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On le vit bien quand, lui disparu, le président Brisson et plusieurs autres furent massacrés pour n'avoir pas ratifié une sentence de mort (1).

On constate en outre plusieurs confusions de noms et de dates qui ont permis d'exagérer le rôle des Jésuites;

comment par exemple Claude Mathieu, un zélé ligueur certainement, mais Lorrain d'origine, ce détail n'est pas à négliger, ne pouvait en 1591 porter en Espagne les lettres des Seize, vu qu'il était mort en 1587 on l'a confondu avec un moine espagnol (2); comment on a fait porter au Jésuite Pigenat la responsabilité des excès de son frère, le docteur François, curé de Saint-Nicolas; comment on dédouble le Père Bernard Rouillet en deux Ligueurs, le Jésuite Bernard, et le Jésuite Rouillet, comment on fait un Jésuite du curé Guincestre, etc. (3).

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Si l'on se reporte aux derniers temps de la Ligue, une autre constatation s'impose. Ces farouches séditieux

(1) P. Ch. Dupuy. Discours apologétique, (Prat, t. V. p. 28). La légende ajoute qu'il tomba enragé quand il vit Paris aux mains d'Henri IV. La vérité est qu'il avait quitté Paris dès 1592, malade avec des accès de fièvre chaude dus à ses travaux excessifs. En 1594, il vivait encore et commençait à se remettre. Donc il faut corriger la note de Labitte, p. 119.

(2) Fleury, Hist. Eccles., t. 36, p. 333, Paris 1742, in-12. Dazès p. 33. Ce qui a causé cette confusion, c'est sans doute le titre de Courrier de la Ligue qu'on lui donnait. Or, ce terme ne signifiait point qu'il se faisait le porteur des messages du parti; mais on le lui avait donné, dit l'Estoile, « parce que il a écrit ce qui se passait à Rome et en France au sujet de la Ligue ». Journal de Henri IV. Crétineau-Joly, t. II, ch. VII, p. 320.

(3) Labitte, p. 149; Dazès, t. II, p. 202 et suiv.

ne repoussaient point les projets de conciliation honorable. On sait que vers 1593, dans les deux partis, se forma un courant d'opinions modérées et pacifiques qui tendait à un rapprochement. Le tiers parti royaliste reprochait au Béarnais de ne pas se convertir assez vite. Le tiers parti ligueur repoussait nettement l'idée d'un roi lorrain ou espagnol : il maintenait le principe de la loi salique; le roi devait être et catholique et Français. C'était aussi la pensée des Jésuites les plus en vue.

Témoin Commolet que l'Estoile lui-même nous montre en 1594 recommandant en chaire la personne « du Roy notre Sire », voulant, disait-il, pour la France « un Roy naturel, pas Espagnol »; si zélé pour les intérêts d'Henri IV que le cardinal d'Ossat, au nom de Clément VIII, le citait au roi comme un argument vivant pour l'empêcher d'exécuter contre les Jésuites les arrêts du Parlement (1).

Il est vrai que les Jésuites n'allèrent pas se précipiter aux genoux d'Henri IV, dès que, catholique et vainqueur, il fut entré dans Paris. Ils laissèrent à d'autres. plus compromis qu'eux cet empressement de mauvais aloi. Rome alors se réservait : c'était à elle de dire le dernier mot, et ce dernier mot, l'absolution, elle hésitait, elle répugnait même à le prononcer. Tous les religieux, les Jésuites comme les autres, attendaient. Mais ils faisaient mieux que de protester au roi de leur dévouement tout frais et tout neuf, ils agissaient auprès

(1) Dupleix, Hist. de Henri le Grand, p. 191. Lettre du cardinal d'Ossat, 16 février 1595. L'Estoile, édit., Michaud, p. 156, 175, 180, 230.

du Pape. On voit vers ce temps-là, le père général Aquaviva, avec un Jésuite espagnol, le cardinal Toledo, avec un italien, Possevino, avec Commolet, Commolet lui-même, plaider la cause d'Henri IV, s'efforcer de supprimer les derniers obstacles qui s'opposaient à l'absolution. Les Jésuites étaient alors bannis, le parti espagnol voulait faire de leur rappel une condition sine qua non du pardon pontifical. Clément VIII y voyait pour lui une question d'honneur. Mais qu'y eût gagné la France? La guerre se fût indéfiniment prolongée. Le père Aquaviva supplia donc le Pape de passer par dessus les malheurs particuliers des Jésuites et Clément VIII céda; le roi fut absous. Henri IV alors aura pour Toledo une lettre spéciale de remerciements. Quand un an plus tard, le cardinal mourra, le roi enverra à Rome une lettre de condoléances et fera célébrer à sa mémoire un service funèbre. Henri IV savait bien à qui il devait l'absolution et la paix. Cette politique des Jésuites de Rome pouvait être de gens habiles qui prévoyaient et préparaient l'avenir, elle n'était pas de partisans bien chauds des Espagnols (1).

Voilà pour le fond de la légende; reste à voir, et c'est le point important, comment elle s'est formée.

IV

Le 22 mars 1594, Henri IV était donc entré à Paris. Beaucoup de ses ennemis se jetaient à ses genoux. Il

(1) Lettres missives d'Henri IV, t. IV, 455, 456. (Let. du 15 nov. 1595).

pardonnait; et, sauf quelques exils assez bénins, l'amnistie était complète. Mais peut-il y avoir une amnistie pour les Jésuites? On se chargea de le leur faire entendre.

Vingt ans de guerres civiles, pendant lesquelles parlementaires et sorbonistes avaient joué leur rôle, et parfois combattu aux côtés des Jésuites, les dépassant de fort loin en ardeur et en intransigeance, n'avaient qu'assoupi les querelles d'autrefois. Pour ce qui est de l'Université, elle ne pouvait admettre que la solitude se fût faite dans ses collèges pendant la Ligue, alors que celui de Clermont avait toujours conservé bon nombre d'élèves. Ces choses-là ne se pardonnent guère. A la première occasion, l'étincelle se ralluma.

Qu'on veuille bien noter les dates, elles ont leur importance.

Le roi était entré à Paris le 22 mars. Moins d'un mois après, 18 avril, en conseil secret, l'Université, ou pour parler plus exactement une fraction de l'Université décidait de reprendre les vieux procès contre le collège de Clermont.

Le 22, elle faisait sa soumission. Les religieux en masse, Dominicains, Franciscains, Chartreux, Jésuites se réservaient comme nous l'avons dit, attendant une réponse de Rome, et, par suite, ne s'associaient pas aux Te Deum chantés dans les paroisses. On avouera que, habile ou non, cette attitude ne manquait pas de dignité. Les religieux ne refusaient pas leur adhésion, ils la suspendaient jusqu'à plus ample informé; et ils ne se mettaient pas du jour au lendemain en opposition avec eux-mêmes. Pour ce qui est des Jésuites, ils se

trouvaient dans une position fausse dont il fallait faire son profit. Donc, le 12 mai, le nouveau recteur, Jacques d'Amboise, déposa contre eux sa plainte au Parlement. Les Jésuites étaient accusés d'être d'origine espagnole, d'avoir été partisans des Espagnols, ministres et espions de l'Espagne. Donc, il fallait les expulser. Cette conclusion n'alla pas sans protestation d'une notable partie du corps enseignant. Mais on passa outre. Le 14 mai, assignation fut donnée aux Jésuites de comparaître le 16. Le 17, grande plaidoirie d'Antoine Arnauld. Tout cela en moins de deux mois.

Pourquoi cette hâte, et ce besoin d'écraser sans un moment de répit son adversaire de l'avant-veille, son allié d'hier un peu tiède? Voulait-on pêcher en eau trouble? Trouvait-on que le meilleur moyen de se faire pardonner était de se porter accusateur? Ou bien encore l'Université en plein désarroi, sans maîtres et sans élèves crut-elle qu'il n'y avait pas pour elle de relèvement possible si les Jésuites conservaient leur collège? D'autres assurent qu'en-dessous l'on trouvait la main des protestants et l'on cite cette phrase du diplomate calviniste Jacques Bongars : « Nous sommes ici occupés à faire chasser les Jésuites; l'Université, les curés des paroisses et toute la ville ont conjuré contre ces pestes publiques ». Tout cela est plausible (1).

Quoiqu'il en soit des intentions, la hâte était quelque peu excessive, et témoignait d'une rancune bien tenace.

(1) Daniel, Hist. de France, t. VII, p. 254.

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