LEOPOLD, Poëme; par M. GINGUENÉ TIBULLE. A Paris, chez Praukt, Imprimeur du Roi, quai des Auguftins. LEOPOLD DE BRUNSWICK, Poëme qui a concouru pour le Prix de l'Acadé mie Françoife; par M. NOUGARET. Les premiers befoins, ou du moins les plus fenfibles, font ceux d'un cœur bienfaifant, & tant que quelqu'un manque du néceflaire, quel honnête hemme a du fuperflu? J. J. ROUSSEAU. A Paris, chez la veuve Duchefne, rue St-Jacques & chez Lagrange, Libraire, rue St-Honoré, vis-à-vis le Lycée. PARMI les Littérateurs qui ont célébré en vers l'héroïsme du Duc Léopold de Brunswick, on doit diftinguer particulièrement M. Ginguené. Son nom eft connu au Parnaffe, Ses diverfes Pièces, inférées dans l'Almanach des Mufes, lui ont donné un rang parmi les Beaux-efprits de la raifon, de la verfification, une plume exercée au ftyle poétique, voilà fon talent. Il feroit étrange que, fur une matière auffi belle & aufli intéreffante que l'Eloge du Prince de Brunswick, ce talent l'eût abfoJument abandonné; auffi nous ofon's penser que ce Poëme n'eft point indigne de fa Mufe. La plupart des Concurrens n'ont qu'effleuré le fujet, & par-là ont évité la peine d'en vaincre les difficultés. M. Ginguené a fur eux l'avantage de l'avoir dumoins effayé. Il a faifi la matière dans fon entier. Toutes les actions du Duc Léopold annoncent une ame fi belle, fi généreufe, fi enflammée de l'amour du bien public, qu'il n'a pas cru devoir en omettre une feule. A cet égard il a trouvé un rival dans M, Nougaret. Celui-ci n'a rien oublié d'effentiel, autant que les bornes d'une Pièce de ce genre pouvoient le lui permettre. On trouve dans l'un & dans l'autre, des idées & des fentimens. Voici le début de M. Nougaret. La vertu d'un grand Homme enflamme mon génic On voit d'abord que la diction de M. Nougaret ne répond pas à fa penfée, & qu'il n'eft pas initié dans les focrets du ftyle poétique. Comme Verfificateur, M. Ginguené l'emporte de beaucoup. Nous ne citerons pas fon Exorde; tous les Journaux l'ont rapportée. Mais voici l'invocation. O du jeune Brunswick Déeffe révérée, Peut-être ce dernier vers fent-il un peu la recherche. Souvent, en évitant d'être commun, on tombe dans le précieux & le maniéré. Plufieurs endroits du Poëme de M. Ginguené ne font pas exempts de ce reproche. Mais laiffons la critique, & citons une belle tirade fur les premiers penchans du Prince à la vertu, & fur les diverfes études auxquelles il s'étoit adonné dès fon adolefcence. La gloire l'environne, il marche à fa lumière ; On peut comparer ces vers avec ceux-ci de M. Nougaret. Ce ne font pas précisément les mêmes idées; mais c'eft le même fonds. Obfervez que je cite toujours ce qu'il y a de mieux. Il aimoit les Auteurs, ainfi que leurs Ecrits, Des enfans d'Apollon buvant dans l'Hypocrène, S'il couvroit l'Ecrivain d'une fplendeur nouvelle," On ne fera ici aucune remarque. On s'en rapporte à la fagacité du Lecteur. L'ufage des foulignemens n'eft convenable que lorfqu'il s'agit d'indiquer quelques taches dans un morceau d'ailleurs irrépréhentible, Les deux Auteurs ont fait allufion à la Maifon d'Education Militaire, fondée par le Duc de Brunswick, C'eft M. Nougaret qu'on va lire d'abord. Il veut qu'au champ d'honneur,marchant avec éclat, Ce rapprochement eft heureux : tout le monde y applaudira. Mais d'ailleurs le ftyle eft fi diffus, fi incorrect, l'impropriété des expreffions eft fi groffière, que tout le mérite de l'idée eft perdu. M. Ginguené s'exprime beaucoup mieux. Ici, d'heureux enfans, libres par fa bonté Les digues ne font plus, & les toits fans défenfe |