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ses parens: il fut très-agréablement flatté, nous reçut à merveille, et me donna toutes les informations que je pouvois désirer sur l'origine de la famille. Nous continuâmes notre route par Caen ; nous y visitâmes le tombeau de Guillaume le Conquérant, et nous retournâmes à Londres, où Milord Algernon exprima toute la satisfaction qu'il avoit eue dans l'expédition que nous venions de faire.

Milord Bute, vers ce temps-là, dit à son frère de m'amener avec lui à Luton; c'est le nom d'une terre, à trente milles de Londres, qu'il avoit achetée pour s'y faire une retraite, En peu de temps il y a élevé un bâtiment superbe, dont le plan est un double T: le parc a trois lieues de tour, enfermé d'une palissade; et, près de la maison, est un jardin de botanique de trente arpens, dont l'entretien seul coûte plus de vingt mille livres par année, Milord Bute est un des plus grands botanistes du siècle ; il a recueilli, avec un soin incroyable, toutes les plantes rares de la terre dans son jardin, et les arbres les plus rares dans son parc. Il y a fait cinq lieues d'allées sablées, et sapées, où, quelque temps qu'il fasse, on peut se promener à sec: l'entretien de la maison, du parc et du jardin, ne lui coûte pas moins de soixante mille livres de France par an. Sa bibliothèque contient

trente mille volumes; c'est un vaisseau de cent

cinquante pieds de long sur quarante de largeur et vingt de hauteur: à côté est un cabinet d'instrumens de mathématiques, d'astronomie et de physique, qui peut passer pour le plus complet en ce genre qu'il y ait en Europe. C'est là que, depuis l'année 1766, temps auquel il déclara dans la Chambre des Pairs qu'il ne voyoit point le Roi, et ne se mêloit plus des affaires, Milord Bute a vécu plus en philosophe qu'en homme du monde ; appliquant son esprit uniquement à la contemplation et à l'étude des sciences et des arts, qu'il a toujours encouragés avec une générosité et une magnificence sans égale. C'est de tous les grands Seigneurs que j'ai connus particulièrement, celui qui en a les qualités les plus éminentes: généreux sans la moindre ostentation, grand dans toutes ses vues, noble dans toutes ses actions; et, de plus, humain, doux, d'une simplicité touchante dans la vie privée, sans jamais rien perdre de la dignité qui est propre à son caractère*. Milord Bute songeoit alors à aller en Italie pour sa santé ; il étoit déjà décidé que j'irois faire le tour de l'Europe avec Lord Algernon Percy; autrement, je crois que je l'eusse accompagné. Son frère et lui me donnèrent le plan de l'Itinéraire que j'ai exécute depuis, et qui passe pour l'ouvrage le plus utile en ce genre qui ait paru jusqu'ici.

* Ceci s'écrivoit en 1775.

Le Duc de Northumberland m'avoit engagé à voyager avec son fils; et j'avois accepté avec d'autant plus de plaisir cette proposition, que j'a vois un très-grand désir de voir Rome et le reste de l'Italie, n'ayant jamais été plus loin que Turin. Partisan des anciens comme je l'étois, ce voyage avoit de grands attraits pour moi; et, mes facultés ne me permettant pas de l'entreprendre seul, rien ne pouvoit m'être plus agréable qu'une semblable occasion. Je n'étois point censé être Gouverneur de Milord Algernon; mais il avoit ordre, d'un autre côté, de se conduire par mes avis, et d'avoir pour moi la même déférence qu'il avoit pour son père même. Je fus laissé le maître de former le plan, de régler la dépense; et le Duc me donna carte blanche à cet égard, nous recommandant bien de ne point épargner sa bourse ; et son fils n'étoit pas d'humeur à se faire prier làdessus. Le jour qui précéda notre départ, le Duc me parla de la récompense que méritoit le soin que j'allois prendre, et vouloit me l'assurer d'avance: mais je refusai constamment l'offre qu'il m'en fit. Je lui dis que j'étois persuadé qu'elle ne pouvoit manquer à mon retour, s'il trouvoit que je la méritasse ; et que j'étois charmé d'ailleurs d'avoir occasion de reconnoître la part qu'il avoit dans la promesse du Roi de disposer en ma faveur du bénéfice considérable qui devoit bientôt vaquer. Il me parut satisfait du désin

téressement et de la confiance que je lui témoi gnois. Je donnai les ordres nécessaires, pour les équipages et le train convenable à notre départ; et nous quittâmes Londres, en nous faisant l'idée la plus agréable du voyage que nous allions entreprendre.

CHAPITRE III.

Départ de Londres pour faire le Tour de l'Europe. -Plaisante repartie du Chevalier de la Borde. -Marquise Balbi de Génes.-Florence.

UOIQUE je parte avec Lord Algernon Percy pour un long voyage, je déclare à mes lecteurs que je n'entends point leur rendre compte de toutes ses démarches et de ses actions: je le prendrai et Je laisserai selon que je le trouverai à propos, par la raison que, si j'étois un accessoire dans ses voyages, il en est un dans mes Mémoires.

Je me contenterai de dire, une fois pour toutes, en peu de mots, la règle que j'observois pour le conduire, sans qu'il en eût le moindre soupçon; cela pourra servir à ceux qui sont dans le cas de guider la jeunesse, que ce soit pour leurs enfans ou pour leurs élèves. Je me faisois une loi de lui témoigner beaucoup de complaisance dans mille choses indifférentes, afin qu'il fût de mon avis dans les choses essentielles, qui arrivent plus rarement. Cela n'a jamais manqué de produire son effet si j'avois un conseil à lui donner qui ne fût pas de son goût, ou si je voulois obtenir de lui quelque complaisance dont lui seul de

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