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à la

S. 1 I.

Eclairciffement fur ce qui a été dit & page 31 fuivantes, concernant les idées fimples & les définitions.

L

Es idées qu'on ne fauroit décompofer, ni par conféquent définir, ont été défignées dans nos Elémens dé Philofophie par le nom naturel qui leur convient, celui d'idées fimples. Nous en avons diftingué de deux efpeces; les unes qui s'acquierent par nos fens, comme celles des couleurs particulieres, du fon, des odeurs, du froid, du chaud, &c. les autres qui s'acquierent, ou fi l'on veut, qui fe forment par abftraction, & que nous avons nommées idées abftraites. Sur quoi nous remarquerons d'abord, que ce que nous appellons ici idées abfiraites a un fens beaucoup plus étendu, & même prefque abfolument différent de celui qu'on y attache dans le langage vulgaire de la converfation; dans ce langage on entend ordinairement par le mot abftrait

ce qui demande de la part de l'efprit une forte application; nous' entendons icr par idée abftraite toute idée par laquelle nous confidérons dans un même objet une, ou quelques-unes feulement de fes propriétés, fans faire attention aux autres. De cette opération de l'efprit il réfulte pour l'ordinaire l'idée géné rale d'une propriété ou d'une maniere d'être commune à plufieurs êtres différens; & cette propriété ou maniere d'être n'a point hors de notre efprit d'exiftence ifolée; elle n'existe que dans chacun des êtres auxquels elle appartient, & n'exifte dans ces êtres que conjointement avec d'autres propriétés dont la réunion conftitue chacun de ces êtres en particulier. Tout ceci fe fera aifément fentir par des exemples. Je fuppofe que je voye un cerifier; qu'enfuite j'en voye deux, trois, & tant qu'on voudra. Je remarque ce que tous ces arbres ont de commun, qui eft d'avoir des feuilles d'une même cou leur & d'une même forme, de porter des fruits d'une même couleur & d'une même forme, &c. & il en ré→ fulte d'abord l'idée exprimée par le mot cerifier; idée dans laquelle il comA vj

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à

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mence déja à y avoir une petite abftraction, puifqu'il n'y a point hors de moi proprement parler, d'arbre qui foit le cerifier en général, mais qu'il n'exifte jamais que tel ou tel cerifier en particulier, & que l'idée générale de cerifier fe forme dans mon efprit par celle de la reflemblance que j'apperçois entre les différens arbres de cette efpece. Je compare enfuite un cerifier avec un marronnier; & de la reffemblance que j'apperçois entre l'un & l'autre, qui eft d'avoir des racines par lefquelles ils tiennent à la terre un tronc des branches, des feuilles, je forme l'idée d'arbre, plus abftraite que celle de cerifier. De là, je compare le cerifier à quelqu'autre corps, comme à du marbre; je vois qu'il y a encore entre eux quelque chofe de commun, favoir d'être étendus, impénétrables, & bornés en tous fens; j'en forme une nouvelle idée plus abftraite que les deux premieres, l'idée de corps. Cette nouvelle idée étant encore composée de trois autres, étendue, impénétrabilité, & bornes en tous fens, j'en fépare l'idée d'impénétrabilité, il me refte celle d'une étendue bornée en tous fens, d'où je me

forme l'idée abftraite de figure; de cette derniere idée je fépare encore celle de bornes, il me refte l'idée abftraite d'étendue. J'aurois pu encore parvenir à cette idée abftraite par une autre route en décompofant autrement l'idée de corps; car fi des trois idées que l'idée de corps renferme, j'en euffe féparé d'abord l'idée de bornes en tout fens, il me feroit resté l'idée d'étendue impénétrable, c'est-à-dire de matiere; & fi de l'idée de matiere je fépare enfuite l'idée d'impénétrabilité, je parviens de même à l'idée abftraite d'étendue. Cette idée d'étendue ne peut plus être décompofée, elle n'en renferme point d'autre qu'elle-même; & à cet égard elle peut être regardée comme une idée abftraite fimple, & les idées abftraites d'où elle a été déduite, comme des idées compofees, qui le font plus ou moins à proportion du nombre des idées fimples qu'elles renferment.

Toutes ces idées abftraites, compofées de deux ou de plufieurs idées fimples, ont befoin d'être définies; il n'y a que celle d'étendue, & en général les idées abftraites fimples qui n'en ont pas befoin, & qu'une définition ne feroit qu'obfcurcir,

Avant que d'aller plus loin, remar quons, d'après le détail même où nous venons d'entrer, qu'il y a dans les langues bien plus de mots qu'on ne croit, qui expriment des idées abftraites; de ce nombre font tous les mots dont on fe fert pour exprimer une qualité ou une maniere d'être qui eft commune à plufieurs individus, & qui peut être différemment modifiée dans chacun de ces différens individus. Plus la qualité ou la maniere d'être qu'on exprime eft commune à un grand nombre d'individus, plus l'idée qui l'exprime eft abftraite; ainfi arbre exprime une idée moins abftraite que plante, plante que végétal, végétal que corps, corps qu'étendue. Par la même raifon les mots fouffrir, fentir, exifter, expriment par degrés des idées plus abftraites les unes que les autres.

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Nous venons de dire que les idées abftraites fimples, qui ne peuvent ni ne doivent être définies, font celles qu'on ne peut décompofer en d'autres. Mais quoiqu'on ne puiffe les décompofer, on peut les généralifer, & ces nouvelles idées plus générales ne font pas non plus fufceptibles d'être définies,

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