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Mais d'où venait le succès? D'où venait que, dès que les Pères avaient ouvert quelque part une école, immédiatement, comme par enchantement, les classes hérétiques. se vidaient? Enchantement, c'était le mot, car les Jésuites, véritables sorciers, avaient commerce avec les démons. Rien d'étonnant qu'ils attirassent et retinssent la jeunesse; ils avaient un onguent dont ils frottaient leurs élèves, et dont le diable - toujours le diable! — avait le secret, tant et si bien que l'on ne pouvait plus séparer maîtres et élèves. « Créatures du diable, vomies par l'enfer pour empoisonner la jeunesse... il faudrait les chasser, mieux encore, les brûler comme de vrais sorciers qu'ils sont. » Du reste, ils enseignent, dans leurs maudits collèges, la sorcellerie, l'art des poisons, toutes les sciences occultes. Leurs succès doivent s'expliquer par leurs sortilèges » (1).

Partie sur cette piste, l'imagination sectaire ne devait plus s'arrêter; et les inventions les plus monstrueuses s'accumulent.

Le Jésuite empoisonneur a surtout grand succès. Un grave magistrat écrit : « Les misérables qu'ils soudoient ont ordre de faire périr par le poison ou autrement, tous les instituteurs de la jeunesse, papistes ou luthériens... Ils ont des recettes infaillibles pour empoisonner plats, cuillers, écuelles, poêles, salières, assiettes, tout le ménage de table. Si on les frotte ensuite, dix fois et plus, si on les lave, si on les récure, le poison garde toute sa force » (2).

(1) Janssen, IV, p. 475 et suivantes. (2) Janssen, 463, 464.

Vient ensuite le Jésuite politique, conspirateur, assassin. Un jour on découvre un affreux complot il ne s'agit que du massacre général de tous les « confessionistes », ou partisans de la Confession d'Augsbourg. Des lettres confidentielles ont été saisies, on peut en montrer les originaux. On a vu des Pères, à la tête d'une procession de gendarmes et d'autres, déguisés en gentilshommes, une chaîne d'or au cou, traverser l'Allemagne en poste pour n'être pas reconnus (1).

On les trouve à la cour des princes catholiques. En vain ont-ils résisté de toutes leurs forces, inférieurs et supérieurs, à la pression de certains princes allemands qui voulaient les avoir dans leurs conseils; en vain, dans l'impossibilité de se soustraire à la charge, plus écrasante encore que glorieuse, de confesseurs des princes, ont-ils entouré cette situation de quelques-uns, anormale et compromettante pour tous, de règlementations sévères, on finit par les rendre responsables de tout ce qui se commettait de fautes dans les cours catholiques.

Et donc, au dire de Luc Osiander, ce sont eux, les chiens féroces, qui sont responsables de la « noce sanglante de Paris », la Saint-Barthélemy. Mais les milliers de victimes immolées alors ne leur suffisent pas, il leur faut toute la France égorgée, y compris les papistes qui ne sont pas de leur bord.

Sébastien de Portugal vient de périr dans une grande défaite au Maroc. Les Jésuites en sont cause. Moyennant

(1) T. V, p. 79.

une forte indemnité, ils ont vendu son royaume à Philippe d'Espagne. Philippe d'Espagne s'est tellement laissé subjuguer par ces « cyclopes atroces » qu'il leur a immolé son fils bien-aimé Don Carlos. Et comme le roi manifestait trop de douleur, ils exigèrent de lui qu'il se fit ouvrir une veine du front pour purger ce qu'il avait de sang hérétique.

Au Pérou, ils enfoncent des alènes rougies au feu, dans la chair des indigènes pour leur arracher le secret de leurs trésors. Les Papes, en 30 ans, ont fait mourir 900.000 hommes, et les Jésuites 2 millions. Les souterrains de leurs collèges d'Allemagne sont probablement bondés de soldats : ils n'en dorment pas. Ils sont à la solde du roi d'Espagne, etc., etc.

On eut aussi le Jésuite libertin. Un jour on annonce l'apostasie et le mariage de Canisius avec une abbesse de Mayence. Une autre fois on «< lance » le grand scandale de Munich (1565). Les enquêtes prouvent que toute l'histoire n'est que calomnie; la calomnie fait son chemin, grossit en route, se corse de détails ignobles, et, bien des années encore après, alimente d'innombrables pamphlets. On nous permettra de ne pas insister.

C'est donc par centaines que l'on compte les brochures, pamphlets, caricatures, vers burlesques, où les Jésuites sont accusés de véritables monstruosités, parmi lesquelles l'assassinat passerait pour péché véniel. Qu'un moment soit venu où les Pères aient un peu perdu patience et répondu dans le style à la mode, on peut s'en scandaliser, mais qui s'en étonnera?

L'Historia Ordinis Jesuitici qui parut en 1593, et qui

semble, plus que tous les autres pamphlets, les avoir blessés, était, au dire du théologien Polycarpe Leiser, son éditeur, l'œuvre d'un ancien novice, mort six ans auparavant, Elie Hasenmüller.

L'apostat, selon un procédé commode et qui sera repris bien souvent par les fugitifs, vrais ou supposés, de la Compagnie, révèle ce qu'il a vu, ce qu'il sait d'expérience. C'est un miracle de la Providence si, lui, peut enfin dévoiler les mystères de l'affreuse association. Ordinairement en effet, les Jésuites ont des moyens expéditifs pour empêcher ces révélations indiscrètes. Dès que le supérieur soupçonne quelque dangereuse défection, les tortures, la potence ou le poison y mettent ordre sans retard.

Faut-il suivre l'auteur à travers ses divagations? Les Jésuites ont été fondés par le diable en personne, «< père spirituel » d'Ignace. Leur règle et leurs constitutions ne contiennent pas une seule syllabe ayant quelque rapport avec la doctrine ou la vie de Jésus-Christ; leur unique but au contraire, c'est d'effacer complètement le nom du Rédempteur, et de se substituer à lui; ils déshonorent Dieu et ils honorent le diable; ils méprisent le Christ, et ils adorent l'antéchrist, c'est-à-dire le Pape de Rome. Le Pape est le Priape des Jésuites. Tout être qui se joint à eux devient une bête enragée. Ils ont la spécialité du parricide, et il faudrait, en souvenir de Néron tuant sa mère, les appeler les Néroniens. « Assassins de profession, sangliers féroces, voleurs, traîtres, serpents, race de vipère; ils sont plus féroces que les Turcs, et bien autrement funestes à l'Allemagne. Dans leur vie privée

ce sont des boucs impurs, des pourceaux répugnants... Ils ont reçu du Pape le plein pouvoir de commettre impunément tous les excès. Si on les connaissait mieux, on leur cracherait à la figure. Personne ne leur confierait l'éducation, je ne dis pas de son fils, mais de son porc » (1).

L'Historia Jesuitici Ordinis devait avoir, comme tous les chefs-d'œuvre, ses contrefaçons et ses imitations. L'on ne s'en priva pas. Sans parler du Jesuiticum Jejunium que Leiser mit encore sur le compte de Hasenmüller, sans parler du Miroir des Jésuites où un poëte demandait

D'écorcher tous les Jésuites,

De faire des tambours avec leur peau
Et de battre le tambour nuit et jour,
Jusqu'à ce que tout leur cuir fut crevé;

on multiplia ces Histoires où venait se déverser tout ce que la haine inventait au jour le jour. Bien entendu les individus n'étaient pas épargnés. Tandis qu'un prédicant apostrophait en chaire le P. Gretzer, « ce vil barbouilleur de papier, franc hérétique, adultère », qui portait toujours avec lui le diable dans une bouteille, Bellarmin avait les honneurs d'une Nouvelle et très véridique histoire. Ne fallait-il pas se venger de rudes coups portés par ce vrai savant, aux théologiens novateurs? Donc, on le voit, dans le pamphlet allemand,

(1) Ce pamphlet est réfuté en détail par le Père Jacques Gretzer dès 1593-1594. Opera, édition de 1734, t. XI, p. 4-147. Cfr. Sommervogel, t. III. col. 1755-1756.

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