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refpectable. Mais n'importe. Comme j'étois fils unique, mon père voulut me faire héritier de les talens, afin que je puffe prendre fon état, & comme lui être attaché, en qualité de Tambour, à une Troupe de Marionnettes. Il m'éleva en conféquence; tout le temps de ma jeuneffe fe paffa à interpréter les paroles de Polichinelle & celles du Roi Salomon dans toute fa gloire. Quoique mon père s'amusât beaucoup à me faire battre fur le tambour les différentes marches de guerre, mes progrès n'en étoient pas plus rapides pour cela; naturellement je n'avois pas l'oreille muficale : en forte qu'à quinze ans je m'évadai de la maifon paternelle & m'engageai comme Soldat. Autant je m'étois ennuyé à battre du tambour, autant je me laffai à porter le moufquet; T'un & l'autre état ne me convenoient en aucune manière: mon inclination me portoit à être Gentilhomme. D'ailleurs j'étois obligé d'obéir à mon Capitaine; il a fes fantaifies, moi, j'ai les miennes; vous avez les vôtres. De tout cela, j'ai fort raisonnablement conclu qu'il étoit infiniment plus agréable d'obéir à fes propres volontés qu'à celles d'autrui.

». L'état de Soldat me donna bientôt le fpléen; je demandai à me retirer du fervice; mais j'étois grand, fort; & mon Capitaine me remercia pour ma louable intention, m'affurant qu'il me vouloit trop de bien pour

m'éloigner de lui. J'écrivis à mon père une lettre très-humble & très- repentante, le priant de m'envoyer de l'argent pour payer mon congé: le compère,malheureusement,aimoit à trinquer bien autant que moi; (Mr., je bois à votre fanté).... & ceux qui font doués de cette belle qualité, ne lâchent pas volontiers leur argent. Bref, jamais je ne reçus de réponse à ma lettre : que faire ? Si je n'ai pas de quoi me dégager, dis-je en moi-même, il faudra bien chercher un moyen qui équivale à l'argent; & ce moyen fera de m'enfuir. Mon parti fut bientôt pris, je défertai; & de cette manière, je remplis mon intention tout auffi bien que fi j'avois débourlé de l'argent.

Me voilà donc entièrement quitte du militaire je fis argent de mon uniforme, j'achetai à la place un mauvais habit; & de crainte d'être pincé, je me fauvai par les routes les plus écartées. Un foir, en entrant dans un village, j'apperçus un homme renverfé de fon cheval fur un très mauvais chemin, & préfque enterré dans la boue: c'étoit le Cure de la paroifle. Il m'appela à fon fecours; j'y volai, & avec beaucoup de peine je le retirai du bourbier où il étoit enfoncé. Après m'avoir remercié de mon honnétéré, il s'en alloit; mais je le fuivis jufque chez lui: j'aime affez que les gens me remercient à leur porté. Le Curé me fit mille queftions; il voulut favoir de qui j'étois fils, d'où je venois, s'il pourroit

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compter fur ma fidélité. Je répondis à tour d'une manière qui le fatisfit pleinement, & je me douai moi-même, fort modeftement, des plus belles qualités imaginables, telles que la fobriété, (Monfieur, je bois à votre fanté), la difcrétion, & la fidélité. Le fait eft qu'il avoit befoin d'un Domeftique, & il me prit à fon fervice : je ne vécus avec lui que deux mois; nous n'étions pas faits pour nous convenir : j'aimois à manger copieufement, & lui me donnoit une trèsmaigre pitance: j'aimois les jolies filles, & la Servante de la maison étoit vieille, laide, & de mauvaise humeur. Comme je voyois qu'ils vouloient me faire mourir de faim, je pris, moi, la pieufe réfolution d'empêcher ces bonnes gens de commettre un homicide dès lors je volai les œufs auffi-tôt qu'ils étoient pondus, je vidai les bouteilles qui me tomboient fous la parte; tout ce que je rencontrois d'un peu mangeable difparoiffoit à l'instant. Bref, ils trouvèrent que je n'étois point du tout l'homme qu'il leur falloit ; & un beau matin on me congédia je reçus trois fchellings & demi pour deux mois de gage.

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» Tandis que le Curé étoit à compter l'argent qui me revenoit, j'étois occupé, de mon côté, à faire les préparatifs de mon départ j'apperçus au fond de la baffe-cour deux poules qui pondoient; vite je fus m'emparer de leurs œufs, & pour ne pas féparer les mères d'avec leurs petits, je

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fourrai les poules aufli dans mon havrefac. Après cette action de fidélité, j'allai recevoir mon argent ; & le havrefac fur le dos, un bâton en main, je pris congé de mon vieux bienfaiteur, les larmes aux yeux. Je n'étois pas à quatre pas de la maison, que j'entendis crier derrière moi : Arrête, arrête.... au voleur ! Mais, loin d'arrêter, je doublai le pas; j'aurois été un franc for de ne pas continuer mon chemin, puifque je favois fort bien que cela ne pouvoit me regarder... Mais à propos, il me femble que tout le temps que nous venons de refter là, chez le Curé, nous n'avons pas bu un feud coup; allons, dans cette faifon il règne une cruelle féchereffe...... Je veux mourir, fi jamais de ma vie j'ai paffé deux mois plus fots que ceux-là.

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Après avoir cheminé quelques jours, je rencontrai une Troupe de Comédiens ambulans; auffi - tôt que je les apperçus, j'éprouvai un faififfement de plaifir, um mouvement de fympathie qui m'entraînoit vers eux : j'ai toujours été porté d'inclination pour la vie vagabonde. Ces Mellieurs étoient occupés à raccommoder leur voiture, qui avoit verfé dans un chemin étroit; je m'offris à leur aider, & l'on m'accueillit avec honnêteté dans le moment, nous fîmes fi bien connoiffance, qu'ils m'engagèrent comme Domeftique. Cette condition étoit un véritable paradis pour moi; ils chantoient, danfoieng, buvoient, mangeoient

& voyageoient tout à la fois. Palfamblea, il me fembloit n'avoir pas vécu jufqu'à ce jour; je devins gai comme un pinçon, & je riois à chaque parole que l'on proféroit. J'eus le bonheur de leur plaire autant qu'ils m'avoient plu: j'avois une bonne figure, comme vous voyez, & quoique pauvre, je n'en étois pas plus modefte pour cela.

» Peut-on rien comparer à une vie ambulante? tantôt chaud, tantôt froid; aujour d'hui bien, demain mal; mangeant quand on en trouve l'occafion; buvant (Monfieur, il n'y a plus rien dans le pot ) quand il y a de quoi.

"Nous arrivâmes ce foir-là à Tenterdene; nous louâmes au Lion d'or une grande chambre, qui devoit nous fervir de théatre. La Troupe vouloit jouer Romeo & Juliette, avec la Proceffion funèbre, la Foffe, & la Scène du Jardin: le rôle de Romeo devoit être rempli par un Acteur du Théatre Royal de Drurilane; celui de Juliette par une Actrice qui n'avoit encore paru für aucun Théatre; & mci je devois moucher les chandelles chacun de nous, comme vous voyez, parfait dans fon genre. Nous avions bien affez d'Acteurs, la difficulté étoit de les habiller l'habit de Romeo, avec un pe it paffe-poil, alloit auffi à fon ami Mercurio; une large pièce de crêpe fervoit à la fois de jupon à Juliette & de drap mortuaire; au défaut d'une cloche, on avoit emprunté le mortier & le pilon de l'Apo

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