HISTOIRE

DES TROUBLES

DE

L'AMÉRIQUE ANGLAISE,

Ecrite fur les Mémoires les plus authentiques;

DÉDIÉE

ASA MAJESTÉ TRÈS-CHRÉTIENNE;

Par FRANÇOIS SOULÉS.

TOME TROISIÈ M E.

Avec des Cartes.

Tros Tyriufque mihi nullo diferimine agetur.

VIRG. Æneid. lib. I.

9 (7)
5a96

A PARIS,

Chez BUISSON, Libraire, Hôtel de Mefgrigny
rue des Poitevins, No. 13.

1787.

STRAD CAT
BIBLIOTECA

ALLAPAL DE FILOSOFY

DES TROUBLES

DE

L'AMÉRIQUE ANGLAISE.

CHAPITRE XVI I.

LE Général Clinton, qui étoit venu à la tête 1778: de quatre mille hommes pour porter des fecours à Rhode-Ifland, trouvant cette place hors de danger, étoit auffi retourné à New-York. A fon arrivée il détacha le Général-Major Grey avec un corps de troupes, fous l'escorte d'une fré gate, pour une expédition dans la baie des Buzzards. Cette baie, fur la côte de Plimouth, contient beaucoup de criques & de petits ports qui fervoient de retraite aux Corfaires Améri cains. Ces derniers incommodoient le commerce de Long-Island & de New-York, & échappoient ordinairement aux poursuites des Anglais à cause de la proximité de la baie, de la petitesse de leurs vaisseaux, & du peu d'eau qu'il y avoit dans Tome III.

ر

778. les criques. Il fut donc réfolu de les détruire dans
leurs ports. Le 5 Septembre, entre fix & fept
heures du foir, les troupes débarquèrent des
deux côtés de la rivière Acushinet, & le len-
demain à midi elles détruifirent foixante-dix
voiles, outre un grand nombre de barques. Elles
brûlèrent auffi les magafins, les hangards, les
munitions, les cordages & les bateaux qui étoient
dans les chantiers de Bedford & de Fair - Haven,
De là elles pafsèrent dans une île appellée Mar-
tha's Vineyard, dont les habitans, comme ceux
de Nantucket, étoient autrefois célèbres pour
leur efprit d'entreprise, leur habileté & leur
grand fuccès à la pêche: elles y prirent dix mille
moutons, & trois cens bœufs qu'elles firent passer
à New York.

L'Amiral Montague, qui commandoit l'ef-
cadre au banc de Terre-Neuve, ne fut pas
plutôt informé que les hoftilités étoient com-
mencées fur les côtes d'Amérique, qu'il envoya
le Commodore Evans avec un vaiffeau de ligne
& quelques frégates pour prendre poffeffion des
îles Saint-Pierre & Miquelon qui avoient été
cédées à la France pour y accommoder & fécher
le poiffon. Comme ces places n'étoient pas en
état de défenfe, elles capitulèrent fur le champ.
Le Gouverneur, & environ deux mille perfonnes
qui les habitoient furent transportés en France,

Toutes les habitations & les établissemens, qui 177: fervoient à la pêche furent détruits, & l'île re

mife dans fon état naturel.

furent de retour de

Auffi-tôt que les troupes la rivière Acushinet, le Chevalier Clinton projetta une autre expédition. Il réfolut de les envoyer à Egg-Harbour fur la côte de Jersey, où les Américains avoient beaucoup de Corfaires & de prifes, &, ce qui étoit encore plus important, un grand nombre de falines. Pour dé tourner leur attention de cet objet, & pour procurer en même temps du fourage & des provifions à l'armée, Mylord Cornwallis s'avança dans les Jerseys avec un corps de troupes, & prit pofte à New-Bridge fur la Hackinfack, , ayant cette rivière à sa gauche, & celle du nord à sa droite. Le Lieutenant-Général Knyphaufen marcha avec une autre divifion du côté oriental de la rivière du nord jufqu'à Wepperham, & prit une pofition parallèle à celle de Mylord Cornwallis, fa gauche s'étendant jufqu'à cette rivière, & fa droite jusqu'à la Brunx. Il est impossible de concevoir une fituation plus favorable pour les opérations militaires. Les deux divisions n'étant féparées que par la rivière du nord, pouvoient, par le moyen de bateaux plats, réunir leurs forces en vingt-quatre heures, fur l'une ou l'autre rive, tandis que M. Washington n'étoit