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ments fameux par un revers assez inattendu, mais désormais impossible à méconnaître, sauf la mesure. M. de Gingins, à peine cité en France, est un de ces érudits qui, sans se soucier de l'effet vulgaire, poursuivent un résultat en lui-même, à peu près comme M. Letronne quand il avise un point de géographie, ou comme M. Magendie quand il interroge à fond un rameau de nerf. De plus, dans le cas présent, un mobile particulier l'animait né au sein de la Suisse romande, pour laquelle ses aïeux combattaient en chevaliers, il s'est senti sollicité à en rechercher le rôle dans ces guerres et à s'y intéresser en patriote non moins qu'en curieux. Toute la Suisse, en effet, ne se rangeait pas alors dans un seul camp, et, avec le Bourguignon, la portion dite. française fut vaincue. Le pays de Vaud notamment, qui relevait de la Savoie, mais dont le baron et seigneur, le comte de Romont, était d'ailleurs attaché au duc de Bourgogne, eut à subir de la part des Allemands une irruption inique, non motivée, et marquée des plus cruelles horreurs. Selon M. de Gingins, cette querelle compliquée des Suisses contre le duc Charles ne saurait se justifier au point de vue national, ni dans ses préliminaires, ni dans ses différentes phases. Ennemis héréditaires de la maison d'Autriche, amis incertains et très-récents de la couronne de France, les Confédérés avaient, au contraire, toujours trouvé dans la maison. de Bourgogne une alliée sûre et fidèle. Intérêts de commerce et d'échange, intérêts politiques, tout les liait; la Franche-Comté de Bourgogne était devenue presque la seconde patrie des Suisses. Comment donc expli

quer le brusque revirement qui les mit aux prises? Les intrigues de l'archiduc Sigismond pour récupérer la Haute-Alsace, qu'il avait cédée au duc Charles dans un moment de détresse; l'or et surtout les paroles de Louis XI, qui le mirent à même de la racheter à l'improviste, amenèrent la première phase dans laquelle les Suisses, entraînés par Berne, et agresseurs hors de chez eux, épousèrent une querelle qui n'était pas la leur, se jetèrent à main armée entre la Franche-Comté et l'Alsace, franchirent le Jura neuchâtelois, et devinrent patemment les auxiliaires actifs d'un vieil ennemi contre un prince qui ne leur avait jamais été que loyal. La seconde phase de cette guerre, la mémorable campagne de 1476, à jamais illustrée par les noms de Granson et de Morat, cette lutte corps à corps dans laquelle il semblerait que les Suisses traqués ne faisaient que se défendre, est plus propre sans doute à donner de l'illusion; mais même dans ce second temps, si on veut bien le démêler avec M. de Gingins, on est fort tenté de reconnaître que le duc Charles (Charles le Hardi, comme il l'appelle toujours, et non le Téméraire) ne franchissait point le Jura en conquérant; il venait rétablir le comte de Romont et les autres seigneurs vaudois dans la possession de leur patrimoine, dont les Suisses les avaient iniquement dépouillés pour leur attachement à sa personne; il venait délivrer le comté de Neufchâtel de l'occupation oppressive des Bernois. Toute la gloire du succès et l'éblouissement d'une journée immortelle ne sauraient atténuer à l'œil impartial ces faits antérieurs et les témoignages qui les éclai

rent. Enfin la campagne qui se termina à la bataille de Nancy, et qui forme la troisième période de la guerre de Bourgogne, cette expédition dans laquelle le duc de Lorraine recruta dans les cantons, moyennant solde fixe, les hommes d'armes de bonne volonté, ne fut à aucun titre une guerre nationale, pas plus que toutes celles du même genre où les troupes suisses capitulées ont figuré depuis. L'ensemble d'une telle querelle, entièrement politique et même mercenaire, où les Confédérés servirent surtout l'ambition de Berne, ne saurait donc s'assimiler que par une confusion lointaine à ce premier âge d'or helvétique, à cette défense spartiate et pure des petits cantons pauvres et indépendants. Mais, en revanche, l'éclat du triomphe émancipa hautement la Suisse, la mit hors de page, elle aussi, et aurang des États; et comme l'a très-bien dit un autre historien de ces contrées : « La bataille de Morat a << changé l'Europe; elle a dégagé la France, relevé l'Au<< triche, et ouvert à ces deux puissances le chemin de « l'Italie, que la maison de Bourgogne était tout au <<< moins en mesure de leur barrer. Aussi, voyez les «Suisses pendant les trente années qui s'écoulèrent «entre Morat et Marignan! Rien alors ne se fait sans « eux, et les plus grands coups, ce sont souvent eux <«< qui les donnent (1). »

Quoi qu'il en soit des vues nouvelles que ce coin de la question, tardivement démasqué, ne peut manquer

(1) Histoire de la Révolution helvétique dans le canton de Vaud, par M. J. Olivier (1842).

d'introduire dans l'histoire finissante de la maison de Bourgogne, l'effet des beaux récits de Jean de Muller et de M. de Barante subsiste; l'impression populaire d'alors y revit en traits magnifiques et solennels que le plus ou le moins de connaissance diplomatique ne saurait détruire. Cette destinée fatale qui pesa sur le malheureux Charles, à mesure qu'on l'approfondira davantage, ne peut même que gagner en pathétique sombre.

Nous allions oublier de dire qu'avant la publication de son histoire, M. de Barante avait contribué pour sa bonne part à l'introduction des Théâtres étrangers parmi nous. Traducteur des œuvres dramatiques de Schiller, il a mis en tête une notice développée, telle que la peut dicter une haute et fine raison. Il a également traduit l'Hamlet dans le Shakspeare publié par M. Guizot. En tout cela encore il s'est montré partisan et organe d'une réforme supérieure et modérée.

Après le succès éclatant de son histoire, M. de Barante dut concevoir quelques autres projets que son talent vif et facile lui eût permis sans doute de mener à fin; la révolution de Juillet est venue les interrompre, en le jetant encore une fois dans la vie politique active. Nous noterons pourtant une charmante petite nouvelle de la famille d'Ourika et du Lépreux, intitulée Sœur Marguerite; échappée à la plume de notre ambassadeur à Turin, en 1834, elle a témoigné de cette délicate variété de goût qu'on lui connaissait, et de cette jeunesse conservée de cœur. C'est l'histoire, sous forme de souvenir, d'une jeune personne, fille d'un médecin

d'aliénés, laquelle se prend à vouloir guérir l'un deux, l'un des moins atteints, et ne réussit qu'à lui inspirer un sentiment que peut-être elle partage. Il se croit guéri, il la demande à son père qui la refuse. Le père est tué par le jeune homme dans un accès de fureur. Elle-même finit par se faire sœur de charité dans l'établissement où le pauvre insensé achève de mourir (1).

Employé bientôt dans une plus lointaine ambassade, et passé de Turin à Pétersbourg, si brillant et si flatteur que fût le succès personnel qu'il y obtint, M. de Barante n'a pas été sans éprouver durant quelques années cette tristesse de voir finir les saisons loin de son pays, loin des relations contemporaines qui furent chères et qu'on ne remplace plus. Du moins il a dû à cet éloignement de ne pas assister de près aux déchirements de ces mêmes amitiés, de n'y prendre aucune part, de les pouvoir garder toutes en lui avec une inviolable fidélité. Réimprimant en 1829 son ancienne brochure Des Communes et de l'Aristocratie, il s'était félicité d'en retrancher ce qui tenait aux controverses antérieures des partis : « Il y a un grand contente<< ment, disait-il, à supprimer les vivacités d'une vieille « polémique, à se censurer soi-même; à se trouver en << harmonie avec des hommes honorables dont autre « fois on était plus ou moins divisé; à se sentir plus « toléré et plus tolérant; à reconnaître qu'autour de soi << tout est plus calme dans les opinions et les souve

(1) Sœur Marguerite se trouve au tome III des Mélanges histoiques et littéraires de l'auteur (1835).

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