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ment comme malgré nous par notre maniere ordinaire de concevoir. Tout nous porte à regarder l'efpace comme le lieu des corps, finon réel, au moins fuppofé; c'eft en effet par le fecours des parties de cet efpace confidérées comme pénétrables & immobiles, que nous parvenons à nous former l'idée la plus nette que nous puiffions avoir du mouvement. Nous fommes donc comme naturellement contraints à diftinguer, au moins par l'efprit, deux fortes d'étendue, dont l'une eft impénétrable & l'autre conftitue le lieu des corps. Ainfi quoique l'impénétrabilité entre néceffairement dans l'idée que nous nous formons des portions de la matiere, cependant comme c'eft une propriété relative, c'est-à-dire, dont nous n'avons l'idée qu'en examinant deux corps enfemble, nous nous accoûtumons bientôt à la regarder comme diftinguée de l'étendue, & à confidérer celle-ci féparément de l'autre.

Par cette nouvelle confidération nous ne voyons plus les corps que comme des parties figurées & étendues de l'efpace; point de vûe le plus général & le plus abftrait fous lequel nous puif

fions les envisager. Car l'étendue où nous ne diftinguerions point de parties figurées, ne feroit qu'un tableau lointain & obfcur, où tout nous échapperoit, parce qu'il nous feroit impoffible d'y rien difcerner. La couleur & la figure, propriétés toûjours attachées aux corps, quoique variables pour chacun d'eux, nous fervent en quelque forte à les détacher du fond de l'efpa

ce;

l'une de ces deux propriétés eft même fuffifante à cet égard auffi pour confidérer les corps fous la forme la plus intellectuelle, nous préférons la figure à la couleur, foit parce que la figure nous eft plus familiere étant à la fois connue par la vûe & par le toucher, foit parce qu'il eft plus facile de confidérer dans un corps la figure fans la couleur, que la couleur fans la figure; foit enfin parce que la figure fert à fixer plus aifément, & d'une maniere moins vague, les parties de l'efpace.

Nous voilà donc conduits à déterminer les propriétés de l'étendue fimplement en tant que figurée. C'est l'objet de la Géométrie, qui pour y parvenir plus facilement, confidere d'abord l'étendue limitée par une feule dimenfion,

enfuite par deux, & enfin fous les trois dimenfions qui conftituent l'effence du corps intelligible, c'eft-à-dire, d'une portion de l'efpace terminée en tout fens par des bornes intellectuelles.

Ainfi, par des opérations & des abftractions fucceffivès de notre esprit nous dépouillons la matiere de prefque toutes les propriétés fenfibles, pour n'envisager en quelque maniere que fon phantôme ; & l'on doit fentir d'abord que les découvertes auxquelles cette recherche nous conduit, ne pourront manquer d'être fort utiles toutes les fois qu'il ne fera point néceffaire d'avoir égard à l'impénétrabilité des corps; par exemple, lorfqu'il fera queftion d'étudier leur mouvement, en les confidérant comme des parties de l'efpace, figurées, mobiles, & diftantes les unes des autres.

L'examen que nous faifons de l'étendue figurée nous préfentant un grand nombre de combinaisons à faire, il est néceffaire d'inventer quelque moyen qui nous rende ces combinaisons plus faciles; & comme elles confiftent principalement dans le calcul & le rapport des différentes parties dont nous imagi

nons que les corps géométriques font formés, cette recherche nous conduit bientôt à l'Arithmétique ou Science des nombres. Elle n'eft autre chofe que l'art de trouver d'une maniere abregée l'expreffion d'un rapport unique qui réfulte de la comparaifon de plufieurs autres. Les différentes manieres de comparer ces rapports donnent les différentes regles de l'Arithmétique.

De plus, il eft bien difficile qu'en réfléchiffant fur ces regles, nous n'appercevions certains principes ou propriétés générales des rapports,par le moyen defquelles nous pouvons, en exprimant ces rapports d'une maniere univerfelle, découvrir les différentes combinaifons qu'on en peut faire. Les résultats de ces combinaisons, réduits fous une forme générale, ne feront en effet que des calculs arithmétiques indiqués, & représentés par l'expreffion la plus fimple & la plus courte que puiffe fouffrir leur état de généralité. La fcience ou l'art de défigner ainfi les rapports eft ce qu'on nomme Algebre. Ainfi quoiqu'il n'y ait proprement de calcul poffible que par les nombres, ni de grandeur mefurable que l'étendue (car fans l'ef

pace

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pace nous ne pourrions mefurer exactement le tems) nous parvenons en généralifant toûjours nos idées, à cette partie principale des Mathématiques, & de toutes les Sciences naturelles qu'on appelle Science des grandeurs en général; elle eft le fondement dé toutes les découvertes qu'on peut faire fur la quantité, c'eft-à-dire, fur tout ce qui eft fufceptible d'augmentation ou de diminution.

Cette Science eft le terme le plus éloigné où la contemplation des propriétés de la matiere puiffe nous conduire, & nous ne pourrions aller plus loin fans fortir tout-à-fait de l'univers matériel. Mais telle eft la marche de l'efprit dans fes recherches, qu'après avoir généralisé fes perceptions juf qu'au point de ne pouvoir plus les décompofer davantage, il revient enfuite fur fes pas, recompofe de nouveau ces perceptions mêmes, & en forme peu à peu & par gradation, les êtres réels qui font l'objet immédiat & direct de nos fenfations. Ces êtres, immédiatement relatifs à nos besoins font auffi ceux qu'il nous importe le plus d'étudier; les abstractions mathéTome I.

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