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foit douée d'une vîteffe énorme; & comment une étincelle peut-elle communiquer une fi grande vîteffe à un amas de grains de poudre en repos? Car d'un côté cette étincelle eft beaucoup moindre que l'amas de grains de poudre, & de l'autre la vîteffe avec laquelle elle tombe fur cet amas de grains, eft peu confidérable. Il faut donc encore renvoyer ce prétendu fait au catalogue des fables.

Cela eft fort bien raifonné; mais cette poudre exifte cependant, au grand détriment de l'efpece humaine.

On ofe avancer qu'un Phyficien de cabinet, qui auroit cherché à deviner par les raifonnemens & les calculs les phénomenes de la nature, & qui les verroit enfuite tels qu'ils font, feroit bien étonné de n'avoir prefque jamais rencontré jufte. Il reffembleroit aux habitans des Ifles Marianes, qui la premiere fois qu'ils virent du feu, prirent cette matière pour un animal qui dévoroit tout ce qui fe trouvoit proche de lui. Un Hollandois qui entretenoit un Roi de Siam des particularités de la Hollande, lui dit entr'autres chofes que dans fon pays l'eau fe dur

ciffoit quelquefois fi fort pendant la faifon la plus froide de l'année, que les hommes marchoient deffus, & que cette eau ainfi durcie porteroit des éléphans s'il y en avoit. Jufqu'ici, lui dit le Roi, j'ai cru les chofes extraordinaires que vous m'avez dites, parce que je vous prenois pour un homme d'honneur & de probité; mais préfentement je fuis affuré que vous mentez. Ce Roi de Siam repréfente affez bien le Phyficien de cabinet, toujours prêt, à nier comme impoffible ce qu'il ignore & ne peut comprendre, & à rendre de mauvaises raifons de ce qu'il ne peut nier parce qu'il le voit.

En voilà, ce me femble, affez pour convaincre les Phyficiens fages, les Phyficiens vraiment Philofophes, combien ils doivent être fur leurs gardes, & fi j'ofe le dire, modeftes, même à l'égard des faits qu'ils croient expliquer le plus clairement; puifque dans des cas où ils croiroient atteindre jufqu'à la démonftration, ils pourroient avancer des abfurdités fans le favoir.

C'est bien pis quand ces explications hazardées ne se bornent pas à la fimple fpéculation, mais qu'elles peuvent avoir, comme en Médecine, les effets les plus

nuifibles, fi on a le malheur de se tromper. La Médecine fyftématique me paroît (& je ne crois pas employer une expreffion trop forte) un vrai fleau du genre humain. Des obfervations bien multipliées, bien détaillées, bien rapprochées les unes des autres, voilà ce me femble, à quoi les raifonnemens en Médecine devroient fe réduire. Je ne puis me défendre d'un mouvement d'indignation & de pitié quand je me rappelle qu'un homme qui fe faifoit ! appeller Médecin, & qui avoit pensé 1 me faire perdre un de mes amis, en rendant très-dangereufe une maladie très-légere, venoit au fortir de là me prouver que la Médecine étoit plus certaine que la Géométrie.

Je ne prétends pas cependant qu'il n'y ait un art de guérir les hommes; je crois même cet art fort étendu dans la nature. Mais je le crois très-borné pour nous, foit parce que la nature s'obstine à nous cacher fon fecret, foit parce que nous ne favons pas l'interroger. L'apologue fuivant, fait par un Médecin même, homme d'efprit & philofophe, représente affez bien l'état de cette fcience. La nature, dit-il, eft

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aux prises avec la maladie; un aveugle armé d'un bâton (c'est le Médecin arrive pour les mettre d'accord; il tâche d'abord de faire leur paix; quand il ne peut en venir à bout, il leve fon bâton fans favoir où il frappe; s'il attrape la maladie, il tue la maladie; s'il attrape la nature, il tue la nature. Dif cunt periculis noftris, dit Pline, & per experimenta mortes agunt (e). Un Médecin célebre, renonçant à la pratique qu'il avoit exercée trente ans, difoit, je fuis las de deviner.

L'art de conjecturer en Médecine, cet art fi néceffaire & fi dangereux, ne fauroit donc confifter dans une fuite de raifonnemens appuyés fur un vain fystême. C'eft uniquement l'art de comparer une maladie qu'on doit guérir, avec les maladies femblables qu'on a déja connues par fon expérience ou par celle des autres. Cet art confifte même quelquefois à appercevoir un rapport entre des maladies qui paroiffent n'en point avoir, comme auffi des différences effentielles, quoique fugitives,

(e) Ils s'inftruifent par les dangers où ils nous expofent, & font leurs expériences aux dépens de notre

entre celles qui paroiffent fe reffembler le plus. Plus on aura raffemblé de faits, plus on fera en état de conjecturer heureufement; fuppofé néanmoins qu'on ait d'ailleurs cette jufteffe d'efprit que la nature feule peut donner.

Ainfi le meilleur Médecin n'eft pas (comme le préjugé le fuppofe) celui qui accumule en aveugle & en courant beaucoup de pratique, mais celui qui ne fait que des obfervations bien approfondies, & qui joint à ces obfervations le nombre beaucoup plus grand des obfervations faites dans tous les fiecles par des hommes animés du même efprit que lui. Ces obfervations font la véritable expérience du Médecin; elles lui offrent mille fois plus de faits que fa propre pratique ne peut lui en fournir, & par conféquent elles exigent de lui pour être étudiées, un tems que fa propre pratique ne doit pas abforber tout entier. Il eft pourtant vrai qu'il doit joindre cette pratique à la connoiffance de celle des autres comme il eft néceffaire qu'un Arpenteur joigne le travail des opérations fur le terrein à l'étude de la Géométrie dans les livres. Mais doit-on préférer le Mé

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