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8. Plufieurs autres arrêts ont confirmé le principe établi, no 2, que les donations de fommes à recevoir après le décès du donateur, font donations à caufe de mort; lorfque, par les termes de l'acte, on voit que le donateur a entendu donner après fa mort, malgré les claufes de rétention d'ufufruit, conftitut & précaire & autres femblables, dont on voudroit induire que le donateur s'eft mal énoncé, en donnant à prendre fur fa fucceffion, & qu'il a eu l'intention de donner dès-à-préfent la fomme dont il différoit le paiement après fa mort. Ricard, en fon traité Des donations, part. z, no 990, fait mention d'un arrêt, du 19 mars 1649, qui a déclaré nulle la donation d'une fomme de quarante-huit mille livres, à prendre après le décès du donateur, en tel état que fe trouveroient tous fes biens.

Le fieur Mareuil avoit fait à la dame de Bretenville, le 7 octobre 1719, donation qualifiée entre-vifs avec toute garantie & réserve d'ufufruit, » d'une fomme de cent mille livres, à prendre en fonds & immeubles, que ledit fieur Mareuil laiffera à fon décès, dont l'eftimation fera lors faite, defquels immeubles elle aura la jouiffance, après le décès dudit fieur Mareuil ».

A la mort du fieur Mareuil, fes héritiers demanderent la nullité de la donation. C'étoit de la part du fieur de Mareuil, difoient-ils, donner & retenir, que de donner des fonds qu'il poffederoit à fon décès, ces expreffions lui confervoient la liberté de difpofer de fes biens, ce qui rendoit fa donation illufoire, & par conféquent nulle. La ratification qu'il a faite par le contrat de mariage de la donataire, ne peut valider la donation nulle dans fon principe: Qui confirmat nihil dat.

Une fentence rendue fur délibéré aux requêtes du Palais, après une plaidoyerie de trois audiences, le 16 juillet 1733, a déclaré nulle la donation faite par le fieur Mareuil. Arrêt confirmatif, rendu au rapport de M. de la Guillaumie, après un partage d'opinions, départagé tout d'une voix, le 11 février 1735: Confeil, fol. 325-330,

n° 4,

coté 2229. Une autre donation d'une fomme de

qninze mille livres, au profit de la même donataire, à prendre fur les plus clairs & apparens biens de la fucceffion du donateur, pour en jouir du jour de fon décès, a pareillement été déclarée nulle par arrêt rendu en la grand'chambre, au rapport de M. Simonnet, le 29 août 1736: Confeil, fol. 27-27, n° 2, coté 2283.

9. Le fieur Bouret, par le contrat de mariage de la demoiselle fa fille avec le fieur de la Meffangere, lui avoit affuré une fomme de quarante mille livres, avec réferve d'ufufruit; laquelle fomme étoit dite à prendre fur les biens préfens & à venir des fieurs & dame Bouret pere & mere, fansque le furvivant d'eux puiffe être troublé dans la jouiffance & difpofition de fes biens.

Le fieur Bouret eft décédé, laiffant pour plus de trois cent mille livres de dettes; il s'eft formé entre fes créanciers un contrat de direction.

Le fieur de la Meffangere a prétendu entrer en contribution pour la fomme de quarante mille livres, affurée à fa femme par fon contrat de mariage. Sa prétention a été condamnée par MM. Vifinnier & Pothouin, choifis pour arbitres. Il s'eft pourvu enfuite au châtelet où la demande a été appointée.

Sur l'appel de l'appointement, le fieur de la Meflangere a foutenu que la donation étoit entre-vifs & irrévocable, comme il paroiffoit par la réferve d'ufufruit, qui emportoit tradition actuelle ; que la claufe par laquelle les donateurs avoient ftipulé qu'ils ne pourroient être troublés dans la jounfance & difpofition de leurs biens n'étoit qu'une fuite de cette réferve d'ufufruit; que les donateurs avoient voulu ôter toute action au donataire pendant leur vie, mais qu'ils n'avoient pas prétendu les en exclure après leur décès; qu'autrement ils auroient fait une difpofition illufoire, ce qu'on ne peut jamais préfumer.

Les créanciers foutinrent que la donation ne devoit être regardée que comme une difpofition à caufe de mort, qui nedevoit paffer qu'après toutes les dettes contractées par les donateurs; que c'étoit évidemment le fens de la dernière claufe

qu'en fe réfervant la difpofition de leurs biens, ils s'étoient réfervés, tant le droit d'aliéner, que celui d'obliger, d'hypothé quer, de contracter des dettes.

Par arrêt rendu en la grand'chambre, le 12 décembre 1736, le fieur de la Meffangere fut débouté de fa demande, afin d'entrer en contribution pour les quarante mille livres données à fa femme: Plaidoyeries, fcl. 429-432, 1° 29, coté 2535: Journal MS. de MM. Delambon & Masson.

10. Par contrat du 21 décembre 1714, la veuve Morand,« pour l'amitié qu'elle porte à fon fils aîné, notaire au châtelet de Paris, lui donne par donation entre-vifs, pure & fimple & irrévocable, & en la meilleure forme que donation puiffe valoir, la fomme de quinze mille livres à prendre après le décès d'elle donatrice, fur les premiers deniers qui proviendront des biens & effets de fa fucceflion, meubles & immeubles, qu'elle a dès-à-préfent, porte le contrat, chargés, affectés, obligés & hypothéqués au paiement de ladite fomme de quinze mille livres, pour par ledit M Morand, fes hoirs & ayans caufe, en jouir, faire & difpofer en toute propriété, comme de chofe lear appartenante, du jour du décès de ladite demoiselle veuve Morand, jufqu'auquel jour, elle fe réferve l'ufufruit & jouiffance d'icelle, qu'elle reconnoît tenir dudit fieur fon fils à titre de conftitut & précaire, & dès-à-préfent elle s'eft deffaifie en fa faveur de tous fefdits biens, jufqu'à concurrence de ladite fomme de quinze mille livres, voulant qu'il en foit faifi & mis en poffeffion par qui il appartiendra ».

La veuve Morand décéda en 1732, laiffant pour héritiers préfomptifs trois enfans; le fieur Morand, notaire, un autre fils, marchand, & une fille, mariée au fieur Lecamus. Les deux premiers renoncerent à la fucceffion , pour s'en tenir à leurs avanpages; la dame Lecamus fut la feule qui acrepta la fucceflion par bénéfice d'inventaire, Le fieur Morand, notaire, forma contre elle & fon mari la demande en paiement des quinze mille livres, contenues en la donation de 1714.

Par fentence contradictoire rendue au Châtelet de Paris, le 19 décembre 1733,

les fieur & dame Lecamus furent condamnés, en leur qualité d'héritiers bénéficiaires, à lui payer les quinze mille livres demandées. Appel au parlement.

» Perfonne n'ignore en jurifprudence, ce qui conftitue la différence effentielle entre la donation entre-vifs, & la donation à caufe de mort, difoit dans cette caufe M. l'avocat-général Gilbert. La donation entre-vifs eft un contrat, parce qu'on s'engage, & ce contrat par fa nature fuppofe une obligation néceffaire & irrévocable. La donation a caufe de mort, au contraire, n'eft qu'une deftination anticipée, dont l'effet & la confommation fe réfere à la mort du donateur, en cas qu'il perfifte jufques là. Dans l'une, le donateur préfére fon donataire à lui-même, & fe dépouille en fa faveur; dans l'autre, le donateur fe préfére à fon donataire, & ne préfere ce donateur qu'à fon héritier; il demeure maître de la chofe donnée & de fa difpofition jufqu'à fon décès.....”.

"De ce caractère naturel d'engagement & de contrat néceffairement obligatoire de la donation entre-vifs, font nécs parmi nous deux conditions, qui lui font égalemenc effentielles: l'une qui nous eft commune avec le droit romain dans fon dernier état, mais que notre ufage femble avoir porté plus loin; l'autre qui eft propre à nos mœurs & dérive de nos coutumes, quoique peut-être elle ne fût pas étrangere aux anciennes difpofitions du droit romain. Ces deux conditions s'expriment ordinairement parmi nous par les termes de tradition de droit & de tradition de fait.

» Par la tradition de droit, nous entendons l'irrévocabilité de la donation en elle même, & c'eft celle des deux conditions, qui nous eft commune avec le droit romain

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Donner & retenir, ne vaut, dit l'article 273 de la coutume de Paris. Delà, l'irrévocabilité de la donation entre-vifs fe trouve établie comme une condition néceffaire pour fa validité; car c'eft retenir la chofe donnée, que de conferver la liberté de révoquer le don qu'on en a fait ».

Mais l'article 274, qui fuit immédiatement dans la même coutume, va plus loin; il rend plus précife & plus abfolue la premiere condition en l'expliquant ; & en

même

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même temps,

il en ajoute une feconde, qui eft celle que nous entendons, fous le nom. de tradition de fait; c'eft qu'il faut que le donateur fe dépouille de fon vivant de la poffeffion de la chofe donnée; enforte que la donation eft nulle par l'événement, s'il conferve cette poffeffion jufqu'à fon décès. « C'eft donner & retenir, dit cet article... quand le donateur s'eft réfervé la jouiffance..... de difpofer librement de la chofe par lui donnée, & qu'il demeure en poffeffion jufqu'au jour de fon décès ".

» Cette derniere condition étoit trop conforme à l'efprit de nos anciennes mœurs, trouver fa place dans nos coupour ne pas tumes. Tout s'accompliffoit autrefois parmi nous par la tradition de fait, & c'étoit elle qui mettoit le fceau prefque à tous les contrats & à tous les engagemens de la fociété civile. On fait affez que, pour la rendre plus publique & plus folemnelle, il y avoit des voies. fymboliques & figurées, fi l'on peut ainfi par ler, par lefquelles elle s'accompliffoit...... » Cette condition de la tradition de fait, c'eft-à-dire, de la délivrance de la poffeffion, fubfifte encore aujourd'hui.... ; mais il faut avouer que fon exécution eft devenue moins rigoureufe & moins réelle, par la facilité qu'on a eue, dans la plupart de nos coutumes, d'admettre la réferve d'ufufruit & la claufe de conftitut & de précaire. Lorfque le donateur, par le contrat de donation, fe réserve l'ufufruit de la chofe donnée, ou qu'il déclare qu'elle ne demeure en fes mains, que précairement; enforte qu'il ne la tient que pour la donataire & en fon dès-lors la tradition de fait eft accomplie, il n'en faut pas d'autre, &, à cet égard, la donation acquiert la perfection néceffaire. C'eft encore ce que porte en propres termes, l'article 275 de la coutume de Paris: « ce n'eft donner & retenir, quand on donne la propriété d'aucun héritage, retenu à foi l'ufufruit à vie ou à temps, ou quand il y a claufe de conftitut ou précaire, & vaut telle donation v.

nom,

L

"Quant à la tradition de droit, c'eft-àdire, l'irrévocabilité,....elle n'admet point de détour; elle eft de rigueur; il eft d'une abfolue néceffité pour la validité de toute donation entre-vifs, qu'elle foit véritableTome VII,

ment & réellement irrévocable. Ce n'eft pas que la donation entre-vifs ne puiffe être faite fons une condition, de l'événement de laquelle dépendra l'effet qu'elle doit avoir e mais non-feulement, il faut que la donation oblige néceffairement & foit irrévocable en foi, pour le cas où la condition, d'où elle dépend, arrivera; il faut de plus que l'événement de cette condition ne dépende ni directement, ni indirectement. de la volonté du donateur; autrement ce feroit, de fa part, s'être réfervé un pouvoir réeb de confirmier ou de détruire la donation qu'il a faite, s'il l'avoit attachée à unede ces con ditions qu'on appelle en droitpoteftatives, c'eft-à-dire, dépendantes de fa volonté.....

Après avoir ainfi exposé les caracteres diftinctifs de la donation entre-vifs, M, l'avocat général paffa à l'examen particulier de la donation, qui faifoit l'objet de la difficulté.

» Si d'abord nous confidérons, difoit ce magiftrat, cette donation d'une vue géné rale, nous voyons que la veuve Morand donne à fon fils une fomme de quinze mille livres à prendre après fon décès fur fes biens; telle eft en général l'idée, que porte avec for cette donation. Mais cette idée eft équivo que; elle peut admettre deux fens auffi différens en eux-mêmes, que dans leurs effets

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» La veuve Morand entend-elle une fomme de quinze mille livres, dont elle devienne actuellement débitrice; qui charge & qui affecte dès-lors tous fes biens, & dont le paiement foit feulement différé jusqu'à fon décès par forme de terme & d'échéance? En cela il n'y a rien qui répugne à la nature d'une donation entre-vifs, ni d'où fa nullité fe puiffe induire. La donation d'une fomme payable dans un certain temps, ou dans un certain événement, foit à la mort du dona teur, ou en toute autre occafion, n'en eft pas moins irrévocable. Il en eft de même que d'une promeffe ou de toute autre obligation dont le paiement fe trouve ainfi ftipulé; l'obligation eft formée; la chofe eft due; le dé biteur en eft tenu, & fes biens y font fujets, fuivant que le comporte la nature de l'obligation. Mais la chofe n'eft exigible, & le paiement ne doit être fait qu'à l'échéance du terme, & au temps de l'événement, jufqu'auquel ce paiement est différé. Ainsi

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dans une telle donation, la tradition de de droit, l'irrévocabilité requise pour la validité des donations entre-vifs, fe trouvent remplies. Quant à la traditon de fait, la tranfmiffion de la poffeffion au donataire, elles'y trouve auffi fuffifamment par la claufe de réferve d'ufufruit, de conftitut & de pré

caire......

» Au contraire, la donatrice a-t-elle entendu ne donner à fon fils, que quinze mille livres à prendre dans fa fucceffion telle qu'elle fe trouveroit lors de fon décès; en forte que ne s'y trouvant rien qui fût libre, & qui n'eût été épuisé par avance par des dettes, ou par d'autres engagemens contractés de fon vivant & depuis la donation, cette donation fe trouve caduque dans fon effet, & inutile? En un mot, la donatrice a-t-elle donné de maniere qu'elle demeurât libre jufqu'à fon décès d'épuifer fes biens, & de les fouftraire à l'effet de la donation? En ce cas, il ne paroît pas douteux, que cette donation ne foit radicalement nulle: elle peche contre l'irrévocabilité effentielle aux donations entre-vifs. Cette irrévocabilité parmi nous ne doit pas être fimplement en apparence; il faut qu'elle foit réelle & effective. C'eft donner & retenir, fuivant la coutume de Paris, lorfque le donateur fe réserve la liberté de difpofer de la chofe donnée.....c'eft fe réserver la liberté de difpofer de la chose donnée, que de conferver la libre difpofition de tous fes biens univer. fellement destinés à la fournir, pendant qu'elle ne peut être exigée qu'après la mort, & fur la fucceffion du donateur; ainfi la donation n'eft point réellement irrévocable, & il n'y a point de véritable tradition de droit. Dès-lors la tradition de fait par la voie feinte de rétention d'ufufruit, de conftitut & de précaire, de deffaififfement des biens, jufqu'à concurrence de la fomme donnée & autres femblables claufes, tout cela n'eft qu'un pur ftile, qui ne peut donmer à la donation l'effentiel qu'elle n'a pas ».

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C'eft relativement à ces deux vues oppofées, qu'il faut confidérer les termes dont il s'agit, pour connoître à laquelle des deux elle doit fe rapporter. La veuve Morand y donne à fon fils préfent & acceptant, par donation entre-vifs, pure & fim

ple & irrévocable & en la meilleure forme que donation puisse valoir; (jusques là la donation, l'acceptation, fe trouvent exprimées dans les termes les plus forts & les plus précis). Que donne ainfi la donatrice? la fomme de quinze mille livres à prendre après son décès, fur les premiers deniers qui proviendront, des biens & effets de fa fucceffior, meubles & immeubles. C'eftici la claufe principale de la donation. A s'en tenir à cette claufe, c'eft fur les biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, & fur les premiers deniers qui en proviendront, que la fomme de quinze mille livres eft à prendre; ce n'eft pas fur les biens actuels que la donatrice poffede, ou fur quelqu'un d'eux en particulier; ce n'eft pas non plus fur l'univerfalité de fes biens, tant ceux qu'elle poffede actuellement, que ceux qu'elle pourra acquérir dans la fuite, c'eft expreffément & précifément fur les biens & effets de fa fucceffion, fur ce qui fe trouvera dans fa fucceffion, fur fa fucceffion enfin : car toutes ces différentes fortes d'expreffions font fynonimes, & indiquent évidemment ce qui se trouvera dans la fucceffion de la donatrice. Ainfi, à fe renfermer dans ces termes, elle demeure libre d'aliéner tous fes biens de fon vivant, fans que la donation y puiffe faire d'obftacle. Ainfi, jufques-là, il paroît bien difficile de trouver dans la donation le caractere d'irrévocabilité néceffaire, pour qu'elle puiffe valoir; mais il refle encore à confidérer ce qui fuit ».

» En même temps que la donatrice fait la, donation à prendre fur les premiers deniers qui proviendront des biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, elle ajoute, qu'elle les a dès-à-préfent chargés, affectés, obligés & hypothéqués au paiement de la fomme de quinze mille livres; elle fait une affedation de biens; elle les oblige & les hypotheque dès-lors; mais quels biens? Ce font feulement ceux de fa fucceffion, meubles & immeubles, & non pas

fes biens en général, ni aucun bien en particulier, fur les premiers deniers qui proviendront des biens & effets de fa fucceffion, meubles & immeubles, qu'elle a dès-à-préfent chargés, &c. Ces termes font indivifibles; il n'y a d'obligé, ni d'hypothéqué,

vient de précéder ».

que les biens de fa fucceffion; elle n'oblige
donc réellement que fa fucceffion : elle
l'oblige dès-lors; mais ce n'eft toujours
que fa fucceffion qu'elle oblige. Par confé
quent fa donation n'a d'objet réel que ce
qui fe trouvera dans fa fucceffion, fans
qu'elle foit obligée d'y rien laiffer, & que
Tien l'empêche d'épuifer cette fucceffion
pendant fa vie, foit par des aliénarions,
des aliénarions,
foit
par d'autres libéralités indépendantes
de l'état où elle laiffera fa fucceffion ».

» Vient ensuite la clause de réserve d'ufufruit en ces termes : pour par ledit M. Morand, fes hoirs & ayans caufe en jouir, (c'est-à-dire, de la fomme de quinze mille livres), faire & difpofer en toute propriété comme de chofe leur appartenante dudit jour du décès de ladite demoiselle veuve Morand, jufqu'auquel elle fe réserve l'ufufruit & jouiffance d'icelle, qu'elle reconnoit tenir dudit fieur fon fils à titre de conftitut & précaire. Ce n'eft toujours que de la fomme à prendre fur les biens de fa fucceffion qu'il s'agit; c'est à cet objet auquel fe réduit la donation, & que fe réduit auffi la claufe de réferve d'ufafruit, de conftitut & de précaire; cette claufe de ftyle ne fupplée point à l'irrévocabilité qui manque à la fubftance même de la donation ».

» Vient enfin la derniere claufe qui porte: & dès-à-préfent elle s'eft deffaifie en Ja faveur de tous fesdits biens, jufqu'à concurrence de ladite fomme de quinze mille livres ci-deffus donnée, voulant qu'il en foit faifi & mis en poffeffion par qui il appartiendra, conflituant à cet effet pour fon procureur, le porteur des préfentes. Cette claufe, qui a un rapport vifible aux coutumes de nantiffement & de faifine, porte d'autant plus le caractere d'un pur ftyle employé au hafard, qu'il y a moins d'apparence que la veuve Morand, donatrice, eût ou dût avoir dans la fuite aucuns biens dans de femblables coutumes. Mais enfin prenons la telle qu'elle eft. Elle porte dévêtiffement & abdication; mais defdits biens, ce font les propres termes de la claufe, & par conféquent feulement des biens de la fucceffion future de la donatrice, puifque ce font les feuls dont il a été parlé jufqu'alors, & auxquels fe rapporte uniquement tout ce qui

«Ainfi, en confidérant l'une après l'au tre, toutes les parties de la difpofition en les réuniffant toutes enfemble, de quelque maniere qu'on les prenne, elles fe réduifent à l'objet unique d'une fomme de quinze mille livres, à prendre uniquement fur les biens qui fe trouveront dans la fucceffion de la donatrice; fur cette fucceffion, telle qu'elle pourra fe trouver: & par conféquent la donation, telle qu'elle eft conçue, laiffe à la donatrice la libre difpofition de tous fes biens pendant fa vie. Mais s'il est ainfi, elle péche contre l'irrévocabilité effentielle aux donations entre-vifs; elle tombe dans le cas porté par l'article 274 de la coutume de Paris; c'eft donner & retenir, quand le donateur s'eft réfervé la jouiffance de difpofer librement de la chofe par lui donnée. Une donation de quinze mille livres à prendre far les biens, ne peut, dans. nos maximes, être confidérée comme donation entre-vifs, qu'en la confidérant comme une donation des biens, jufqu'à concurrence de quinze mille livres : donc, quand le donateur s'eft réfervé la liberté de difpofer de tous fes biens fans exception pendant fa vie, c'eft réellement s'être réfervé la liberté de difpofer de la chofe donnée; ce que la coutume défend fi expreffément ».

Ces raifons déterminerent M. Gilbert à conclure à ce que la fentence für infirmée, émendant, la donation fut déclarée nulle. Ainfi jugé au rôle de Paris, le mardi 21 mai 1737 Plaidoyeries, fol. 338-339 n° 6, coté 2595.

On trouve dans les Œuvres de Cochin' tome 4, pag. 392, un mémoire imprimé dans cette caufe pour le fieur le Camus.

11. Le comte de Lutzelbourg avoit époufé la demoiselle de Borio. Par leur contrat de mariage en date du 13 avril 1741, la demoifelle le Clerc avoit » volontairement fait donation entre-vifs à la demoiselle future époufe, ce acceptant pour elle, tant par le fieur comte de Borio fon pere & tuteur, que par lefdits fieur & demoiselle futurs époux, de quarante mille livres à prendre auffitot le décès de ladite demoiselle le Clerc, foit en argent, foit en fonds, au choix defdits fieur & demoifefl

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