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SPECTACLES.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

ON a donné à ce Théâtre un Ballet-Pantomime analogue à la gaïté de la saison. Le sujet eft le Coq du Village: c'est le même que P'Opéra - Comique de M. Favart qui porte ce titre, & qui eft trop connu pour que nous en faffions l'analyfe. Nous dirons feulement que le Coq du Village, danfé, comme de raifon, par M. Veftris, eft poursuivi par toutes les femmes du pays, filles ou veuves; mais il n'aime que Thérèse (Mlle Guimard) qu'il obtient par une rufe du Bailli. Deux vieilles, représentées par deux hommes habillés en femmes, jettent beaucoup de gaîté dans cette pourfuite. Peut-être a-t'on eu raifon de trouver que cette gaîté étoit portée jufqu'à la caricature, lorfque ces deux femmes se battent à coups de poings & se roulent par terre. Il y a, même dans le comique le plus burlefque, une forte de bienféance, de délicateffe, je dirois prefque de dignité, dont il ne faut jamais s'écarter, fur-tout à ce Théâtre, & qui a pu être bleffée par cet excès. Mais c'eft une tache légère qu'on peut faire difparoître aifément; & ce fujet ainfi traité,

foutenu par une exécution auffi parfaite, de viendra extrêmement joli.

C'eft un très grand avantage pour la Pantomime d'avoir à peindre une action connue d'avance, on prévient ainsi l'obscurité, le plus grand inconvénient de cet Art, & l'on doit favoir beaucoup de gré à M. Gardel l'aîné, Auteur de ce Ballet, de rappeler ainfi à la vie ces petites Pièces, prefque oubliées à force d'avoir été connues, qu'on ne peut plus voir fous leur première forme, parce qu'on les fait par cœur, & qui, fous cette forme nouvelle, femblent avoir quelque chofe de plus vif & de plus piquant.

Nous avons été long-temps privés de cet avantage: les Comédiens Italiens, dans le dernier bail paffé avec l'Académie Royale de Mufique, avoient fait inférer cette claufe, que l'Opéra ne pourroit plus à l'avenir prendre les fujets ni les airs qui leur appartiennent, pour en former des Ballets d'action. Ils craignoient que ces fujets, employés à-lafois fur deux Théâtres, ne s'ufaffent trop vîte, & de perdre ainfi fucceffivement toutes leurs propriétés. Il eft probable que depuis ils ont changé d'avis, puifqu'ils n'y mettent plus d'oppofition. Sans doute qu'en y réfléchiffant mieux, ils auront vu qu'il en résulte un effet contraire; qu'après avoir vu un fujet traité en pantomime, on n'en eft que plus curieux de le revoir traité en dialogue & en chant. Ninette à la Cour, la Chercheufe d'Ef prit, Anette & Lubin, &c. ne font pas moins

de plaifir à leur Théâtre, depuis que l'Opéra s'eft emparé de ces fujets. Il en eft de même de la Tragédie. Si par un nouveau réglement il est défendu aux Auteurs de tranfporter les Pièces du Théâtre François fur celui de l'Opéra, c'eft plus pour l'avantage de ces mêmes Auteurs, pour leur éviter l'inconvénient de s'attacher à des fujets peu lyriques, pour les obliger à un plus grand effort de talent, que pour l'intérêt du Théâtre de la Nation, qui n'eit nullement compromis dans ce double emploi. Affurément les deux Iphigénies, ni Phè dre, ni Edipe chez Admète ne font pas moins applaudis, ne font pas privés d'un feul Spectateur depuis que ces fujets ont reaffi fur le Théâtre Lyrique. La forme muficale y fait une fi prodigieufe différence, qu'on croit entendre des Ouvrages entièrement nouveaux, quoiqu'ils foient compofés fouvent des mêmes Scènes, & quelquefois des mêmes vers.

Les Comédiens Italiens ne font donc aucune perte réelle en permettant à l'Opéra d'arranger fes fujets en pantomime, & le Public doit leur favoir beaucoup de gré d'une condefcendance fi favorable à fes plaifirs; mais s'ils confentent à fe relâcher fur une des claufes de leur bail, fans doute il feroit jufte que l'Académie, a fon tour, ne tînt pas rigoureufement à la claufe correfpondante. Lorfque le bail fut paffé entre l'Académie Royale de Mufique & les Comédiens Italiens, il fut impofé à ces derniers de ne plus à l'avenir représenter aucun Cuvrage revêtu de mu

fique étrangère, comme la Servante Mattreffe, Ninette à la Cour, la Colonie, la Bonne-Fille, &c. Ce fut &c. Ce fut pour correfpondre à cette claufe que les Comédiens exigèrent que leurs Pièces ne feroient plus mifes en Ballets. Qui a été dupe de ces conventions mutuelles? Le Public; car les Comédiens font affez riches en excellens Ouvrages pour se paffer de Pièces parodiées, & l'Opéra n'a pas befoin de leur emprunter des fujets pour avoir des Ballets d'action. Mais de combien d'excellentes productions étrangères on auroit pu faire jouir le Public? Combien de chef-d'œuvres de mufique pouvoient être heureufement tranf portés fur nos Théâtres? Combien de modèles pour nos jeunes Écrivains, qui auroient échauffé leur génie, excité leur émulation? On a couru en foule à Fontainebleau, à Verfailles, pour entendre la délicieufe mufique du Roi Théodore, & la Capitale n'en peut jouir! On en permettra l'exécution à de mauvais Batteleurs à vingt pas au-delà des barrières; mais les productions divines des Paëfiello, des Sarti, des Anfolli, des Cimarofa feront arrêtées aux murs de Paris comme de la contrebande!

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Lorfque l'Académie Royale de Mufique impola cette privation rigoureufe aux Comédiens Italiens, elle avoit un prétexte; c'étoit d'employer elle même cette mufique, & de rendre au Public fur fon Théâtre ce qu'elle lui ôtoit au Théâtre Italien. Mais l'a-t'elle fait ? mais peut-elle le faire? Le genre abfolument bouf

fon (& c'est celui des Opéras Italiens) ne convient point à notre Opéra François. La mufique de ces Ouvrages eft écrite pour une falle moins vafte. Nos Acteurs ne font point accoutumés au grotesque, à la caricature: elle trancheroit avec le genre qu'ils ont adǝpté. Les Opéras Italiens font trop longs pour ce Théâtre; il faudroit non-feulement perdre la moitié des morceaux de chaque Ouvrage, mais retrancher la moitié de ceux qu'on conferveroit; & que devient la mufique ainfi morcellée ? Les Opéras Italiens n'ont point de Ballets; il faudroit en faire: il faudroit y faire de nouveaux récitatifs. On feroit obligé de fimplifier prodigieufement leur intrigue trop compliquée, & la plupart des fituations perdroient ainfi leur effet. A ces inconvéniens ajoutez en une foule d'aurres. L'Opéra ne les ignore pas: il a fait un feul effai de ce genre, qui n'a point réuflì* par toutes ces caufes réunies; & l'Administration

* Les effais plus heureux que l'on a faits avec de la mufique nationale, ne prouvent ne contre ce qu'on avance ici. Colinette à la Cour, la Caravane, même Panurge, font des Opéras gracieux & gais, fans être abfolument bouffons. Ils font mis en mufique par un homme d'infiniment d'efprit, qui connoît parfaitement la Scène en général, & en particulier le Théâtre pour lequel il écrit. Il y a proportionné fa mufique; il a donné aux morceaux la longucur qui lear convenoit, la variété, la position néceffaire; il y a fait des Bailets charmans: tout cela De fe trouveroit pas dans des Opéras bouffons Italiens.

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