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CHAPITRE PREMIER

Les origines protestantes en Allemagne

(1540-1600)

I. LE MOT Jésuite.

II. LES EXERCICES DE SAINT Ignace.

III. LA POLÉMIQUE LUTHÉRIENNE. LE TON. LE CATÉCHISME
DE CANISIUS.

IV. ASSASSINS. EMPOISONNEURS. CONSPIRATEURS, ETC.
V. Historia Ordinis Jesuitici. BELLARMIN (1).

I

Si nous avions à étudier toutes les formes d'hostilité que, depuis son berceau, rencontra la Compagnie de Jésus, un premier chapitre serait consacré à saint Ignace

(1) On trouverait la réfutation des principaux pamphlets allemands antijésuitiques dans les œuvres du P. Gretzer, t. XI, Defensio Soc. Jesu. Cfr. Carayon op. cit. n. 2852.

P. Prat s. j. Le P. Claude Le Jay, Lyon, 1874; 0. Braunsberger, s. j. B. Petri Canisii soc. Jesu, acta et opera, Fribourg. 1896 et suiv. 8°. Michel, s. j. Vie du B. Pierre Canisius, Lille, 1897. Janssen, L'Allemagne et la Réforme, t. IV, livre III, ch. 1, 2, 4; t. V, liv. II, ch. 9, 10. Pilatus (Dr Viktor Naumann) Der Jesuitismus, Fribourg 1904. B. Duhr s. j. Die Jesuiten an den deutschen Fürstenhöfen des 16 Jahrhunderts, Fribourg 1901.

et à ses procès. Nous y verrions le fondateur vivre pour son propre compte la vie de persécutions et de calom-. nies qui devait être la destinée et comme l'originalité de ses enfants.

Un second chapitre serait consacré aux affaires d'Espagne, aux conflits avec l'archevêque de Tolède Siliceo, surtout aux polémiques de Melchior Cano. Au nom de l'orthodoxie on attaquait les Exercices, et l'Institut lui-même au nom des droits épiscopaux. Déjà l'on cherchait à mettre en opposition avec la hiérarchie et les anciens ordres l'ordre nouveau que Rome pourtant venait d'approuver. L'origine des luttes pénibles que les Jésuites ont eu à soutenir en divers temps avec les Ordinaires est là. Palafox, Noailles, Gondrin, Richard Smith, et autres, continuaient une tradition déjà vieille. Mais ces épisodes sortent de notre cadre. Nous ne voulons voir la Compagnie de Jésus aux prises qu'avec les ennemis de Rome et de la foi (1).

Le véritable antijésuitisme sectaire vient des pays protestants.

Il n'est pas exact, comme on l'a souvent répété que saint Ignace ait organisé sa Compagnie précisément pour combattre la propagande luthérienne. Que telle ait été l'intention divine, les faits le prouvent assez; mais l'étudiant apôtre, qui, vers 1535, groupait autour de lui une poignée de jeunes gens pieux et zélés, pour

(1) L'histoire de ces premiers épisodes est racontée en détail dans Astrain, Historia de la Compania de Jesus. T. I. Voir les documents, dans les Monumenta historica Soc. Jesu, passim, et dans les Lettres de saint Ignace.

les emmener en Palestine, n'avait pas sur l'avenir des vue si précises.

Dès les premières années cependant ses disciples vinrent en contact avec les novateurs. En Italie d'abord et jusqu'à Rome où l'hérésie cherchait à prendre pied, puis en Allemagne. L'année 1540 marque la définitive entrée en ligue des Jésuites dans la grande bataille engagée depuis vingt ans. Pierre Le Fèvre, le Jay, Bobadilla se virent bientôt rejoints par celui qu'on devait appeler le second Boniface de l'Allemagne, Pierre Canisius. Alors commença pour de bon le recul du protestantisme; mais alors aussi commença à couler sur les nouveaux ouvriers papistes un flot d'outrages qu'on n'est pas près d'endiguer. Et en voilà pour trois ou quatre siècles.

La première insulte consista à les appeler Jésuites.

Ce sobriquet, d'origine allemande, était d'usage courant depuis longtemps déjà. On disait ironiquement de quelqu'un «< c'est un jésuite », comme nous dirions d'un scélérat « c'est un saint ». Dans un examen de conscience de 1519, le pénitent se demande : « Ai-je omis de faire le bien par crainte d'être appelé pharisien, jésuite, hypocrite, béguin? » Jésuite et hypocrite, on notera la juxtaposition; elle est plus vieille que les Jésuites eux-mêmes (1).

N'aurions-nous pas ici un cas intéressant de folk-lore? Sans doute, et nous ne tarderons pas à le constater pour

(1) Confessionale de Gottschalk Rosemund, Anvers 1519. « Prætermisi verbum Dei docere, etc. ob quorumdam derisorum obloquutionem. qui dicerent me esse pharisaeum, iesuilam, hypocritam, beginam.

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la France et l'Angleterre, certains épisodes contribueront à populariser la légende. Mais, tout à l'origine, en Allemagne, voici ce que nous trouvons : un sobriquet préexistant, le terme de Jesuita impliquant l'idée fâcheuse d'hypocrisie sous les dehors de la piété; puis des gens qui viennent réveiller la religion des catholiques et combattre l'hérésie. Quand on leur demande ce qu'ils sont, ils répondent qu'ils appartiennent à la Compagnie de Jésus. Leur piété ne plaît pas à tout le monde. De tout temps le public a été tenté d'identifier vraie et fausse dévotion. En voilà plus qu'il n'en faut pour qu'il monopolisent à leur profit tous les sens défavorables du mot Jesuita. Ils sont de faux dévots, des fourbes le mot fera fortune, et bientôt entrera dans le vocabulaire européen.

Qu'on veuille bien noter encore le rapprochement entre jésuite et béguin. Le mot béguin ou beghard équivalait depuis longtemps à hérétique. Ces associations de pieux laïques avaient, on le sait, presque partout dégénéré. Elles étaient devenues l'asile de rêveurs, d'illuminés, de faux mystiques. Doctrine panthéiste et quiétiste, pratiques souvent plus que suspectes, réunions secrètes cachant de vrais excès, extérieur austère, flagellations publiques, etc. Or, un certain nombre de ces hétérodoxes se donnaient le titre de jésuites. Le mot s'employait donc aussi parfois dans un bon sens (1).

(1) Les Chartreux semblent l'avoir affectionné: Ludolphe de Saxe Vita Jesu Christi, Pars I, cap. 10, Venise 1568 fol. 32-J.; Henri Arnoldi Tractatus de modo perveniendi ad veram et perfectam Dei et proximi dilectionem. Bâle, vers 1478.

Mais on voit les conséquences. Les disciples de saint Ignace se présentaient en Allemagne et en Flandre. armés de ce petit livre des Exercices, qui déjà en Espagne avait valu à son auteur les soupçons de l'Inquisition, les accusations d'illuminisme, mais aussi les approbations de Rome. Eux aussi, ils devaient être accusés, non plus seulement d'illuminisme, mais de tous les excès qu'on reprochait aux béguins ou à leurs descendants. Le mot jésuite en venait à signifier hérétique.

II

De tous les instruments d'apostolat mis par Ignace aux mains de ses enfants, il n'en était pas de plus original que les Exercices. Dans ce petit carnet, humble manuel de spiritualité, sans prétentions littéraires ou dogmatiques, le saint avait condensé le résultat de ses expériences personnelles. Sans le savoir, du même coup, il y mettait tout ce qu'il y avait d'universellement pratique dans l'ascétisme chrétien, depuis Cassien jusqu'à l'Imitation de Jésus-Christ (1). Il avait constaté l'efficacité de sa méthode sur beaucoup de consciences

(1) J. Janssen, op. cit. t. IV. p. 403. « Si le but et les principes d'Ignace sont aussi anciens que le christianisme, les moyens qu'il conseille ne sont pas plus nouveaux. La réception des sacrements, les différentes manières de prier, l'examen de conscience, le silence, la méditation indispensable pour purifier, éclairer, orienter l'âme vers Dieu, tout cela, la vie de Jésus-Christ et de ses saints en avait offert

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