صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

UNE HISTOIRE VRAIE,

Marguerite continua ainsi :

. La maison où j'allais travailler était fré

d'Édouard, me faisait remarquer ses qualités, me disait qu'il m'aimait, et que je devais m'abandonner à son amour. Je fus vaincue, j'écoutai ces perfides conseils; je permis à Édouard de me dire lui-même ce qu'Eugénie

quen'ée par des jeunes gens riches et désœu-me répétait chaque jour. De ce moment je fus

perdue. Édouard obtint bientôt tout ce qu'il désirait; au bout de trois semaines je quittai la maison de mon père, emportée par la folie d'un amour qui m'a d'abord conduite au déshonneur, et qui m'a enfin réduite à l'état où

vous me voyez.

vrés que la maîtresse du lieu avait intérêt à ne pas éloigner. Ancun de ces messieurs, je dois vous l'avouer, n'avait frappé mon imagi nation ni séduit mon cœur. Cependant je ne tardai pas à sentir comme un vague mouve ment d'inquiétude et de malaise. Je ne savais à quoi attribuer ce remuement insolite qui Édouard m'avait choisi un appartement s'opérait dans tout mon être; je tremblai somptueux et m'environnait de toutes les dissans motif, je rougissais à tout propo- ; en vain tractions qui pouvaient me faire oublier ma j'essayais de me livrer tout entière au travail, faute et la douleur de mes parents. Son amour l'aiguille tombait de mes doigts, et je me pre-remplissait mon cœur et absorbait toutes mes nais à rêver des heures entières. pensées. Eugénie, qui avait été la cause seUn jour, j'avais vu entrer dans notre maga- conde de ma fuite, venait sans cesse me visisin ́un jeune homme aux manières timides, àter, et nous passions ensemble les heures conla voix douce, au maintien poli et réservé. A sacrées autrefois au travail. peine eut-il passé quelques instants près de la maîtresse de la maison, qui le connaissait depuis longtemps, que je l'aimai, mais d'un amour immense, insensé, avant qu'il eût pensé peut-être à me regarder. La fatalité voulut qu'il m'aima de son côté, ou du moins qu'il me le fit croire. Dès lors, je perdis toute es pèce de tranquillité; la maison de mon père m'était devenue en horreur; le travail même n'était plus une distraction à mes douleurs. Au lieu de confier mes chagrins à ma mère, qui ne savait à quoi attribuer la tristesse qui m'accablait, j'eus l'affreuse ¡ensée d'ouvrir Un jour, ils n'avaient lai-sée seule. Je common cœur à l'une des jeunes filles qui travail-mençais à être fatiguée de cette vie paresseuse laient avec moi. Elle écouta ma confidence avec les dehors de l'amitié la plus sincère m'embrassa avec un attendrissement qui m'émut profondément. Bientôt nous fùmes liées de la manière la plus intime.

Eugénie, c'était le nom de celle que j'avais choisie pour amie, atti ait sans cesse le feu qi me consumait: sans cesse elle me parlait

De son côté, Édouard me quittait à peine, et mes jours s'écoulaient ainsi dans l'oisiveté, au milieu d'une paix simulée qui fut bientôt détruite. En faisant d'Eugénie mon amie intime et la seule confidente de toutes mes peines, j'ignorais quelle était sa conduite privée et les relations qu'elle avait au dehors.

Je n'appris que trop tôt qu'Eugénie était une de ces femmes perdues qui, sous des dehors honnêtes, ont le talent de pénétrer partout et de s'établir des relations dont elles n'aient pas toujours à rougir.

qui creuse l'âme et dessèche le cœur. Pour la première fois, je pensais à ma mère, désolée et malade sans doute. Une affreuse tristesse s'était emparée de moi. Tout à coup une voiture s'arrête sous mes fenêtres, on sonne à ma porte : c'était de la part d'Eugénie qui me faisait instamment prie de descendre. Je d'scendis. Une femme élégamment vêtue me dit

moi ce qui vous est arrivé, ça soulage le cœur et ça aide à supporter les peines.

Aussitôt je lui appris ce qui s'était passé; je le fis sans honte, car je n'avais rien à me reprocher.

de monter dans la voiture: il s'agissait de ren-bien triste et vous voilà tout abattue: racontez dre un service éminent à mon amie. J'obéis, poussée par je ne sais quelle fatalité. La voiture roula. Bientôt, nous fùmes arrivées. Je suivis machinalement l'inconnue; nous montâmes un escalier assez élégant, une porte se referma sur moi. On me fit entrer dans une espèce de salon; la femme me quitta, m'annonçant qu'elle allait bientôt revenir. Je restai seule, commençant à m'inquiéter de non imprudence. Au bout de quelques instants, la femme rentra; elle me dit :

-Avez-vous de l'argent ?
-Que signifie cette question?
-Vous le saurez bientôt.

en

Quelques minutes après, deux agents de l'autorité entrèrent et me signifièrent de les

suivre.

La femme pensa quelques instants et me dit:

-Oui, ça pourrait bien être ça; ça s'est déjà vu, oui, oui.

-Quoi? lui disais-je.

-Voici ce que c'est...,

Et elle me fit un récit horrible des ordonnances de police qui régissent les maisons de prostitution et les infamies qui se commettent dans ces maisons, et dont bien certainement j'étais victime.

J'abrège, monsieur, tous les détails de ce

-Où voulez-vous me conduire? m'écriai-je que j'eus à souffrir pendant les heures de ma avec effroi.

captivité. J'écrivis à Édouard. Il accourut;

-En prison, la belle, me dit l'officier de mais il lui fut impossible d'obtenir qu'on police.

Malgré mes cris, mes protestations, mes sanglots, on me jeta dans un fiacre; une heure après, les lourds guichets de la préfecture de police se refermaient derrière moi.

Est-il besoin de vous peindre ma terreur et mon désespoir, quand je fus enfermée dans cette prison, au milieu de femmes perdues et de voleuses! Je ne voyais rien, je ne compre nais rien. Ce ne fut qu'au bout d'un certain temps que je cherchai à me rendre compte de l'événement qui m'avait conduite là.

avançat l'instant de ma comparution devant le magistrat. Je lui avais défendu d'instruire ma famille : assez d'ignominie me couvrait déjà. Et puis comment over paraitre devant mon père dans ce lieu d'infamie? J'aurais préféré ne jamais recouvrer ma liberté.

Enfin, je fus appelée. On me demanda mon nom, je ne répondis pas, mais on savait tout. Édouard, dans l'espérance de me faire sortir, avait tout révélé, et l'on m'annonça que mon père était instruit et qu'il allait venir.

-Grâce, monsieur! m'écriai je, grâce! qu'il ne me voie pas. Retenez-moi aussi longtemps que vous voudrez, toujours, mais que mon père ne me voie pas, qu'il ignore où je

Bientôt je fus tirée de mes tristes réflexions par une ignoble scène dont j'étais la victime, et dont je ne fus délivrée que par la présence a'une de ces misérables créatures qui parais-suis! sait avoir quelque autorité sur les autres, et qui me prit sous sa protection.

-Cela est impossible; nous n'avons pas le droit de vous retenir, mais il nous est prescrit

-Voyez-vous, me dit elle, ce sont vos vê-de ne vous rendre à la liberté que sur les rétements qui vous ont valu cette scène; ici on clamations de vos parents. Quand ils seront n'est point accoutumé à voir d'élégantes toi- venus, vous serez appelée ; allez. lettes. Voons, ajouta-t-elle, vous avez l'air

Je me retirai la mort dans le cœur et prête

å me tner je n'eus pas ce courage. Deux heures après, on me fit venir; mon père était là. Je n'eus pas la force de marcher, je ne voyais, je n'entendais rien. Arrivée dans la salle où j'étais attendue, j'aperçus à travers le voile de ma douleur et de ma honte comme l'image de mon père, mais en réalité ce n'é- | tait plus lui. Ma longue absence et ce dernier coup de foudre avaient tellement altéré ses traits, que moi, sa fille, je ne le reconnaissais plus.

montrer et me faire connaître. Que de fois pourtant j'eus la pensée d'aller me jeter à ses pieds, et de retrouver dans ses embrassements maternels la paix et le bonheur! Oh! j'en suis convaincue, elle m'aurait pardonnée, elle m'aurait serrée dans ses bras. Quelle mère a jamais maudit sa fille ! quelle mère n'a jamais pardonné ! Mais le souvenir de mon père m'empêchait de l'oser. Je le voyais toujours pâle, défait, l'œil égaré, me criant : « Non, ce n'est pas ma fille, c'est l'enfant du vice. Je ne

-Est-ce bien là votre fille? lui demanda. la connais pas. » Oh! sans doute, il m'eût

t-on.

-J'en avais une, monsieur, mais elle est morte; celle-ci, je ne la connais pas, c'est la fille du vice et de la prostitution; ce n'est pas la mienne.

Le magistrat s'approcha de lui et lui parla bas; puis, sur un signe, on me fit sortir; je parcourus, sans les voir, de longs corridors, de vastes cours, puis on me dit : Vous êtes libre. Je me trouvai dans la rue. Édouard m'attendait. Il me fit monter en voiture. J'arrivai chez lui. Je ne sais ce qui se passa. Je fus malade pendant plusieurs jours. Quand je revins à la connaissance, je ne vis plus Édouard. On me remit une lettre de lui. Je l'ouvris sans émotion, car mon amour s'était éteint devant la malédiction de mon père. Il m'apprenait son départ en prétextant je ne sais plus quel motif. Il me laissait de l'argent et son adresse; je lui renvoyai son argent et le remerciai intérieurement de son départ; puis je quittai l'appartement que j'avais occnpé avec lui, et j'allai me réfugier dans une maison obscure et voisine de celle de mon père.

A partir de ce moment, je me trouvai tonjours seule, abandonnée à moi-même, n'ayant d'autres ressources que le produit du travail de mes mains. De ma fenêtre j'apercevais la chambre de ma mère, et je cherchais à pénétrer du regard près d'elle, n'osant pas me

chassée; ma présence peut-être l'aurait rendu plus malheureux encore. Je continuai donc à vivre ainsi délaissée et ne voyant personne.

Un jour je fus appelée devant le commissaire de police de notre quartier. La peur me saisit; qu'était-il donc arrivé encore ? mon Dieu, pensai-je, ne m'ont-ils pas fait tout le mal possible ? Je m'y présentai tremblante. -Êtes-vous bien Marguerite?

-Oui, monsieur.

-Quels sont vos moyens d'existence?
—Je travaille, et je gagne assez pour souf.

frir.

-Pouvez-vous aider vos parents?

-Je ne vous comprends pas, monsieur; autrefois j'étais chez mon père et je vivais avec mes parents. Depuis dix-huit mois je les ai quittés.

-C'est bien cela, reprit-il. Eh bien ! je vais vous dire ce qui s'est passé depuis le lendemain de votre fuite. Votre père s'adressa à moi pour vous faire chercher. Je sus bientôt que vous viviez avec un nommé Édouard B... Quand votre père apprit votre conduite, il ne voulut plus vous recevoir. On vous laissa donc libre. Dès-lors, il parut un grand dérangement dans son ménage : il dissipait son argent et le jetait à tort et à travers. Un jour on me rapporta un sac contenant plusieurs centaines de francs, qu'il avait laissé dans une voiture publique. Il ne voulut pas le repren

A midi, je fus introduite. On me conduisit

beau me jeter à son cou, la couvrir de mes larmes, elle restait insensible et souriante. La source de ses pleurs était tarie. Tout était fini. Oh! a'ors je souhaitai de perdre la raison, de devenir comme ma mère; mais Dieu

dre. Quand vous fùtes arrêtée, je fus obligé de le faire conduire de force à la prison. Levers ma mère. Elle ne me reconnut pas. J'eus même jour il devint complètement fou. Votre mère ne put supporter ce dernier coup, elle devint folle aussi. Aujourd'hui, appelé par la rumeur publique dans leur domicile, je les ai trouvés dans la plus hideuse misère. Il ne restait plus qu'une paillasse de tout leur mobi-ne me fit pas même cette grâce. Quand l'heulier. Je les ai fait conduire à l'hospice, et re de la quitter fat venue, et qu'elle vit qu'on comme vous êtes la cause de leur folie, je vous allait me faire sortir, elle me dit : De l'argent ai fait appeler pour vous demander si vous et des gâteaux. Je lui dʊnnai tout ce que je pouviez ajouter quelques secours à ceux de la possédais. Elle prit l'argent, le jeta aux autres charité publique. Puisque vous ne possédez folles. Je lui fis remettre des gâteaux, elle les rien, vous pouvez vous retirer. mangea avec une avidité et un plaisir surprenants. Je revins tous les jours et je lui apportai ces gâteaux qu'elle aimait tant. Cependant ma santé s'altérait de jour en jour ; je travaillais la nuit pour gagner quelque argent; je mangeais à peine : ne devais-je pas tout sacri · fier pour procurer à ma mère la seule chose qu'elle désirât. Un jour on me remit une lettre: cette lettre m'annonçait la mort de mon père, que je ne pus jamais obtenir de visiter, à cause du caractère de sa folie. Je remerciai Dieu d'avoir enfin mis un terme à ses maux. Je continuai à travailler; chaque jour je mais l'isentais que mes forces s'en allaient, dée d'apporter quelque soulagement à ma mère me donnait du courage; je faisais tous les jours le chemin de la Sal êtrière. Au bout de quelques semaines, cela me devint impossible. Je vins demeurer p'us près de l'hospice, mais alors l'ouvrage me manqua. Je vendis mes effets, je réduisis ma nourriture encore davantage.... mais ma mère avait toujours ses gâteaux,

Je sortis, bien déterminée à ne pas rentrer chez moi, et résolue à mourir. Il ne me restait plus rien qui pût me retenir ici-bas; je ne vivais que dans l'espérance de racheter mes fautes et d'obtenir le pardon de mon père............ Tout était fini. J'errai le reste du jour, attendait la nuit pour me noyer. Je remontai longtemps le cours de la Seine, j'arrivai vers un pont solitaire et je regardai l'eau. Ma tombe était donc là, sous mes pieds. Je montai sur le pont; je lève les yeux une dernière fois.... mais j'aperçois à l'horizon une lumière vacillante, dansant au sommet d'un grand monument noir. C'était la lumière de la Salpêtrière. Là, était une mère, folle et misérable. Cette petite flamme, qui m'apparaissait ainsi au moment de mourir, c'était peut-être l'âme de ma mère qui m'appelait auprès d'elle. Oh ! je ne veux plus mourir ! m'écriai-je, je veux vous revoir, vous embrasser, mère! Je descendis effrayée, je revins dans ma pauvre chambre, que j'avais résolu de ne plus revoir, et j'y restai jusqu'au jour.

Le lendemain j'étais à la porte de la Salpê. trière, demandant à voir ma mère. Les règle ments de la maison s'y opposaient; il fallait a'tendre que l'heu fût venue. Je m'as-is au seuil de la porte; j'attendis.

Un jour, je me présentai à l'hospice, on me ferma la porte en me disant : Votre mère est morte.

[ocr errors]
[ocr errors]

Ici finit le récit du docteur.

(Feuilleton mensuel.)

IMPRIMERIE DE A. APPERT, PASSAGE DU Caire, 54.

monthly from that date. "THE MUSEUM," was joined to this Magazine in the year
1832, and "THE COURT MAGAZINE, and MontHLY CRITIC," and "THE LA BELLE
ASSEMBLEE," were incorporated with this the LADY'S MAGAZINE in January, 1838.]

INDEX

ΤΟ

THE COURT, LADY'S MAGAZINE,

MONTHLY CRITIC AND MUSEUM.

United Series, Vol. VII., 1841.

Improved Series, Enlarged, and Ancient Portrait Series,
Vol. XVIII., 1841; and, from the commencement,
Vol. CLXXII., ending with No. MXXXII.

· FOR THE HALF-YEAR ENDING JUNE, 1811.

LONDON:

PRINTED BY WILLIAM WOODBURY, 5, RATHBONE-PLACE, OXFORD-street.

1841.

« السابقةمتابعة »