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A lui ensuite de régler les rangs! S'il est équitable en même temps que vrai génie, s'il est généreux, il dira à qui il doit le plus, et ce qui lui en semble parmi ceux qui lui auront frayé la route, qui lui auront préparé la langue poétique continue; et sa parole fera foi.

Nous voilà bien loin de notre point de départ et des Glanures qui nous ont mis en train. Si ce volume avait paru il y a dix ans, il n'y aurait pas de doute sur le rang qui lui devrait être assigné. Aujourd'hui, bien que venu tard et dans une littérature encombrée de pastiches et de contrefaçons spécieuses, il s'en distingue d'abord et se rattache à la franche veine d'inspirations; sa vraie date reparaît. Suivant une expression de mademoiselle Bertin, elle aussi, elle est arrivée à la onzième heure de poésie; j'espère que de même elle aura sa part (et elle la mérite) à côté de plus d'un qui a devancé.

15 janvier 1842.

M. NISARD.

1836.

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La critique est de plus en plus difficile et presque nulle c'est ce que disent bien des personnes, et celle particulièrement dont nous avons à nous occuper. La principale cause de cette décadence me paraît être que la critique ne s'adresse pas à un public qui ait déjà plus ou moins son avis, qui fasse réellement attention et accorde intérêt au détail du jugement, et qui le contrôle rien de cela. Le nombre des hommes qui se croient centre, et qui se portent pour chefs d'un mouvement, augmente chaque jour. Autour de chacun se meut une petite sphère, un tourbillon. Ceux qui nous servent dans nos prétentions et qui rentrent dans nos systèmes sont tout; ceux qui les contrarient ne sont que peu ou rien, ou moins que rien, selon le plus ou moins de superbe du prétendant. Quant aux indifférents, aux neutres, peu importe! Qu'on les loue, qu'on les préconise, pourvu qu'on n'empiète pas trop sur notre empire et qu'on ne fasse pas trop écho dans notre • bruit. Voilà la république des lettres telle qu'elle est. Ce public, à la fois désintéressé et portant intérêt, co

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public d'audience qui écoutait, discutait et contrôlait, qui savait d'avance toutes les pièces du moindre procès, où est-il? Il est comme les justes dans Israël, çà et là. De la sorte, la critique, se sentant comme en pure perte, sans appui au dehors et sans limite, s'est évanouie. On sert ses amis, ses admirations littéraires, à l'occasion, par une pointe, comme en tactique bien entendue. Mais les tempéraments, les nuances, la discrétion et la restriction dans les louanges ont disparu. Tout ou rien. Et devant un homme qu'on estime, à qui on trouve du mérite, un fonds solide et spirituel, de l'avenir, mais des défauts, mais des idées qui font lieu-commun parfois, mais un ton qui vous a choqué souvent, s'il le faut juger, on ne sait d'abord comment dire, comment lui concéder sa part sans adhérer, fixer ses propres restrictions sans lui faire injure.

C'est un peu notre position à l'égard de M. Nisard, l'un de nos amis, et, s'il nous permet de le dire, notre rival en plus d'une rencontre, qui nous a témoigné souvent dans ses écrits une faveur de louange (ou de clémence après l'attaque) que nous ne lui avons pas assez rendue, que nous craignons de ne pas assez lui rendre aujourd'hui encore. Mais lui, critique de conscience, voudra bien prendre comme un honimage même plusieurs de nos réserves indispensables et de nos explications adverses. Que s'il nous trouve un peu osé de venir rattacher si familièrement ses vues à sa personne et à ses motifs, il se rappellera que nous sommes plutôt pour la littérature réelle et particulière que pour la littérature monumentale. Nous ne pou

vons nous séparer de notre manière, de nos armes, pour ainsi dire. La critique d'un écrivain sous notre plume court toujours risque de devenir une légère dissection anatomique, et, à l'égard des vivants de notre connaissance, quand ce n'est pas avec un extrême plaisir que nous abordons le portrait, c'est certainement à regret que nous nous y mettons.

M. Nisard a inséré dans le Dictionnaire de la Conversation, et a fait tirer à part un Précis sur l'Histoire de la Littérature française, qui forme un petit ouvrage. Notre littérature des trois derniers siècles y est tout entière traitée, plusieurs même des grands noms assez en détail. Le point de vue essentiel se rattache à la position que l'auteur a prise depuis plusieurs années, et à un rôle littéraire qui doit avoir de l'avenir en lui, nous le croyons.

M. Nisard, ancien élève et très-fort élève de la Sainte-Barbe-Nicole, et rédacteur encore secondaire aux Débats, se montrait fort attentif, vers 1829, au mouvement littéraire et poétique qui s'émancipait de plus belle alors. Beaucoup de ses opinions d'aujourd'hui ont leur origine et leur racine en ce temps : seulement il s'est attaché à contredire depuis et à combattre sous toutes les formes ce qu'il avait à son début trop entendu affirmer. Il n'était pas de ces talents qui doivent réussir, dans leur première poussée, par des essais de création et d'art il n'a rien fait en art (que je connaisse), hormis plus tard une toute petite nouvelle (la Laitière d'Auteuil), qu'il a donnée comme échantillon d'histoire simple, et qui est la faiblesse

même (1). Mais il arriva assez vite par la réflexion à la seconde phase de l'esprit, à la critique, son vrai talent. Quelle place était alors à prendre dans la critique? La révolution de Juillet, en rompant brusquement le concert poétique, montrait bien ce qu'il ne fallait plus faire, mais non pas ce qu'il fallait. Evidemment, il n'y avait pas à songer, après 1830, à devenir ou à continuer d'être le critique du romantisme poétique. M. Nisard tâtonna quelque temps. Il s'approcha des hommes politiques, de M. Bignon, je crois, dont la phrase d'ailleurs, pléine et nombreuse et vraiment académique, semblait de si bon style à feu Louis XVIII. L'esprit de M. Saint-Marc Girardin et son style beaucoup plus leste préoccupaient aussi vivement M. Nisard (2); il s'en sentait tour à tour attiré ou repoussé, selon qu'il voyait son collaborateur des Débats, tantôt comme maître en talent, tantôt comme rival. Mais bientôt l'esprit de Carrel le tenta. Et ce n'était pas l'esprit politique, la passion agressive de Carrel qui l'attirait, c'était l'excellence de l'écrivain, le bon sens qui persistait si juste et si sain au fond de l'humeur belliqueuse et à travers cette noble bile (splendida,

(1) On raconte que tout alla très-bien pour l'abbé d'Aubignac, ce grand critique constituant, ce législateur prépondérant du théâtre, jusqu'à ce qu'il eût composé sa Zénobie en prose sur les règles qu'il avait prescrites aux auteurs. Mais cette Zénobie donna sa mesure comme poëte, et ce fut un échec au critique.

(2) Un poëte de Lausanne, énumérant nos auteurs, s'est échappé . à dire dans une Épître familière :

Monsieur Saint-Marc au style dégagé,
Monsieur Nisard au style rengorgé.

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