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les fujets. Il ne s'arrête plus fur des détails, pour y découvrir le mérite d'un homme qui ne fut pas d'un ordre éminent. Il procède à grands traits, il offre des malfes impofantes; tout fe lie plus intimement dins fon difcours, tout y reffent l'impreffion du génie d'un grand homme qui à agi fur l'ame d'un grand Ecrivain. La fenfibilité, l'imagination', la pensée, fe mêlent dans fes tableaux, & y dominent chacune à leur place. Il nous femble que jamais le talent de M. Vicq d'Azyr n'a réunî plus de force & de goût, & que cet Eloge peut être placé parmi les plus beaux Ouvrages de ce genre.

Ön en jugera par les morceaux que nous allons citer.

Auparavant, il faut donner une idée rapide de l'homme rare & fingulier que l'Auteur avoit à louer.

Scheele eft connu maintenant pour un des premiers Chimistes de l'Europe. Ses travaux font immenfes, & prefque tons l'ont conduit aux découvertes les plus brillantes & les plus précieufes. Il faut en voir le tableau dans l'analyfe riche & facile qu'en a faite M. Vice-d'Azyr. Son nom, longtemps ignoré, fera l'honneur de l'Académic d'Upfal & de la Suède, comme ceux des Lianée & des Bergman. Quel fut fur cet homme qui a imprimé fes traces dans toutes les parties de fa fcience? Il avoit commencé par être un Garçon, Apothi

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caire, & il ne fut jamais autre chofe. Il vécut dans la pauvreté & la fimplicité de cet état. Il lui fallut un art prodigieux, & une application non moins extraordinaire, pour le paffer tout à la fois de livres & d'inftrumens. Il pofféda les vertus de la pauvreté, comme il fut en vaincre les malheurs. Il époufa la veuve d'un Apothicaire, pour fe procurer les inftrumens de fon art, fon premier mari ne lui avoit laiffé que des dettes, il redoubla de travail & de patience, pour tout acquitter; il y parvint. La partie morale de cet Eloge s'y joint fans ceffe à la partie fcientifique, & y répand un intérêt qui rend l'admiration plus douce & plus vive. L'ame de l'Orateur s'en eft fingulièrement pénétrée, & il communique toutes fes émotions. C'eft ce qu'on va éprouver, en l'écoutant lui-même.

Voici comment il peint la première entrevue de Schéele, pauvre, jeune, & s'ignorant lui-même, avec Bergman, qui étoit déjà à la tête des Chimiftes de l'Europe.

5 Vous devriez vous préfenter à M. Bergman, lui difoit - on fans ceffe; mais M. Schéele craignoit cette entrevue, au moins autant qu'il la défiroit, & il n'ofoit s'y déterminer. Il redoutoit le coup d'œil d'un grand maître qui devoit, d'un feul regard, justifier ou anéantir fes efpérances. C'étoit cependant ce jugement dont il avoit befoin, & qu'il étoit venu chercher à Upfal. Pendant qu'il délibère, & que pour la première

fois peut-être, l'inquiétude de l'amour-propre lui fait éprouver quelque tourment, Eergman apprend fon embarras; il court à lui. Quelle futprife! Schéele, les yeux baiffés & dans la contenance d'un homme qui demanderoit une grace, lui montre, quoi? non quelques fels furajoutés à la lifte de 'ceux que l'on connoit déjà; mais des terres, des acides, des régules nouveaux; mais les principes d'un grand nombre d'affinités complexes ; mais les élémens d'une nouvelle théorie de l'air & du feu : il tremble; il ne fait pas encore s'il ne s'eft point égaré. Bergman, muet d'étonnement, ne comprend pas comment tant de décou vertes peuvent être l'ouvrage d'un jeune homme inconnu. Quelle fcène fut jamais plus dramatique & plus touchante ? Après quelques momens de filence, Bergman faifit Schéele avec tranfport. Ce ne font pas des applaudiffemens qu'il lui donne; ce font des refpects qu'il lui rend; c'eft le génie, qui apprend au génie à s'eftimer ce qu'il vaut, qui lui révèle le fecret de fa deftinée; c'eft un Elève obfcur qu'il place au rang des grands Hommes. Qu'ils apprennent, à cette vue, ceux qui font à l'entrée de la carrière, combien eft puiffante la véritable paffion de la gloire, qui reçoit & donne de femblables récompenfes "

Voyez enfuite comment cet homme fi fimple fent la reconnoiffance & exprime l'admiration!

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» Cette affociation intime de MM. Bergman & Schéele, qui s'est étendue jufqu'aux fautes qu'ils ont commifes, cette unión de penfées & de travaux, ne les ont pas mis

à couvert des traits de l'envie. On a reproché à l'un de s'être emparé des découvertes de l'autre. Que la calomnie écoute, fi cependant elle fait écouter, M. Schéele lui-même, annonçant dans le Journal Allemand de M. Crell, la mort de fon illuftre Compatriote.

» La Chimie, dit-il, a perdu tout ce qu'elle peut perdre dans un feul homme; il n'eft plus ce Profeffeur, le premier de tous ceux que l'on a connus jufqu'à ce jour, & dont la bonté faifoit difparoître entre nous tout intervalle de connoiffances & d'âge que ne puis je lui élever an monument durable! Son fouvenir au moins me fera toujours préfent, & j'écrirai l'hiftoire de fa vie; car je veux que l'on fache qu'il fut mon ami. Il ne l'a point écrite cette hiftoire, continue M. Vicq-d'Azyr; c'est moi qui l'ai tracée, & lui-même n'eft plus. Leurs noms réunis à jamais, recevront les mêmes hommages, & s'ils ont mérité quelques reproches, ils les partageront encore; c'eft le triomphe de l'amitié".

Il eft bon d'obferver que ces lignes de Schéele, font d'un fublime, d'un pathétique, qu'on ne retrouve prefque plus que dans les Anciens. Quel charme de bonté, & quel tendre mouvement de l'ame dans ces dernières

paroles: Et j'écrirai fon hiftoire, car je veux qu'on fache qu'il fut mon ami! On croiroit entendre Fénélon, & c'eft un Pharmacien qui parle ! Il eft jufte aufli de remarquer que le mouvement avec lequel l'Orateur reprend fon récit, eft d'une beauté qui par ticipe de ce genre d'éloquence, fans contredit le premier de tous: il ne l'a pas écrite cette hiftoire, c'eft moi qui l'ai tracée, & lui-même n'est plus. Ce fouvenir, que la circonftance réveille dans fon ame, cont duira naturellement fes Lecteurs à relire le bel Eloge qu'il a déja confacré, il y a deux ans, à la mémoire de Bergman, & à le faire mieux goûter.

. I

Il n'eft pas moins intéreffant de voir Schéelé dans fes travaux, & dans l'appréciation qu'en fait fon Panégyriste. Nous fommes malheureufement obligés de mettre des bornes à cet extrait.

De fix cents livres qu'il gagnoir par année, il en confacroit cinq cents à fes recherches; & ce fut avec ce foible fecours qu'il alluma tant de fois le feu de fes fourneaux, & qu'il opéra tant de prodiges. Comme à l'aide d'un favoir profond, & d'un coup d'œil fûr, il ne tentoit qu'un petit nombre d'effais pour arriver à chaque réfultat, il procédoit à chaque effai de la manière la plus fimple, qui eft prefque toujours auffi la moins difpendieufe; de forte que l'efprit d'ordre & celui d'économie fe confondoient & n'en formoient

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