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existence fix cens ans avant que Chriftophe Colomb les découvrit. C'est ainfi que l'abus de l'autorité spirituelle réunie à la temporelle forçoit la raison au filence; & peu s'en fallut qu'on ne défendît au genre humain de penser.

Pendant que des adversaires peu inftruits ou mal-intentionnés faifoient ouvertement la guerre à la Philofophie, elle fe réfugioit, pour ainsi dire, dans les Ouvrages de quelques grands hommes, qui fans avoir l'ambition dangereuse d'arracher le bandeau des yeux de leurs contemporains, préparoient de loin dans l'ombre & le filence la lumiere dont le monde devoit être éclairé peu-à-peu & par degrés infenfibles.

A la tête de ces illuftres personnages doit être placé l'immortel Chancelier d'Angleterre, FRANÇOIS BACON, dont les Ouvrages si justement estimés, & plus eftimés pourtant qu'ils ne font connus, méritent encore plus notre lecture que nos éloges. A considérer les vûes saines & étendues de ce grand homme, la multitude d'objets fur lefquels fon esprit s'est porté, la hardieffe de fon style qui réunit par-tout les plus fublimes images avec la précision la plus rigoureuse, on feroit tenté de le regarder comme le plus grand, le plus universel, & le plus éloquent des Philofophes. Bacon, né dans le sein de la nuit la plus profonde, fentit que la Philofophie n'étoit pas encore, quoique bien des gens fans doute se flatassent d'y exceller; car plus un fiecle est groffier, plus il fe croit instruit de tout ce qu'il peut favoir. Il commença donc par envisager d'une vûe générale les divers objets de toutes les Sciences naturelles; il partagea ces Sciences en différentes branches, dont il fit l'énumération la plus exacte qu'il lui fût possible: il examina ce que l'on favoit déjà fur chacun de ces objets, & fit le catalogue immense de ce qui restoit à découvrir: c'est le but de son admirable Ouvrage de la dignité & de l'accroiffement des connoissances humaines. Dans fon Nouvel organe des Sciences, il perfectionne les vûes qu'il avoit données dans le premier Ouvrage; il les porte plus loin, & fait connoître la nécessité de la Physique expérimentale, à laquelle on ne pensoit point encore. Ennemi des fyftèmes, il n'envisage la Philofophie que comme cette partie de nos connoiffan

قد

ces, qui doit contribuer à nous rendre meilleurs ou plus heureux: il semble la borner à la Science des chofes utiles, & recommande par-tout l'étude de la Nature. Ses autres écrits sont formés fur le même plan; tout, jusqu'à leurs titres, y annonce l'homme de génie, l'esprit qui voit en grand. Il y recueille des faits, il y compare des expériences, il en indique un grand nombre à faire; il invite les Savans à étudier & à perfectionner les Arts, qu'il regarde comme la partie la plus relevée & la plus effentielle de la Science humaine: il expose avec une fimplicité noble ses conjectures & fes pensées fur les différens objets dignes d'intéréffer les hommes; & il eût pû dire, comme ce vieillard de Térence, que rien de ce qui touche l'humanité ne lui étoit étranger. Science de la Nature, Morale, Politique, Economique, tout semble avoir été du ressfort de cet efprit lumineux & profond; & l'on ne fait ce qu'on doit le plus admirer, ou des richesses qu'il répand fur tous les sujets qu'il traite, ou de la dignité avec laquelle il en parle. Ses Ecrits ne peuvent être mieux comparés qu'à ceux d'Hippocrate fur la Medecine; & ils

ne seroient ni moins admirés, ni moins lûs, si la culture de l'esprit étoit auffi chere au genre humain que la confervation de la santé. Mais il n'y a que les Chefs de fecte en tout genre dont les Ouvrages puissent avoir un certain éclat; Bacon n'a pas été du nombre, & la forme de fa Philofophie s'y oppofoit. Elle étoit trop fage pour étonner personne; la Scholaftique qui dominoit de fon tems, ne pouvoit être renversée que par des opinions hardies & nouvelles; & il n'y a pas d'apparence qu'un Philofophe, qui se contente de dire aux hommes, voilà le peu que vous avez appris, voici ce qui vous reste à chercher, foit destiné à faire beaucoup de bruit parmi ses contemporains. Nous oferions même faire quelque reproche au Chancelier Bacon d'avoir été peut-être trop timide, fi nous ne favions avec quelle retenue, & pour ainsi dire, avec quelle fuperftition, on doit juger un génie fi fublime. Quoiqu'il avoie que les Scholaftiques ont énervé les Sciences par leurs questions minutieuses, & que l'esprit doit facrifier l'étude des êtres généraux à celle des objets particuliers, il semble pourtant par l'emploi fréquent qu'il fait des termes de l'Ecole, quelquefois même par celui des principes scholaftiques, & par des divifions & fubdivisions dont l'usage étoit alors fort à la mode, avoir marqué un peu trop de ménagement ou de déférence pour le goût dominant de fon fiecle. Ce grand homme, après avoir brisé tant de fers, étoit encore retenu par quelques chaînes qu'il ne pouvoit ou n'osoit rompre.

Nous déclarons ici que nous devons principalement au Chancelier Bacon l'Arbre encyclopédique dont nous avons déjà parlé fort au long, & que l'on trouvera à la fin de ce difcours. Nous en avions fait l'aveu en plusieurs endroits du Profpectus; nous y revenons encore, & nous ne manquerons aucune occafion de le répéter. Cependant nous n'avons pas crû devoir fuivre de point en point le grand homme que nous reconnoiffons ici pour notre maître. Si nous n'avons pas placé, comme lui, la raison après l'imagination, c'est que nous avons suivi dans le Système encyclopédique l'ordre métaphysique des opérations de l'Esprit,

plûtôt que l'ordre historique de ses progrès

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