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être un plus grand intervalle entre l'AL gebre pure & l'idée de l'appliquer à la Géométrie, qu'entre le petit triangle de BARROW & le calcul différentiel.

Tels font les principaux génies que l'efprit humain doit regarder comme fes maîtres, & à qui la Grece eût élevé des ftatues, quand même elle eût été obligée pour leur faire place, d'abattre celle de quelques conquérans.

Les bornes de ce Difcours Préliminaire nous empêchent de parler de plufieurs Philofophes illuftres, qui fans fet propofer des vues auffi grandes que ceux dont nous venons de faire mention, n'ont pas laiffé par leurs travaux de contribuer beaucoup à l'avancement des Sciences, & ont pour ainfi dire levé un coin du voile qui nous cachoit la vérité. De ce nombre font; GALILÉE, à qui la Géographie doit tant pour fes découvertes aftronomiques, & la Méchanique pour fa Théorie de l'accélération; HARVEY, que la découverte de la circulation du fang rendra immortel; HUYGHENS, que nous avons déjà nommé, & qui par des ouvrages pleins de force & de génie, a fi bien mérité de la Géométrie & de la Physique; PASCAL

PASCAL, auteur d'un traité fur la Cycloïde, qu'on doit regarder comme un prodige de fagacité & de pénétration, & d'un traité de l'équilibre des liqueurs & de la pefanteur de l'air qui nous a ouvert une fcience nouvelle : génie univerfel & fublime, dont les talens ne pourroient être trop regrettés par la Philofophie, fi la Religion n'en avoit pas profité; MALEBRANCHE, qui a fi bien démêlé les erreurs des fens, & qui a connu celles de l'imagination, comme s'il n'avoit pas été fouvent trompé par la fienne; BOYLE, le pere de la Phyfi, que expérimentale; plufieurs autres enfin, parmi lesquels doivent être comptés avec diftinction les VESALE, les SYDENHAM, les BOERHAAVE, & une infinité d'Anatomites & de Phyficiens célebres.

Entre ces grands hommes il en eft un, dont la Philofophie, aujourd'hui fort accueillie & fort combattue dans le Nord de l'Europe, nous oblige à ne le point paffer fous filence; c'eft l'illuftre LEIBNITZ. Quand il n'auroit pour lui que la gloire, ou même que le foupçon d'avoir partagé avec Newton l'invention du calcul différentiel, il mériteroit Tome I. Ꮐ

à ce titre une mention honorable. Mais c'est principalement par fa Métaphyfique que nous voulons l'envifager. Comme Defcartes, il femble avoir reconim l'infuffifance de toutes les folutions qui avoient été données jufqu'à lui des queftions les plus élevées, fur l'union du corps & de l'ame, fur la Providence, fur la nature de la matiere; il paroît même avoir eu l'avantage d'expofer avec plus de force que perfonne les difficultés qu'on peut propofer fur ces queftions; mais moins fage que Locke & Newton, il ne s'eft pas contenté de former des doutes, il a cherché à les diffiper, & de ce côté-là il n'a peut-être pas été plus heureux que Defcartes. Son principe de la raifon fuffifante, trèsbeau & très-vrai en lui-même, ne paroît pas devoir être fort utile à des êtres auffi peu éclairés que nous le fommes fur les raifons premieres de toutes chofes; fes Monades prouvent tout au plus qu'il a vu mieux que perfonne qu'on ne peut fe former une idée nette de la matiere, mais elles ne paroiffent pas faites pour la donner; fon Harmo nie préétablie femble n'ajoûter qu'une difficulté de plus à l'opinion de Def

cartes fur l'union du corps & de l'ame; enfin fon fyftême de l'Optimisme eft peut-être dangereux par le prétendu avantage qu'il a d'expliquer tout. Ce grand homme paroît avoir porté dans la Métaphyfique plus de fagacité que de lumiere; mais de quelque maniere qu'on penfe fur cet article, on ne peut lui refufer l'admiration que méritent la grandeur de fes vûes en tout genre ; l'étendue prodigieufe de fes connoiffances, & fur-tout l'efprit philofophique par lequel il a fçu les éclairer.

Nous finirons par une obfervation qui ne paroîtra pas furprenante à des Philofophes. Ce n'eft guere de leur vivant que les grands hommes dont nous venons de parler ont changé la face des: Sciences. Nous avons déjà vû pourquoi Bacon n'a point été chef de fecte; deux raifons fe joignent à celle que nous en avons apportée. Ce grand Philofophe a écrit plufieurs de fes Ouvrages dans une retraite à laquelle fes ennemis l'avoient forcé, & le mal qu'ils avoient fait à l'homme d'état n'a pû manquer de nuire à l'Auteur. D'ailleurs, unique-, ment occupé d'être utile, il a peut-être embrassé trop de matieres, pour que fes

contemporains duffent fe laiffer éclairer à la fois fur un fi grand nombre d'objets. On ne permet guere aux grands génies d'en favoir tant; on veut bien apprendre quelque chofe d'eux fur un fujet borné; mais on ne veut pas être obligé à réformer toutes fes idées fur les leurs. C'eft en partie pour cette raison que les Ouvrages de Defcartes ont effuyé en France après fa mort plus de perfécution que leur Auteur n'en avoit fouffert en Hollande pendant fa vie : ce n'a été qu'avec beaucoup de peine que les écoles ont enfin ofé admettre ine Phyfique qu'elles s'imaginoient être contraire à celle de Moïfe. Newton, il eft vrai, a trouvé dans fes contemporains moins de contradiction ; foit que les découvertes géométriques par lefquelles il s'annonça, & dont on ne pouvoit lui difputer ni la propriété ni la réalité, euffent accoûtumé à l'admiration pour lui, & à lui rendre des hommages qui n'étoient ni trop fubits ni trop forces; foit que par fa fupériorité il impofât filence à l'envie; foit enfin, ce qui paroît plus difficile à croire, qu'il eût affaire à une nation moins injufte que les autres. Il a eu l'avan

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