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mais ils s'excusent sur ce qu'ils ne furent pas les seuls! Mais la Société des Jésuites fut la seule dans laquelle ne se trouva pas un seul cœur français. Les Jésuites sont ennemis du roi par principe et par obéissance à leur monarque (le général de la Compagnie) ligué avec l'Espagne (1). »

Ripert de Montclar au Parlement d'Aix : « Peignonsnous d'après cela cette Société, méditant sa première invasion en France : le feu de la Ligue était allumé par les soins des Jésuites et par leurs menées. Ils régnèrent dans cet affreux désordre... Ils répètent sans cesse qu'on doit jeter un voile sur ces temps malheureux : ils ont beau faire, les séducteurs ne doivent point être confondus avec ceux qui furent séduits; ils n'étaient point Ligueurs par contagion, ils l'étaient par principes, ils l'étaient tous. Ils n'ont point été entraînés par les discordes civilės, ils en étaient les Eoles. Les Jésuites sont les auteurs, les promoteurs, les arcs-boutants de la Ligue » (2).

<< Henri IV, dit un autre, ce prince, les délices de son peuple, héritier légitime du trône des Français, y étant monté, malgré les efforts de la Société, pensa plusieurs fois périr victime de son ressentiment. >> « C'est ainsi, poursuit Me Ripert, que l'histoire de la Ligue nous fournit un premier exemple de danger pour un royaume, d'avoir, dans son sein, des membres d'une Société qui ne balance jamais entre les intérêts de cette

(1) Compte rendu, p. 122.

(2) Plaidoyer, p. 45 et note LXVII.

même Société et ceux de l'Etat qu'ils habitent (1). >> Voilà le réquisitoire dans toute l'ampleur de ses vues générales. Lorsque de là, on descend au détail, ce qu'on trouve c'est une sinistre litanie de religieux remuants, intrigants, farouches. Claude Mathieu, le « courrier de la Ligue », qu'on voit, par exemple, en novembre 1591 partir de Paris pour l'Espagne, porteur des lettres qui livrent Paris et la France à l'étranger, lettres écrites et signées chez les Jésuites. Odon Pigenat, président au Conseil des Seize, lequel se tenait au collège, responsable par conséquent des actes de la farouche assemblée, coupable d'avoir traité avec les ambassadeurs espagnols, d'avoir décidé que, plutôt que de se rendre à Henri de Navarre, mieux valait laisser mourir de faim les neuf dixièmes des Parisiens, d'avoir sur le gage des bijoux de la couronne, prêté aux rebelles du vin et des vivres; si affecté de la défaite des ligueurs qu'il en devint fou et mourut à Bourges dans un accès de rage.

Puis les prédicateurs. Ab uno disce omnes.

Qui n'a entendu parler de Commolet, Jésuite criard et tempêtueux, « qui fait en prêchant des grimaces de possédé? » C'est lui, croyons-en Antoine Arnauld, qui, le jour de Noël 1593, s'écrie : « Il nous faut un Aod, fût-il moine, fût-il berger, fût-il goujat, fût-il huguenot même, n'importe ». Cela c'était contre Henri IV; mais voici contre le duc de Mayenne. Les Jésuites trou

(1) Compte rendu de Me Charles (Rouen), p. 128, et plaidoyer de Me Ripert, p. 120.

vaient que le mouvement se ralentissait; les grands ligueurs fatigués se laissaient gagner à l'apathie générale; ils ne savaient que «< faire la guerre aux poules >>. Mayenne ne valait pas mieux que les autres : «< Il faudrait, s'écrie Commolet, un Aod à ce pourceau, à l'homme efféminé qui a un gros ventre

tendez bien ».

vous m'en

Faut-il poursuivre et montrer, toujours d'après les récits courants, Edmond Auger, le seul Jésuite raisonnable du temps, confesseur et partisan d'Henri III, mais exilé par ses farouches confrères; Gueret et Guignard, professeurs de régicide; Alexandre Hay, convaincul d'avoir applaudi à la mort d'Henri III, etc., etc.

Bref, le parti royal n'avait pas de pires ennemis; le parti royal, c'est-à-dire le parti français, car de cœur et d'action, les Jésuites étaient Espagnols. Ou plutôt ils n'étaient rien, essentiellement cosmopolites, sans attaches solides à aucune patrie, « ne reconnaissant clairement d'autre dépendance que celle de la cour de Rome, mise elle-même sous le joug de leur domination ». << S'ils furent chassés, ce fut par un élan d'honnêteté nationale »; parce qu'ils « n'étaient dévoués à personne »; parce qu' « entre les mains de ceux qui l'employaient, l'instrument pouvait d'un jour à l'autre, sur un mot parti on ne sait d'où, se retourner sournoisement »> (1).

(1) Hanotaux. Etudes historiques sur le xvi et le xvi° siècle, 1886, p. 155.

III

De toutes ces allégations, que reste-t-il, quand on étudie les faits ailleurs que chez Arnauld, l'Estoile, Pasquier et autres ennemis notoires? Je ne prétends pas qu'on puisse justifier tous les actes, toutes les paroles de tous les Jésuites en ces années de lutte et de passion. Mais, à s'en tenir aux faits déjà établis, il faut bien avouer que du monceau d'accusations accumulées par nos gallicans, il ne subsiste pas grand chose de grave.

Regardons-y d'un peu près. A Rome, on voit le général de l'Ordre faisant tout pour maintenir ses subordonnés. dans l'esprit de leur vocation, dans l'observation rigoureuse de leur règle, à l'écart du mouvement, strictement enfermés dans leur ministère sacerdotal. Il est vrai qu'il n'y réussit pas au gré de ses désirs: mais les événements parfois sont plus forts que les volontés humaines. Et puis, que faire, lorsque les Papes n'entraient point dans ses scrupules, quand Sixte-Quint trouvait fort normal que les Jésuites combatissent l'hérésie jusque sous les drapeaux de la Ligue (1)?

A Paris, dans ce collège de Clermont, antre de la sédition et du fanatisme, au milieu de ces Jésuites qu'on ne manque pas d'associer à Boucher, Pelletier, Lincestre

(1). Voir la lettre du P. Aquaviva au P. Cl. Mathieu, 22 fév. 1586, dans Crétineau Joly, t. II, ch. 7.

et autres ligueurs irréductibles, voici ce que nous

trouvons :

Un zèle pour la Ligue qui n'allait pas toujours jusqu'à l'héroïsme dans l'abnégation, témoin le recteur du collège, le P. Tyrius, qui eût bien voulu, au temps de la famine, garder intactes les provisions; tiédeur qui lui valut une verte algarade de la part du prévôt des marchands (1).

Des solutions pratiques données par les théologiens, fort sages en soi, mais que les docteurs de la Ligue ne pouvaient que trouver très relâchées. En plein siège, au moment où, à ceux qui parlaient de se rendre, la Sorbonne promettait l'enfer, et le Parlement la potence, quelques personnages de sens plus rassis, consultèrent, mais en cachette, ce même Tyrius et le père Bellarmin alors à Paris, et conseiller du légat. Les théologiens déclarèrent qu'en sûreté de conscience on pouvait se rendre, même à un prince hérétique. Aux prélats qui lui furent alors députés, Henri IV put montrer les lettres de l'ambassadeur d'Espagne à son maître, se plaignant vivement des deux Jésuites.

Un rôle suivi de modérateurs et par exemple Odon Pigenat, ce farouche président du conseil des Seize, n'y était entré que malgré lui, sur l'ordre de Mayenne « pour tâcher de modérer la fureur de cet exécrable tribunal ». De son rôle ingrat il ne recueillit que des déboires; sa présence pourtant n'avait pas été inutile.

(1) L'Estoile, Journal de Henri IV, p. 21. Mémoires de la Ligue, t. IV, p. 207.

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