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foin d'yeux pour fe faire refpecter, & comme les violations les plus fecretes ne laiffent pas d'être dangereufes, il s'enfuit delà que ces yeux ne fauroient trop fe multiplier; c'est par une fuite de ces réflexions que plufieurs Républiques anciennes & modernes, non contentes de donner aux loix des vengeurs d'office, ont rendu tous les citoyens infpecteurs nés les uns des autres, & les ont invités à faire connoître quiconque les mépriferoit. Malheureusement elles ont cru quelquefois devoir renforcer cette invitation par l'appât du gain, & ont produit un effet contraire.

La raifon en eft facile à comprendre; c'eft toujours une chose triste pour un citoyen de publier les fautes d'un autre, & de s'attirer peut-être le reffentiment de plufieurs; le patriotisme pourra cependant lui faire braver ces haines fecretes, tant qu'il fera vraisemblable qu'il n'a reçu d'infpirations que de lui; mais dès l'inftant que les accufations peuvent lui faire un revenu, les intentions les plus pures deviennent fufpectes, le public malin doute ou feint de douter, que l'amour de l'argent plus que celui des loix, n'ait animé l'accufateur, bientôt celui-ci n'eft plus regardé que comme un efpion ou un délateur, & les plus honnêtes gens laiffent périr les loix, de peur de fe perdre de réputation.

Laiffez donc aux tyrans ces vils moyens d'exciter le zele de leurs fatellites, il est bien jufte, qu'ils donnent quelque chofe à ceux qui leur ont tout facrifié; mais vous, qui avez ou qui formez des citoyens, ne leur demandez rien qu'au nom de la patrie; fi cet unique motif ne les détermine pas, ils font indignes de la fervir, ils font indignes d'en

avoir une.

A la fatisfaction intérieure d'avoir bien mérité d'elle, je ne vois qu'une feule récompense honnête qu'on pût ajouter, ce feroit une atteftation de chacun de ces services donnée par le Magiftrat, & qui ne contiendroit qu'un à-peu-près de ces mots : » La Patrie remercie tel citoyen de fon zele » pour l'obfervation de fes loix: "ces atteftations pourroient devenir des titres de préférence aux emplois, & toutes chofes égales d'ailleurs, il feroit bien naturel qu'on les conférât à ceux qui en relevant les fautes des autres, ont contracté en quelque maniere une obligation plus étroite de n'en point commettre eux-mêmes,

C'eft fans doute cet efprit qui avoit dicté l'ufage fi admiré de l'ancienne Rome, par lequel les jeunes gens qui prétendoient aux honneurs, entroient dans la carriere en attaquant quelque coupable illuftre; c'étoit une espece d'épreuve que la Patrie faifoit des lumieres & du courage avec lesquels ils défendroient ces inftitutions, quand elle leur en auroit confié le facré dépôt. Puiffiez-vous trouver parmi vous beaucoup de zélateurs! Puiffiezvous en avoir rarement befoin.

Tome XIV.

I i

CORSE, Ile de la Méditerranée, fituée du 41e. degré 20 minutes au 43. degré de latitude Septentrionale, & du 26. degré 16 minutes au 27. degré 30 minutes de longitude.

L'ISLE de Corfe a le golphe de Gênes au Nord, la mer de Toscane

à l'Eft; un détroit de trois lieues de large, parfemé d'ifles & de roches la fépare de la Sardaigne au Sud, & la mer de Provence la baigne à l'Oueft. Sa longueur eft d'environ 40 ou 41 lieues de 25 au degré; fa plus grande largeur de 15 ou 16, & fa furface de 400 ou 420 lieues quarrées. Une chaîne de montagnes la traverse dans toute fa longueur depuis le Cap-Corfe, jufqu'à Bonifacio; cette chaîne eft coupée par une feconde plus élevée qui va des environs de Calvi à ceux de Porto-Vecchio. C'est cette feconde chaîne qui forme l'en deçà & l'en delà des monts: il diqua, ed il di la da monti, divifion indiquée jadis par les noms de Benda di dendro & de Benda di fuori, bande du dedans & bande du dehors. Mais la divifion la plus générale de ce pays eft celle par laquelle on le partage en Pieves. (a) On le partage auffi en Provinces & Jurifdictions. Les François viennent d'y en établir neuf, qui deviendront probablement la divifion la plus ufitée. On trouve auffi dans le Cap les fiefs de Nonza, Canari, & Brando, reftes des anciens fiefs de la Corfe, échappés à la deftruction qu'en faifoient les Génois. Au-delà des Monts, on trouve auffi le fief d'Iftria, chef-lieu de la Seigneurie & demeure de la principale branche de ces Colonna, qui prétendent être les mêmes que les Colonna d'Italie..

Les plaines les plus confidérables de l'Ifle & pour ainfi les feules qui méritent ce nom, s'étendent depuis Baftia jufqu'aux environs de PortoVecchio, fur la côte Occidentale. Elles font inhabitées & on les dit inhabitables à caufe du mauvais air qui y regne une partie de l'année. C'est le plus beau & le plus fertile pays de l'Ifle; c'eft celui que les Romains habiterent le plus volontiers. Mais des eaux ftagnantes que fans doute ils avoient eu foin de faire écouler, infectent maintenant l'air.

On a, dit-on, jadis compté 33 villes en Corfe. J'en doute beaucoup : on n'y voit les ruines que de deux ou trois, & les plus confidérables de celles qui exiftent maintenant, ont pour la plupart une origine peu reculée. Les Romains regarderent la Corfe comme une terre d'exil, & le Philofophe Séneque y fut relégué pendant fept ou dix ans, & renfermé dans une tour qui porte encore fon nom, & qui fe voit dans le Cap

(a) La Pieve eft le nom par lequel on défigne un territoire d'un nombre de paroiffes radéterminé, & toutes foumiles à la Jurifdiétion Eccléfiaftique d'un même Curé fupérieur, qu'on appelle pour cette raison Pievain, Pievano,

Corfe. La maniere dont il a peint le lieu de fon exil & fes habitans, prouve qu'il n'étoit content ni de l'un ni de l'autre.

Corfica Phocæo tellus habitata colono,

Corfica, quæ Graio nomine Cyrnus eras,
Corfica Sardinid brevior, porrectior Ilvd,
Corfica pifcofis pervia fluminibus,

Corfica terribilis, cùm primùm incanduit Aftas;
Sævior oftendit cùm ferus ora canis
Parce, relegatis, hoc eft jam parte folutis
Vivorum cineri fit tua terra levis.

Barbara præruptis inclufa eft confcia faxis,
Horrida defertis undique vafta locis,
Non poma Autumnus, fegetes non educat Aftas,
Canaque palladio munere bruma caret,
Umbrarum nullo Ver eft lætabile fœtu

Nullaque in infaufto nafcitur herba Solo,
Non panis, non hauftus aquæ, non ultimus ignis,
Hæc fola, hæc duo funt, exul & exilium.

L'humeur bilieufe de Séneque a un peu chargé ce portrait. Il s'en faut de beaucoup qu'il foit reffemblant. On affure au refte que c'eft pendant fon exil en Corfe, qu'il compofa fes livres de Confolatione, adreffés à fa mere Halvia & à Polybe. Cette Ifle jouit à-peu-près de la mêmė température que la Provence; elle devroit naturellement être plus chaude mais fes côtes font rafraîchies par les vents, & fes haures montagnes contribuent à tempérer dans fon intérieur l'excès des chaleurs de l'été. La Corfe a beaucoup de ports capables de recevoir les bâtimens employés au commerce. Celui de Porto-Vecchio eft le plus grand, le plus für, il s'avance fort avant dans les terres; avec quelques travaux il pourroit devenir l'entrepôt du commerce du Levant, recevoir des vaiffeaux de guerre au befoin, & rendu franè il nuiroit confidérablement à Livourne, dont il partageroit le commerce. Ceux de Calvi, l'Ifola Rofa, Ajaccio, font placés auffi avantageufement pour trafiquer avec la France, que ceux de Bonifacio, de Baftia de Macinajo le font pour commercer avec la Sardaigne & l'Italie. Le Golphe de San Fiorenzo eft immenfe, & l'on pourroit rendre le port de ce nom auffi commode qu'il deviendroit utile. Mais, comme on l'a obfervé l'air des environs de cette place eft, ainfi que celui de Porto-Vecchio, infecté par des marais voifins. La mer, en entrant dans les terres, a formé fur les bords de l'Ifle plufieurs étangs fur la côte Orientale, plus baffe & par conféquent plus fujette que les autres aux inondations, elle a produit celui de Biguglia. C'eft de tous le plus

étendu & celui dont la pêche eft la plus abondante. Plus loin fur la même côte fe trouvent les étangs falés; ce font des cavités que la mer remplit dans de certains temps dont elle fe retire dans d'autres, & le foleil y forme naturellement un fel dont on fait ufage dans l'Ile.

L'étang de Diane, lo ftagno di Diana, produit des huîtres d'une grandeur étonnante & d'affez bon goût. On prétend qu'il étoit jadis un port & qu'on y voit encore les anneaux qui fervoient à retenir les cables des vaiffeaux. On trouve auffi quelques lacs vers le centre de l'lfle. Les plus confidérables font ceux d'Ino & de Crono. Ils font placés aux trois quarts de la hauteur du monte Rotundo ou Gradaccio, la plus haute montagne du pays & dont le fommet eft prefque toujours couvert de neiges. Ce font les réfervoirs d'où découlent le Golo & le Tavignano, les deux plus confidérables rivieres de la Corfe. On a quelquefois parlé de les rendre navigables pour faciliter l'exploitation & le tranfport des bois, & ce n'eft pas la feule fottife qu'on ait dite en parlant de ce pays. Le Gravone, la Prunella, le Talavo, le Valinco, le Liamone, le Fiumatto; voilà les autres rivieres un peu remarquables, mais leur plus grand mérite eft de porter des noms très-fonores. Toutes celles, au refte, qu'on voit dans cette Ifle font extrêmement encaiffées, parce qu'elles ont une pente confidérable, & qu'à la fonte des neiges, ou dans les faifons pluvieuses, le volume énorme de l'eau qu'elles roulent avec rapidité, creuse continuellement leur lit, ainfi que font tous les torrens. Leurs bords font arides & defféchés; la furface de l'eau en reftant prefque toujours très-éloignée & les dérivaifons n'ayant d'autre effet que d'amonceler du fable, & d'en couvrir leurs rivages. Les poiffons les plus communs dans ces rivieres font, la truite & l'anguille, tous deux y font excellens. On a prétendu fans raifon, que les eaux d'une petite riviere nommée la Reftonica, qui se perd à Corte dans le Tavignano, avoient la finguliere propriété de rendre le fer blanc comme l'argent & d'empêcher la rouille de s'y mettre. Tous les Aureurs ont fervilement copié cette fauffeté. Les eaux de la Reftonica font, il eft vrai, d'une limpidité peu commune. Mais tous les ruiffeaux qui defcendent de montagnes formées d'un roc très-dur, & qui ne laisse échapper que des eaux bien filtrées, qui coulent d'ailleurs fur un terrein fablonneux, partagent cet avantage avec la Reftonica. En lavant le fer dans. cette riviere, & le frottant avec le fable de fon lit, il acquiert un certain poli, une forte de blancheur; j'imagine que tout le miracle eft dans le frottement & nullement dans la propriété de l'eau. J'ai éprouvé que du fer déposé dans fon lit pendant un temps où la vertu prétendue de cette eau ne pouvoit être altérée par le mêlange des eaux étrangeres qu'amene la fonte des neiges, n'a nullement blanchi. Peut-être s'y rouilleroit-il moins vîte à caufe de l'extrême pureté de l'eau & de la viteffe extraordinaire du courant, qui fait l'effet d'un frottement continuel. Les eaux minérales font & doivent être très-communes en Corfe. On trouve des fon

taines d'eau chaude dans plufieurs Pieves, & je ne doute pas qu'analyfées par d'habiles médecins, on ne leur reconnut d'excellentes propriétés. La pêche du Thon & de la Sardine, également abondans fur les côtes de cette Ifle; celle du corail, qu'on y trouve de trois efpeces, rouge, blanc, & noir, offrent deux branches de commerce, qui encouragées, pourroient devenir intéreffantes. Elle produit affez & peut produire trois fois plus de bled qu'il n'en faut pour la confommation de fes habitans, il y eft trèsbeau & très-bon. J'ai cependant oui dire, qu'il fe confervoit difficilement; peut-être eft-ce manque d'attention & de précautions néceffaires. Tous les grains y viennent à merveille, hormis l'avoine qu'on ne seme pas & qui n'aime pas le fol des pays chauds. Son usage eft remplacé par celui de l'orge, dont les chevaux fe nourriffent avec autant de plaifir. La Corfe en général manque de pâturages; les François ont femé des foins. dans les plaines d'Aleria, & en ont recueilli de très-bon & en quantité. Si jamais les tranfports devenoient plus faciles d'un lieu à l'autre dans cette Ifle, ce Canton pourroit l'en fournir toute entiere, mais il faudroit. pour cela que fes habitans vouluffent devenir cultivateurs & defcendre de la pointe de leurs rochers, pour habiter la plaine ou des lieux moins élevés; ce qu'on n'a pas droit d'efpérer fitôt de cette nation. Le miel eft très-abondant en Corfe; on lui trouve une certaine âcreté qu'on attribue au Buis, à l'If, & aux plantes fortes qui couvrent l'Ifle, & dont les abeilles tirent leur fuc. Celui de la Pieve de Caccia, paffe pour le meilleur & n'a réellement pas ces défauts. Mais on ne peut trop vanter la bonté & la fermeté de la cire qu'on recueille en Corie. Combien, fi la culture des mouches y étoit encouragée, ne pourrions-nous pas nous procurer à meilleur marché, de meilleure cire que celle qu'on nous fait payer un prix exceffif & que nous fommes forcés de tirer de l'étranger.

Les arbres les plus communs en Corfe, font le chêne verd & le hêtre, également bon pour le charronnage; le fapin, dont on peut tirer de fuperbes mâtures & qui fournit le brai gras; le pin, d'où découle la réfine; le chataignier excellent pour les ouvrages de charpente. Cet arbre qui y abonde & qui peut être utile ailleurs, eft dangereux dans cette Ifle. "C'eft l'aliment de la pareffe de fes habitans. Chez eux, fon fruit fupplée à tout : on le feche, on le broye, & l'on en fait du pain, leurs chevaux même en font nourris, & la terre toute négligée, parce que la culture d'une forêt de chataigniers n'exige aucun foin, & que la récolte de leurs fruits fournit fuffifaniment aux befoins peu nombreux d'une nation très-fobre. Il avoit été queftion d'en détruire une partie pour faire renaître l'agriculture, & rendre à la terre les bras qui lui font dus. On ne l'a pas encore fait, & je ne fais pourquoi. L'olivier abonde dans l'Ile. La Province dite Balagna, & différens autres Cantons en font couverts; quoiqu'on ne prenne pas la peine de le cultiver, il est beaucoup plus gros & plus élevé qu'en Provence & en Languedoc. L'huile eft la richeffe principale de la

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