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omis dans un article sur Parny, l'intéressant et chaleureux Bertin, semble avoir mieux entrevu un coin de la tâche qu'il eût fallu entreprendre; mais son louable, son généreux effort d'émulation à la Properce est resté inachevé.

Parny touchait à peine à l'âge de vingt-cinq ans, et il semblait déjà embarrassé de sa très-jeune muse d'hier; il disait à la fin de sa Journée champêtre :

Il n'est qu'un temps pour les douces folies,
Il n'est qu'un temps pour les aimables vers.

Mais, quand les vingt-cinq ans furent loin, ce dut être bien pis. Tout le monde lui parlait d'Éléonore, et il sentait que pour lui le souvenir même s'enfuyait, s'effaçait déjà dans le passé. Combien de fois il dut répondre non sans un mouvement d'impatience, aux admirateurs et questionneurs indiscrets:

Ne parlons plus d'Éléonore

J'ai passé le mois des amours!

Au fond, il pensait toujours comme lorsqu'il avait dit dans sa riante peinture des Fleurs:

Pour être heureux, il ne faut qu'une amante,
L'ombre des bois, les fleurs et le printemps.

C'était le printemps qui lui faisait défaut désormais. On a remarqué que certaines natures poétiques, voluptueuses et sensibles, se flétrissent vite; la première fleur passée, elles ne donnent qu'un fruit peu abondant, après quoi ce n'est plus qu'une écorce mince et sèche,

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à laquelle, s'il se peut, s'attache un reste de l'ancien parfum. La forme même des traits change, ce qui était le nerf de la grâce devient aisément maigreur, la finesse du sourire tourne à la malice. Je ne veux pas dire que Parny ait jamais subi toute la métamorphose, ni même qu'il en ait donné signe tout d'abord. Il y eut bien des années intermédiaires; ces années-là sont difficiles à passer. J'ai souvent pensé qu'un poëte élégiaque, qui, son amour une fois chanté, se tairait à jamais et obstinément, comme Gray, par exemple, agirait bien plus dans l'intérêt de sa gloire; il se formerait autour de son œuvre je ne sais quoi de mystérieux, de conforme au genre et au sujet. Son chant, comme celui des oiseaux qui ne chantent que durant la saison des amours, s'en irait mourir vaguement dans les bois. Mais que voulez-vous? il faut bien faire quelque chose de son talent, lorsqu'une fois on l'a développé; il vous reste et vous sollicite, même après que la fraîcheur ou l'ardeur première du sentiment s'est dissipée; car, tout poëte élégiaque l'a dû éprouver amèrement, ce n'est pas tant la vie qui est courte, c'est la jeunesse.

En 1784, Parny sentit la nécessité d'une pause, et sembla vouloir mettre le signet à sa poésie; il publiait la quatrième édition de ses Opuscules, édition corrigée et augmentée pour la dernière fois : « Nous pouvons assurer, disait l'avertissement, que ce Recueil restera désormais tel qu'il est. » Puis il quitta la France, retourna en passant à l'île Bourbon, et fit le voyage de l'Inde, où on le trouve attaché, en qualité d'aide de camp, au gouverneur. Mais cet exil occupé

lassa bientôt sa paresse; il donna sa démission du service et de toute ambition, et, revenu à Paris, publia, en 1787, son choix agréable de Chansons madecasses recueillies sur les lieux, et qu'on peut croire légèreinent arrangées. Cette attention inaccoutumée qu'il accordait à des chants populaires et primitifs nous avertit de remarquer que les Études de la Nature avaient páru dans l'intervalle et cinq ou six ans après la publication de ses élégies. La couleur locale, que Parny n'avait pas eu l'idée d'employer en 1778, lui souriait peut-être davantage depuis qu'il en avait vu les brillants effets et le triomphe (1). A la suite des chansons en prose, on lisait en un clin d'œil, dans le mince volume, les dix petites pièces intitulées Tableaux, simple jeu d'un crayon gracieux et encore léger, mais où déjà l'on pouvait voir une redite, la même image toujours reprise et caressée, une variante affaiblie d'une situation trop chère, dont l'imagination du poëte ne saura jamais se détacher.

(1) Un de nos amis (M. Désiré Laverdant) qui s'est sérieusement' occupé de Madagascar, et qui a pris la peine de recueillir quelques chansons malegaches authentiques, nous confirme d'ailleurs dans notre doute, et nous assure que les Chansons madecasses de Parny sont tout à fait impossibles : « Il a inventé, nous dit-on, les nuances de sentiment, les caractères qu'il prête à cet état de société, et jusqu'aux noms propres; c'est du Parny enfin, du sauvage très-agréablement embelli. » La comparaison de quelques pièces du vrai cru avec celles de Parny, et les considérations piquantes que pourrait suggérer ce rapprochement, nous mèneraient ici trop loin; nous espérons en tirer matière un jour à un petit chapitre supplémentaire. On n'en a pas besoin, en attendant, pour conclure que Parny entendait le primitif un peu comme Macpherson, et pas du tout comme Fauriel.

La révolution éclata, et Parny, malgré les pertes de fortune qu'il y fit successivement et qui atteignirent sa paresse indépendante, ne paraît, à aucun moment, l'avoir maudite, ni, comme tant d'autres plus timorés, plus inconséquents ou plus sensibles, l'avoir trouvée en définitive trop chèrement achetée la ligne littéraire qu'il y suivit invariablement atteste assez qu'elle comblait à certains égards ses voeux encore plus qu'elle ne décevait ses espérances. On raconte qu'il avait composé un poëme sur les Amours des Reines de France, et qu'il le brûla par délicatesse à l'époque où ce poëme aurait pu, en tombant entre des mains parricides, devenir une arme d'infamie contre d'illustres victimes. L'esprit humain enferme de telles contradictions et de telles particularités qu'au moment où, par un sentiment généreux, Parny jetait au feu son poëme galant sur les reines de France, parce qu'alors on les égorgeait, il se mettait à composer à loisir et sans le moindre remords cet autre poëme où il houspillait, selon son mot, les serviteurs de Dieu, tandis qu'ils étaient bien houspilles en effet au dehors, c'est-à-dire égorgés aussi ou pour le moins déportés. Nous touchons ici à son grand crime, à son tort vraiment déplorable, irréparable, et qui souille une renommée jusque-là charmante. Ah! que Parny n'est-il mort comme son ami Bertin au sortir de la jeunesse, à la veille des tempêtes sociales qui allaient soulever tant de limon! On se prend pour lui à le regretter. Quel glorieux souvenir sans tache il eût laissé alors, et quel libre champ ouvert au rêve! Cet aimable éclat s'est à

jamais terni. Je ne crois faire, dans tout ceci, aucun puritanisme exagéré, aucune concession à des doctrines et à des croyances qu'il n'est pas nécessaire d'ailleurs de partager soi-même pour avoir l'obligation de les respecter dans la conscience de ses semblables, et surtout pour devoir ne pas les y aller blesser mortellement, lascivement et par tous les moyens empoisonnés. Dussault a très-bien dit de la Guerre des Dieux que ce poëme figurera dans l'histoire de la Révolution, encore plus qu'il ne marquera dans celle de la littérature, et à ce titre il réclame quelque considération sérieuse. Parny le composa depuis l'an I environ jusqu'à l'an vii, époque de la publication; dans l'intervalle, divers morceaux et même des chants tout entiers avaient été insérés dans la Décade, principal organe du parti philosophique. Au moment de l'apparition du volume, Ginguené, ancien camarade de collége de Parny, mais poussé surtout par son zèle pour la bonne cause, donna dans la Décade jusqu'à trois articles favorables (1), analyses détaillées et complaisantes, dans lesquelles il étalait le sujet et préconisait l'œuvre « L'auteur, disait-il, l'a conçue de manière que les uns (les Dieux) sont aussi ridicules dans leur victoire que les autres dans leur défaite, et qu'il n'y a pas plus à gagner pour les vainqueurs que pour les vaincus. » Après toutes les raisons données de son admiration, le critique finissait par convenir qu'il se

(1) Voir les numéros du 30 pluviòse, du 10 ventôse et du 10 germinal an vii.

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