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fées. Nous ne prenons point ici l'imagination pour la faculté qu'on a de fe repréfenter les objets; parce que cette faculté n'eft autre chofe que la mémoire même des objets fenfibles, mémoire qui feroit dans un continuel exercice fi elle n'étoit foulagée par l'invention des fignes. Nous prenons l'imagination dans un fens plus noble & plus précis, pour le talent de créer en imitant.

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Ces trois facultés forment d'abord les trois divifions générales de notre fyftême, & les trois objets généraux des connoiffances humaines; l'Hiftoire, qui fe rapporte à la mémoire ; la Philofophie, qui eft le fruit de la raifon; & les Beaux-Arts, que l'imagination fait naître. Si nous plaçons la raifon avant l'imagination, cet ordre nous paroît bien fondé, & conforme au progrès naturel des opérations de l'ef prit: l'imagination eft une faculté créatrice; & l'efprit, avant que de fonger à créer, commence par raifonner fur ce qu'il voit & ce qu'il connoît. Un au tre motif qui doit déterminer à placer la raifon avant l'imagination, c'eft que dans cette derniere faculté de l'ame les deux autres se trouvent réunies juf

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qu'à un certain point, & que la raifon s'y joint à la mémoire. L'efprit ne crée & n'imagine des objets qu'en tant qu'ils font femblables à ceux qu'il a connus par des idées directes & par des fenfations plus il s'éloigne de ces objets, plus les êtres qu'il forme font bizarres & peu agréables. Ainfi dans l'imitation de la Nature, l'invention même cft affujettie à certaines regles; & ce font ces regles qui forment principalement la partie philofophique des Beaux-Arts, jufqu'à préfent affez imparfaite, parce qu'elle ne peut être l'ouvrage.que du génie, & que le génie aime mieux créer que difcuter.

Enfin, fi on examine les progrès de la raifon dans fes opérations fucceffives, on fe convaincra encore qu'elle doit précéder l'imagination dans l'ordre de nos facultés, puifque la raifon, par les dernieres opérations qu'elle fait fur les objets, conduit en quelque forte à l'imagination car ces opérations ne confiftent qu'à créer, pour ainfi dire, des êtres généraux, qui féparés de leur fujet par abftraction, ne font plus du reffort immédiat de nos fens. Auffi la Métaphyfique & la Géométrie font de

toutes les Sciences qui appartiennent à la raison, celles où l'imagination a le plus de part. J'en demande pardon à nos beaux efprits détracteurs de la Géométrie; ils ne fe croyoient pas fans doute fi près d'elle, & il n'y a peutêtre que la Métaphyfique qui les en fépare. L'imagination dans un Géometre qui crée, n'agit pas moins que dans un Poëte qui invente. Il eft vrai qu'ils operent différemment fur leur objet; le premier le dépouille & l'analyfe, le fecond le compofe & l'embellit. Il eft encore vrai que cette maniere différente d'opérer n'appartient qu'à différentes fortes d'efprits; & c'eft pour cela que les talens du grand Géometre & du grand Poëte ne fe trouveront peut-être jamais enfemble. Mais foit qu'ils s'ex- . cluent ou ne s'excluent pas l'un l'autre, ils ne font nullement en droit de fe méprifer réciproquement. De tous les grands hommes de l'antiquité, Archimede eft peut-être celui qui mérite le plus d'être placé à côté d'Homere. J'efpere qu'on pardonnera cette digreffion à un Géometre qui aime fon art, mais qu'on n'accufera point d'en être admirateur outré; & je reviens à mon fujet,

La diftribution générale des êtres en fpirituels & en matériels fournit la fousdivifion des trois branches générales. L'Hiftoire & la Philofophie s'occupent également de ces deux efpeces d'êtres, & l'imagination ne travaille que d'après les êtres purement matériels, nouvelle raifon pour la placer la derniere dans l'ordre de nos facultés. A la tête des êtres fpirituels eft Dieu, qui doit tenir le premier rang par fa nature, & par le befoin que nous avons de le connoître. Au deffous de cet Erre fuprême font les efprits créés, dont la révélation nous apprend l'existence. Enfuite vient l'homme, qui compofé de deux principes, tient par fon ame aux efprits, & par fon corps au monde matériel; & enfin ce vafte Univers que nous appellons le Monde corporel ou la Nature. Nous ignorons pourquoi l'Auteur célebre qui nous fert de guide dans cette diftribution, a placé la nature avant l'homme dans fon fyftême; il femble au contraire que tout engage à placer l'homme fur le paffage qui fépare Dieu & les efprits d'avec les

corps.

L'Hiftoire en tant qu'elle fe rapporte

à Dieu, renferme ou la révélation ou la tradition, & fe divife fous ces deux points de vue, en hiftoire facrée & en hiftoire eccléfiaftique. L'hiftoire de l'homme a pour objet, ou fes actions, ou fes connoiffances : & elle est par conféquent civile ou littéraire, c'eftà-dire, fe partage entre les grandes nations & les grands génies, entre les Rois & les Gens de Lettres, entre les Conquérans & les Philofophes. Enfin l'hiftoire de la Nature eft celle des productions innombrables qu'on y obferve, & forme une quantité de branches prefqu'égale au nombre de ces diverfes productions. Parmi ces différentes branches, doit être placée avec diftinction l'hiftoire des Arts, qui n'eft autre chofe l'hiftoire des ufages que les hommes ont faits des productions de la Nature , pour fatisfaire à leurs befoins ou à leur curiofité.

que

Tels font les objets principaux de la mémoire. Venons préfentement à la faculté qui réfléchit & qui raisonne. Les êtres tant fpirituels que matériels fur lefquels elle s'exerce, ayant quelques propriétés générales, comme l'exiftence, la poffibilité, la durée; l'examen

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