صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

Ainfi les idées fimples attachées aux mots voir, entendre, toucher, &c. produifent l'idée plus générale de fenfation, & celle-ci l'idée plus générale encore d'existence. Mais ni les unes ni les autres de ces idées ne peuvent être rendues plus claires par des définitions, De même les idées abftraites fimples d'étendue & de durée renferment l'idée plus générale de parties, qui dans l'étendue exiftent enfemble, & dans la durée fe fuccedent; mais l'idée de parties n'eft pas plus fufceptible de défini tion que celles d'étendue & de durée.

Pour s'affurer donc fi une idée eft compofée ou fimple, & par conféquent fi elle eft fufceptible ou non d'être définie, il faut bien diftinguer entre la décompofition d'une idée & fa généralifation, & prendre garde de ne pas confondre une de ces opérations avec l'autre. Une idée fufceptible de décom→ pofition peut & doit être définie ; une idée fufceptible de généralisation feulement ne doit pas l'être. Par exemple, les trois idées d'étendue, de bornes & d'impénétrabilité, différentes & diftinguées l'une de l'autre, forment, étant réunies, l'idée de corps, laquelle par

conféquent peut être décompofée dans chacune de ces trois idées, que l'esprit envifagera féparément au contraire l'idée fimple attachée au mot voir, quoiqu'elle renferme les deux idées de fenfation & d'existence, n'eft point formée de ces idées réunies; car d'un côté ces deux idées, même étant réunies, font plus générales que l'idée attachée au mot voir, & par conféquent ne compofent point cette dernière idée; & de l'autre la réunion de l'idée d'existence à celle de fenfation feroit illufoire, puifque l'idée d'exiflence n'ajoute proprement rien à celle de fenfation; on ne peut fentir fans exifter.

[ocr errors]

Il eft vifible par tout ce que nous venons de dire, qu'une idée abftraite, quoiqu'on en déduife une autre idée abftraite par la généralisation, n'eft pas plus compofée que l'idée plus abftraite qu'on en déduit ; & par conféquent que ni les unes ni les autres ne peuvent ni ne doivent être définies. Mais il y a cette différence entre les idées abftraites fimples produites par la généralifation, & les idées abftraites qui fervent à les produire, que ces dernieres n'ont befoin ni qu'on les défi

niffe, ni qu'on en explique la formation; au lieu qu'il eft fouvent néceffaire au Philofophe de développer la maniere dont certaines idées abftraites fimples fe forment par la généralisation d'autres idées abftraites fimples; & ce développement devient plus néceffaire à mefure que les idées qui en font l'objet font plus générales. Ainfi l'idée attachée au mot voir, n'a befoin ni qu'on la définiffe, puifque c'eft une idée fimple, ni qu'on en explique la formation, puifque c'est une idée directe & primitive que l'efprit acquiert tout d'un coup par les fens; mais la maniere dont nous formons les idées fimples de fenfation & d'existence, mérite l'analyse du Philofophe.

Cette analyse nous fera connoître que le mot fenfation, pris abstractivement, n'exprime proprement aucune idée, mais que ce mot eft feulement une expreffion commune à toutes les idées que nous recevons par les fens. Ces idées n'ont rien de commun entre elles en tant qu'idées ; ( car qu'y a-t-il de commun, par exemple, entre voir & entendre?) mais feulement en tant qu'elles font occafionnées par l'im

[ocr errors]

preffion que reçoivent certaines parties de notre corps.

Nous verrons enfuite que la notion abftraite d'existence fe forme d'abord en nous par le fentiment du moi qui réfulte de nos fenfations & de nos penfées; que de là nous regardons ce fentiment du moi, comme pouvant fe féparer du fujet dans lequel il fe trouve fans que ce fujet foit anéanti; & que par ce moyen il nous refte l'idée abftraite d'existence, que nous appliquons enfuite aux êtres différens de nous, qui nous paroiffent occafionner nos fenfations.

Voilà un exemple abrégé de la maniere dont le Philofophe parvient à développer la formation de certaines idées abftraites générales, trop fimples pour être définies, mais trop abftraites pour être des notions directes & pri

mitives.

Un des principaux ufages de ce développement, eft de nous garantir de l'erreur où nous pourrions tomber en regardant les objets des idées abftraites comme exiftans réellement hors de nous; erreur que n'ont pas évité des fectes entieres de Philofophes, qui ne

faisant point attention à la génération des idées, fe font perfuadé que l'exif tence, par exemple, dans les objets animés, étoit différente de la fenfation; que de même il exiftoit hors de l'efprit quel que chofe qui étoit l'homme en général; le corps en général, la vertu, le vice en général, & ainfi du refte; au lieu qu'il n'exifte réellement hors de nous que des êtres particuliers, qui poffedent ces propriétés que nous détachons par l'efprit du fujet où elles fe trouvent, en les confidérant féparément des autres propriétés auxquelles elles font unies dans ce même fujet.

Je dirai plus; cette méthode de fixer les idées en développant leur formation, doit être fouvent préférée en Philofophie, à ce qu'on appelle définition proprement dite, même dans les cas où il s'agit de définir; il en réfulte un plus grand jour répandu fur les idées mêmes. En effet, l'efprit reçoit d'abord par les fens d'une maniere directe & immédiate les idées compofées, & en déduit enfuite comme nous l'avons fait voir, les idées fimples, ou par la décompofition ou par la généralisation. Ainfi, au lieu de définir les idées com

[ocr errors]
« السابقةمتابعة »