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pas de conte absurde qu'on ne fasse adopter aux oisifs d'une grande ville en s'y prenant bien; et nous avons ici des gens d'une adresse!... D'abord un bruit léger, rasant le sol comme l'hirondelle avant l'orage, pianissimo, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille et piano, piano, vous le glisse adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando, de bouche en bouche, il va le diable; puis, tout à coup, ne sais comment, vous voyez la calomnie se dresser, siffler, s'enfler, grandir à vue d'œil. Elle s'élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, éclate et tonne, et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait? » (1).

Il n'y a qu'un trait à effacer pour que cette spirituelle peinture devienne un abrégé, assez fidèle, de l'histoire de la Compagnie. C'est qu'avec les Jésuites, on ne fait pas tant de façon, et qu'on en vient toujours assez vite au forte et au fortissimo.

Si l'on cherche, pour plus de clarté, à classer par catégories ceux qui, de façon ou d'autre, se posent en adversaires ou en rivaux de la Compagnie de Jésus, peut-être se trouvera-t-on quelque peu embarrassé. Ce serait le cas de dire « Ils sont trop », et de toute nuance, depuis le calomniateur conscient, qui le premier a inventé que les Pères ont empoisonné Clément XIV, jusqu'à ceux qui taquinent leurs bons amis Jésuites,

(1) Barbier de Séville, act. II, sc. VIII.

uniquement parce que c'est une plaisanterie facile et de tradition; depuis l'esprit disciple qui, dans les articles de revue, thèses de doctorat, cours de faculté, va répétant les jugements traditionnels, jusqu'au journaliste qui a besoin d'un article à sensation et crée de toutes pièces une belle nouvelle... histoire de rire entre augures.

Des rivaux catholiques. je n'ai rien à dire; rivaux ou non, ce sont des frères. Les divisions les plus retentissantes ne cachent souvent qu'un malentendu. On veut nettement et sincèrement, de part et d'autre, le bien des âmes et la gloire de Dieu, on diffère sur les moyens. Parlant des « très subtils esprits », thomistes et molinistes,<«< ils s'entendront toujours assez », disait saint François de Sales (1). Un qui fut ardent contre les Jésuites de Chine dans la controverse des rites, ce fut le dominicain espagnol Navarette. Ses rapports passionnés contribuèrent pour leur juste part à échauffer la dispute. Mais c'était un homme de Dieu. Quand, en 1678, il fut nommé archevêque de Saint-Domingue, les Jésuites voulurent se retirer de son diocèse, craignant de lui être à charge. Il les conjura de rester; il fonda même pour eux un collège et une chaire de théologie. « Peu d'évêques ont parlé avec plus d'étendue de l'utilité que les pasteurs et les peuples peuvent retirer du ministère de la Compagnie de Jésus (2). »

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(1) Ch. Aug. de Sales. Hist. du B. François de Sales, Paris 1870, t. II, p. 11.

(2) Feller. Dict. historique au mot Navarette.

Un Jésuite s'écriait naguère dans un panégyrique de saint Dominique, faisant allusion aux célèbres discussions sur la grâce:

.....

Si ces divergences d'interprétation (de la pensée de saint Thomas) ont donné naissance à des controverses célèbres, ces luttes, où l'encre seule a coulé, plus abondamment, il'est vrai, et plus vivement que le sang sur les grands champs de bataille, ont été fécondes pour la vérité, la religion et la philosophie, et ni eux ni nous n'avons à en rougir. Loin de là. Elles ont prouvé au monde avec quelle largeur d'esprit et quelle franchise d'allure les religieux de toute couleur abordent la science dans les questions où Dieu ne s'est pas prononcé par son Eglise. Sur ce terrain, la liberté est leur droit et leur devise: in dubiis libertas... Mais si, dans les questions non définies nous avons fièrement de part et d'autre pratiqué la liberté, nous avons dans les questions certaines donné le spectacle de l'unité la plus parfaite : in necessariis unitas. Et dans les unes et les autres, n'est-il pas vrai, mes Révérends Pères, quelques coups d'estoc et de taille, destinés aux doctrines et égarés sur les personnes dans la ferveur de la bataille, n'ont jamais altéré la charité : in omnibus caritas..... Mais si la science n'a pu nous désunir, l'amour des âmes a encore resserré nos liens. Ensemble, depuis trois siècles, nous arrosons la terre de nos sueurs; ensemble, nous pénétrons partout où règnent l'ombre et la mort, portant à tous les peuples la lumière et le sourire du Christ. Tous les rivages ont vu vos blanches apparitions à côté de la robe noire si aimée du sauvage et de tous les malheu

reux... Et parfois, ils (les missionnaires) tombaient ensemble, unis dans la mort sanglante.

<< C'était au Japon. Un jour, le Bienheureux Spinola, Jésuite, et quelques chrétiens chargés, comme lui, de chaînes, étaient conduits à une prison située au sommet d'une montagne. Ils devaient y passer la nuit avant de repartir pour le lieu de leur supplice. Heureux de souffrir pour le nom de Jésus, ils chantaient. A quelque distance de la prison, Spinola entonna le Te Deum. Après le premier verset, comme la bienheureuse troupe, fatiguée de l'ascension, se taisait pour reprendre haleine, voici que du haut de la montagne tombèrent les paroles du second verset. Etonné, ému, Spinola apprend de ses guides que la prison était déjà pleine de chrétiens ayant à leur tête un fils de saint Dominique et un fils de saint François. Pendant quelques instants les deux chœurs alternèrent les versets sacrés en se rapprochant, jusqu'au moment où s'ouvrirent les portes de la prison. Alors les enfants des trois ordres apostoliques se précipitèrent dans les bras des uns des autres, en pleurant de joie et en se félicitant de mourir ensemble pour le Christ (1). »

Eloquent symbole qui en dit plus long sur le fond des cœurs que des piles d'in-folio. En veut-on un autre plus récent? Ce sera, par exemple, dans la prison de la Roquette, le Père Olivaint, aux pieds de Mer Darboy, partageant avec l'archevêque gallican, un adversaire de

(1) Panegyrique de saint Dominique, prononcé par le P. Steph. Coubé, le 4 août 1895, dans la chapelle des RR. PP. Dominicains de la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Paris. Quelquejeu. 1895.

la veille, ses petites provisions de prisonnier, et se préparant à la mort de demain.

Donc, querelles de théologiens, querelles de missionnaires, querelles d'érudits, tout cela fait beaucoup de bruit, et n'empêche pas de marcher au martyre, la main dans la main, et même de monter ensemble sur les autels.

De ces rivaux-là nous n'avons pas à parler ici, nous réservant d'y revenir plus tard. Mais il en est d'autres.

Il y a l'antijésuitisme savant, et il y a l'antijésuitisme populaire. Entre les deux, toutes les nuances, antijésuitisme de tribune ou antijésuitisme de journal, antijésuitisme littéraire et critique, romanesque et mondain, social et pédagogique.

On s'y perd; car ce qui s'est écrit de pamphlets contre la Compagnie de Jésus en trois siècles et demi est prodigieux anglicans et luthériens, parlementaires et jansénistes, philosophes et frères trois points, ont été sur ce sujet d'une fécondité inlassable. C'est que le Jésuite est un fantôme commode dont on se moque entre soi, mais qui, évoqué à point nommé, produit toujours son petit effet de terreur. Qui énumèrera les inventions saugrenues qui germent à certains moments en certaines cervelles surchauffées?

Les titres seuls sont parfois un peu drôles. Prenons au hasard :

Le guet des bons Pères Jésuites pour épier les actions des rois et princes chrétiens, 1621.

La sauterelle démasquée. Du puits de l'abysme sont sar

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