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prendra les proportions d'un méfait. Il sait qu'à son égard, on aura toujours des trésors de perspicacité pour lire au fond de ses intentions. Il a de fidèles et ardents amis, mais dont la voix encourageante ne couvre pas le bruit de tout ce qui se dit et s'imprime à son adresse.

Il le sait, ne s'en inquiète pas; il est le premier à rire de certaines inventions qui dépassent, par trop, la mesure permise. Et que voulez-vous, par exemple, que dise le Général de la Compagnie quand on lui écrit pour lui demander quelle raison si particulière il pouvait bien avoir de faire assassiner l'impératrice d'Autriche et le roi d'Italie? Il ne peut que répéter avec tous ses fils : « Mon Dieu, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu'ils font (1) ».

Mais enfin, étant donné ce fait universel, je demande - et laisse à d'autres le soin d'examiner le problème-: si les Jésuites ont, comme on le dit, des défauts qui sont bien à eux, d'autant plus caractéristiques peut-être, qu'eux-mêmes ont plus de peine à se les avouer, quand ils ne les transforment pas en qualités, la faute n'en serait-elle pas, quelque peu, à la situation anormale, injuste qu'on leur a faite dès le début, d'hommes partout et toujours hors la loi, hors le droit commun?

Des défauts? Si chaque individu, chez eux, était absolument conforme à l'idéal proposé par leur saint fondateur à l'approbation des papes, béni et approuvé de fait par eux, canonisé en la personne d'une centaine de Jésuites déjà mis sur les autels, alors, il serait bien

(1) Correspondant, 10 janvier 1903, p. 30.

inutile de parler de défauts ils n'en auraient pas. Malheureusement ils sont hommes, et il faut compter sur les défaillances individuelles.

Or ces défectuosités sont de deux sortes :

Les unes auront leur explication, je ne dis pas leur cause, dans la nature même de l'Institut. Cet Institut réclame un certain ensemble de vertus caractéristiques. De là, chez ceux qui, plus ou moins, s'éloigneront de l'idéal officiel, des défauts originaux. L'on comprend que si l'idéal du Chartreux n'est pas celui du Jésuite, les défauts du Jésuite imparfait ne seront pas non plus ceux du Chartreux médiocre. De ces taches je n'ai qu'une chose à dire on a tout droit de les reprocher aux individus; mais pourquoi en rendre responsable l'ordre tout entier? Le tort de ces religieux serait, non pas d'être trop Jésuites, mais de ne pas l'être assez?

A côté de ces défaillances-là, n'en signalerait-on pas d'autres dont l'origine purement extérieure, dont la cause, directe ou indirecte, n'est, ni l'ordre lui-même, ni l'individu, mais les circonstances? Défauts, je me hâte de l'ajouter, qui s'atténueront dans la mesure où l'individu progressera en sainteté, mais qui risqueront chez certains autres, de vertu moindre, ou de bon sens plus faible, de passer à l'état plus ou moins aigu.

:

Et par exemple, on leur reproche un certain particularisme ils se mêlent peu, ils se tiennent à l'écart et font bande à part. Mais on ne cesse de leur faire entendre qu'on se défie d'eux,

envahissant. S'ils font des avances

et

de leur esprit

esprit de domina

tion; s'ils n'en font pas : esprit d'orgueil. Ils ont de leur

ordre une opinion exagérée mais on ne cesse de s'occuper de lui; on lui fait l'honneur de le tenir pour redoutable, habile, influent; il mène tout, il fait tout, il est partout. Un livre est condamné à Rome? les Jésuites... Un professeur d'université est congédié pour enseignement suspect? les Jésuites... Un évêque reçoit un avertissement? les Jésuites... Dreyfus est condamné? les Jésuites... L'Eglise de France est persécutée? les Jésuites... Les congrégations sont supprimées? les Jésuites.....

Ils se croient nécessaires à l'Eglise, dit-on. Mais tous les écrivains hostiles à la papauté, affectent de ne voir qu'eux, et de les rendre, eux seuls, responsables des progrès de l'ultramontanisme depuis trois cents ans. S'ils ouvrent la correspondance de Voltaire, de d'Alembert et de Frédéric II, à toutes les pages ils liront ceci : « Le Jésuite détruit, ou aura vite raison du reste ». « Le Jésuitisme, écrivait Cuvillier Fleury, c'est tout ce dont on ne veut pas, tout ce qu'on hait : c'est ce qu'il y a de plus infâme et de plus vil, de plus fort et de plus saint, c'est l'Eglise tout entière (1). »

Les Jésuites, disent certains de leurs adversaires, sont, dans l'intérieur même de l'Eglise, l'élément obstinément rétrograde, tirant toujours dans le sens du passé, hostile à priori et par institution à tout progrès, à tout élargissement des horizons, traditionnel jusqu'à l'étroitesse, piétinant sur place, et anathématisant quiconque

(1) Cité par le P. de Ravignan, De l'Existence et de l'Institut des Jésuites, édit. 1857, p. 7.

veut aller de l'avant. Vrai ou faux, le reproche n'est pas pour donner grande vanité corporative: mais voici qui est étrange. « Toutes les fois je cite l'auteur d'une intéressante brochure sur les Universités allemandes, toutes les fois qu'un théologien glisse vers l'hérésie, une Jésuitophobie aigüe se déclare chez lui. La haine de la Compagnie de Jésus est un des prodomes les plus significatifs de toute éruption schismatique. Cela est si vrai que, dès qu'un professeur d'Université commence à << manger du Jésuite », il est prudent de contrôler son enseignement et d'examiner avec soin ses ouvrages. L'hérésie est proche. On peut être un excellent prêtre, parfaitement orthodoxe, et ne pas aimer la littérature, la théologie, l'exégèse ou la diplomatie des Jésuites. Mais quand cette réserve, ou même, si l'on veut, cette antipathie devient de la haine acrimonieuse, quand le S. J. agit sur un professeur comme le chiffon rouge sur le taureau, la défiance est parfaitement justifiée (1). » Le phénomène est curieux voilà trois cents ans qu'il dure. Depuis trois siècles les Jésuites vivent ainsi dans une atmosphère absolument spéciale. Si la situation a sa conséquence dans ce qu'il faut bien appeler la psychologie du Jésuite, je n'en serais pas autrement étonné. Ce qui m'étonne au contraire, après cela, c'est que, pris en corps, ou pris individuellement, les Jésuites n'aient pas plus de défauts réels qu'ils n'en ont.

(1) Kannengieser. Les origines du vieux catholicisme et les Universitės allemandes, in-12, Paris, p. 196.

III

Ce que je voudrais maintenant, dans ce travail, ce n'est pas précisément réfuter ce qui se colporte et se, colportera longtemps encore contre les Jésuites. A quoi bon? D'autres l'ont fait cent fois, et cela n'empêche pas la calomnie d'aller son train. De temps à autre une réfutation paraît, c'est assez pour empêcher la prescription, pas assez pour enrayer le préjugé. Je ne m'interdirai pas cependant au passage d'essayer un bout d'apologie. Souvent je me contenterai, en face d'affirmations devenues classiques, et qu'on répète de livre en livre sur la foi des maîtres, de poser des points d'interrogation. Est-on bien sûr, mais absolument sûr de ce qu'on affirme? je dis, sûr de cette certitude qui suffit pour écarter même l'idée d'un procès à réviser. Je m'estimerais assez payé de ma peine si je parvenais à éveiller certains doutes rien que cela, dans quelques esprits réfléchis. Or, pour arriver à ce résultat, il suffit presque d'analyser les procédés de l'antijésuitisme, d'en faire l'analyse psychologique, de voir comment s'est formé, comment s'entretient et se renouvelle le mythe Jésuitique. Au fond la réponse n'est pas à chercher bien loin. Don Bazile l'a donnée, il y a longtemps, dans son fameux couplet : « La calomnie, Monsieur? Vous ne savez guère ce que vous dédaignez : j'ai vu les plus honnêtes gens prêts d'en être accablés. Croyez qu'il n'y a pas de méchanceté, pas d'horreurs,

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