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humaine, est une faute aux yeux de l'histoire et de la religion. Le Cardinal-Légat se posait en adversaire de leurs opinions; mais ils devaient respecter son rang et ses vertus. Le meilleur moyen de faire comprendre ce respect, c'était d'user de leur crédit pour protéger sa liberté. Ils n'osèrent pas se porter médiateurs entre le Monarque et le Légat; cette indifférence eut pour eux des résultats que la calomnie envenima.

L'ambassade du Cardinal, ses discours, ses projets, avaient exaspéré l'Empereur; le Père Gerbillon, supérieur des Missions en Chine, qui s'était montré plein de déférence pour le Légat, mourut en 1707, au milieu des troubles provoqués par le mandement. Gerbillon était l'ami de Kang-Hi; le Prince ne consentit pas à impose silence à sa colère, en face même d'un cercueil; et le Père Le Coulteux, écrivant au Père Étienne Souciet, raconte ainsi les effets du ressentiment impérial : « C'est, dit-il en parlant du trépas de Gerbillon, une perte trèsconsidérable pour la Mission en général et pour nous autres Jésuites en particulier; l'Empereur n'a honoré sa mémoire d'aucune marque d'estime, contre sa coutume à l'égard des Européens qu'il a distingués comme il avait fait. Tout le monde, Chinois et Européens, savent que cé n'a été que parce que ce Père parut trop attaché à monseigneur le Patriarche, et toujours prêt à l'excuser auprès du Prince et des grands. » Le Père Dominique Parrenin, né en 1665 au Russey, près Pontarlier, n'avait pris aucune part à ces divisions; Kang-Hi lui accorda sa confiance, et dans la même lettre du Père Le Coulteux on lit: « Depuis la mort du Père Gerbillon et celle du Père Thomas Pereyra, l'Empereur paraît beaucoup considérer le Père Parrenin, de la province de Lyon. Il l'a toujours auprès de sa personne à Pékin, et il le prend

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dans tous ses voyages, tant à cause de son talent à parler les deux langues chinoise et tartare, qu'à cause de son caractère d'esprit qu'il a goûté. L'an passé, il nomma les Pères Bouvet, Régis et Jartoux, tous trois Français, pour faire la carte de la Tartarie, et il a paru content de ce qu'ils ont fait. »

Les dissensions excitées par les rites malabares et par les cérémonies chinoises, devenaient pour les savants de l'Europe une question du plus haut intérêt: le Jansénisme s'en faisait une arme contre les Jésuites; mais les Protestants voyaient d'un autre ceil cette querelle tout à la fois doctrinale et scientifique. Leibnitz écrivait alors: « Parmi les opuscules que vous m'avez envoyés, il y en a deux qui m'ont fait un plaisir singulier; ce sont le supplément des Mémoires pour Rome et l'Histoire apologétique de la conduite des Jésuites de la Chine. Dans cette histoire, ce qui est dit à la page 6 me paraît bien digne de remarque; à savoir les Mahométans, qui : que sont reconnus pour ennemis déclarés de l'idolâtrie, ne se montrent pas contraires aux cérémonies chinoises, et que, par un décret d'un empereur de la Chine de l'an de Jésus-Christ 1384, il fit défendre d'accorder à Confucius les honneurs divins. J'ai vu aussi, avec plaisir, que l'archevêque de Manille et l'évêque de Zébut, qui avaient écrit au Pape contre les Jésuites du temps d'Urbain VIII, si je ne me trompe, avaient plus tard, lorsqu'ils furent mieux instruits des choses, écrit de nouveau pour retirer leurs plaintes.

» Mais le supplément nous donne des renseignements non moins curieux. Le récit de la conduite qu'a tenue à Pékin le cardinal, fait par un homme d'opinion contraire, et qui assurément n'est pas Jésuite 1 Leibnitzii Opera, t. vi, p. 161. (Genève, 1768.)

et cependant de grande autorité, présente beaucoup de vraisemblance. Je crois que l'évêque de Conon luimême ne peut pas nier que le Cardinal n'ait point agi avec assez de circonspection et de respect dans ses rapports avec l'empereur de la Chine. Je regarde en outre les deux décrets impériaux comme d'un très-grand poids, et je ne vois pas comment on peut récuser son témoi– gnage ainsi que celui des principaux de la nation, lorsqu'il s'agit de la valeur des mots. En admettant donc que, jusqu'alors, on y ait attaché communément un autre sens, toujours est-il évident que cela n'a plus lieu aujourd'hui, que l'Empereur a donné la signification propre des cérémonies et le sens qu'on doit y chercher. "

Les Jésuites en Chine pensaient comme le philosophe allemand; ils avaient conçu un plan hardi que l'unité d'action pouvait seule faire réussir; ils tentaient une réforme insensible et graduelle dans les habitudes les plus intimes de ces peuples ; ils aspiraient à les régénérer sans violence, sans secousse, par la force même du principe chrétien. Des rivalités d'apostolat, des influences contradictoires se jetèrent à la traverse. La division se glissa parmi les Missionnaires; elle produisit dans le Céleste Empire de funestes conséquences; en Europe, elle fit accuser l'Église universelle de s'engager dans une voie superstitieuse. L'Église, entre ces deux écueils, n'avait pas à hésiter: elle devait courir les chances d'une ruine plus ou moins prochaine des chrétientés chinoises, ou accepter le double scandale né de ces querelles. Elle sacrifia l'incertain, et, le 25 septembre 1710, Clément XI condamna quelques-unes des cérémonies que les Jésuites regardaient comme indifférentes. A Rome, on ne jugeait pas les choses du même point de vue qu'à Péking. Le

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Général de la Société et les Pères de toutes les provinces, assemblés au mois de novembre 1711, se rendirent au Vatican pour protester, aux genoux de Clément, de leur inaltérable fidélité au Saint-Siége, et, en présence du Pontife, Michel-Ange Tamburinį terminą ainsi la déclaration de l'Ordre de Jésus: « Si cependant il se trouvait à l'avenir quelqu'un parmi nous, en quelque endroit du monde que ce fût, ce qu'à Dieu ne plaise, qui cût d'autres sentiments, ou qui tînt un autre lanHage, car la prudence des hommes ne peut assez ni prévenir ni empêcher de semblables événements dans unc si grande multitude de sujets, le Général déclare, assure et proteste au nom de la Compagnie, qu'elle le réprouve, dès à présent, et le répudie; qu'il est digne de châtiment, et ne peut être reconnu pour véritable et légitime enfant de la Compagnie de Jésus. »

Rien n'était plus explicite que ces paroles. Les Missionnaires auraient dû les adopter comme règle de conduite; ils cherchèrent à éluder par des subtilités la décision pontificale. Elle ne blâmait que certaines pratiques; ils se crurent autorisés à ne pas rejeter les autres. Quoique attachés du fond des entrailles à la Chaire de saint Pierre, on sent à leur résistance qu'il leur en coûte de renoncer à ces Chrétientés que leurs sucurs ont fécondées; ils désobéissent plutôt dans la forme que dans le fond. C'était une condition de vie on de mort, et ils n'osaient pas abandonner aux ténèbres de l'idolâtrie les peuples qu'ils avaient eu l'espérance de ramener à l'Unité catholique. Le Pape ne prononçait pas sur toutes les cérémonies: ils se rattachèrent à cette dernière branche de salut. Ils pensèrent que leurs écrits, que leurs larmes convaincraient ou fléchiraient le Saint-Siége. Il semblait leur

entr'ouvrir une porte d'appel, ils s'y précipitèrent à corps perdu. Ce combat entre l'obéissance et l'accomplissement d'un devoir impérieux a sans doute quelque chose de respectable; mais les Jésuites, en s'efforçant de faire triompher leurs idées, oublièrent trop qu'il eût été plus glorieux de donner au monde un exemple de soumission aveugle que de raisonner ainsi leur dévouement. Ils se trouvaient en face d'une autorité qui a droit de faire incliner toutes les intelligences, et qui trace aux volontés humaines des bornes qu'il ne faut jamais franchir; ils lui disputèrent pied à pied le

terrain.

Cependant Kang-Hi, en prince habile, refusa de laisser éterniser ces discussions. Dès 1706 il avait enjoint à tous les Missionnaires de ne rien enseigner contre les coutumes chinoises. Les uns obéirent à ce décret, les autres refusèrent de s'y soumettre, et prirent le parti de se cacher tout en poursuivant l'oeuvre de leur apostolat. L'Empereur avait des instincts catholiques : il était à même de comparer les vertus et la science des Missionnaires avec les vices et l'ignorance superstitieuse des Bonzes; mais il ne voulait pas sacrifier la paix de son royaume au Christianisme. Il se contenta de fermer les yeux et de vivre dans l'intimité des Jésuites. Ces derniers entrevoyaient des calamités prochaines; ils espéraient les conjurer; mais la mort du cardinal de Tournon, les moyens dilatoires qu'ils ne cessaient de mettre en œuvre portèrent le Pape à frapper un coup décisif. Le 19 mars 1715 la bulle Ex illa die aplanissait toutes les difficultés, elle allait au-devant de tous les subterfuges, et, en imposant un serment solennel aux Missionnaires, elle les forçait de rompre avec les cérémonies chinoises. Les Jésuites savaient qu'en adhérant à la for

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