe laiffe facilement fubjuguer par les Etats voifins. Le tyrannicide est né du pouvoir arbitraire; & les peuples que la Religion n'a pas éclairés ont honoré ce crime comme une vertu; mais la Religion apprend aux Chrétiens à regarder cette vie comme un état de fouffrance, & à laiffer à l'Être fuprême la vengeance & la mort. Ce qu'il y a de fingulier, & ce qu'il nous fera peutêtre permis de remarquer en passant, comme une des plus étranges contradictions de l'efprit humain, c'eft que les anciens Romains après avoir assasfiné leurs tyrans, ne refufoient point d'en faire des Dieux; ils plaçoient dans le Ciel avec les Maîtres de l'Univers ceux qu'ils avoient crus indignes de vivre fur la terre avec les hommes. II étoit décidé que le Chef de l'Empire devoit après fa mort être un Dieu n'eût-il été qu'un monftre durant fa vie; le tyrannicide en délivroit, l'apothéofe n'étoit qu'une vaine cérémonie, Tome IV.

F

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