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«< car il suffirait que cette loi fût fidèlement établie, « littéralement observée par ceux qui l'ont faite, pour << que le renouvellement des troubles devînt tout à fait « impossible. »>-Santa Rosa, dans une lettre à M. Cousin (juillet 1822), écrivait : « Je suis occupé à lire Dau<< nou sur les Garanties. Cet ouvrage a deux parties dis«tinctes. Dans la première, l'auteur examine ce que <«< c'est que la liberté ou les garanties; il les caractérise, « les décompose, les circonscrit; tout cela me paraît en général bien conçu et bien fait. Dans la seconde par<< tie, on recherche comment les divers gouvernements << accordent ou délimitent ces garanties. Ici, Daunou << n'est ni assez étendu ni assez profond. Dans mon «< ouvrage (Santa Rosa méditait un grand travail sur << les gouvernements), je referai cette seconde partie << sous un point de vue plus pratique que théorique, « et j'entrerai dans des détails faute desquels l'ouvrage « de l'oratorien ressemble à un livre de géométrie plu« tôt que de politique (1). » Cette critique ne peut porter que sur la forme; quant au fond, le livre de M. Daunou n'a rien que de très-pratique. Je ne veux pas dire que, transporté et traduit, comme il le fut alors, dans les États de l'Amérique du Sud, il continuât d'être applicable; mais, en France, la société se faisait mûre pour les garanties qu'il réclamait, que la raison pulique se mit par degrés à vouloir, à vouloir avec passion, qu'insultée un jour et défiée, elle revendiqua, trois matins durant, à la face du soleil, et qui sont à peu près obtenues.

(1) Voyez Santa Rosa, par M. Cousin (Fragments littéraires).

Ici, et à dater de cette lutte légale de 1818, commence, sans plus d'interruption ni de crise, le M. Daunou que nous avons tous connu; nous nous attacherons à ce qu'il devint plus manifestement avec l'âge, au pur savant et littérateur. Pendant des années, grâce à la constance inaltérable de son régime et à la rigoureuse économie de ses heures, il sut mener de front trois ordres de travaux importants, dans lesquels son talent patient et sobre, arrivé à sa plénitude, trouvait des développements appropriés, suffisamment divers et parfois brillants: 1° le Journal des Savants dont il fut, dès la Renaissance (1816-1838), le rédacteur principal ou éditeur, comme on disait; 2° la continuation de l'Histoire littéraire, dont il était une colonne, la colonne la plus ornéc (1809-1838); 3o son Cours d'histoire au Collège de France, professé durant onze ans (18191830), dont on n'avait imprimé jusqu'ici que quelques extraits et analyses, qu'on publie enfin aujourd'hui pour la première fois, et qui ne formera pas moins de seize volumes très-remplis.

Sa manière de juger les ouvrages dans le Journal des Savants se rapportait en toute convenance à celle que ce journal a conservée, et que M. Daunou aurait seule retenue, quand tout le monde de nos jours l'eût abandonnée : elle consiste à se borner et presque à s'asservir à l'ouvrage qu'on examine, à l'extraire, à le suivre pas à pas, en y relevant incidemment les fautes ou les beautés, sans se permettre les excursions et les coups-d'œil plus ou moins étrangers. La critique moderne, même la meilleure (témoin la Revue d'Ed¡m

bourg), a bien dévié de cette voie prudente et de ce rôle où le juge se considère avant tout comme rapporteur. Le livre qu'on examine, et dont le titre figure en tête de l'article, n'est le plus souvent aujourd'hui que le prétexte pour parler en son propre nom et produire ses vues personnelles. Ici rien de semblable; on fait connaître, sans tarder et dès la première ligne, l'ouvrage dont on doit compte aux lecteurs; le plan, les divisions, quelquefois le nombre de pages, y sont relatés; peu s'en faut que la table des matières n'y passe. Voilà bien des lenteurs; mais aussi on apprend nettement de quoi il s'agit, on est en garde contre les témérités, et une juste finesse y trouve pourtant son recours dans le détail. Ces discrets avantages ne se montrent nulle part avec autant de distinction que dans les articles de M. Daunou. Si l'on regrette au premier abord qu'il ne se permette aucune conjecture rapide, aucune considération soudaine, générale et trop élevée, on s'aperçoit bientôt que, dans son habitude et presque son affectation de terre-à-terre, il trouve moyen de laisser percer ce qu'il sent, de marquer ses réserves, d'insinuer ses malices couvertes, de faire parler même son silence i atteint véritablement à la perfection en ce genre exact et très-tempéré. S'il n'a en rien reculé les anciennes limites, il a, mieux que personne, creusé le champ et mis en valeur sur ce terrain étroit, les moindres parcelles. On peut citer, comme échantillons les plus complets, ses articles sur la République de Cicéron traduite par M. Villemain, sur les Essais d'Histoire

de France par M. Guizot (1), et sur les Poëtes latins de la Décadence de M. Nisard (2).

On est tenté de s'étonner d'ailleurs, en parcourant la liste considérable des articles signés de lui, qu'il ne s'en rencontre pas un plus grand nombre dont les titres nous invitent et appellent l'attention. Le critique, cela est évident, ne se refusait pas assez à s'exercer sur des sujets secondaires et quelque peu sombres, ou même tout à fait ingrats. Comme il évitait volontiers de se mesurer en face avec les plus célèbres ouvrages modernes contre lesquels il était purement négatif, il rabattait trop souvent sa vigilante, son incorruptible critique sur des livres à étiquette sérieuse, déposés à son tribunal, et dont quelques-uns n'auraient pas mérité tant d'honneur. Au risque de le trouver rigoureux, nous l'aurions voulu voir plus fréquemment aux prises avec les doctrines dont il se méfiait, comme, par exemple, dans son examen des Lettres sur l'Histoire de France, de M. Augustin Thierry (3).

(1) Journal des Savants, mars et décembre 1823. (2) Ibid., janvier 1835.

(3) Journal des Savants, décembre 1827. M. Augustin Thierry avait autrefois, dans le Censeur européen, parlé de l'enseignement de M. Daunou en des termes pleins de sympathie et d'élévation on peut lire l'article reproduit dans les Dix Ans d'Études historiques. Cela n'empêcha point M. Daunou d'être sans complaisance pour le jeune et si original historien, qu'il loue sans doute et dont il constate le succès, mais qu'il ne classe point à son rang. Je ne blâme pas, je remarque. De la part d'un esprit sérieusement convaincu et qui croyait fermement à de certaines vérités, cela est mieux. Et puis toutes les mesures étaient gardées. Le procédé de M. Daunou pouvait souvent sembler strict, il n'allait jamais jusqu'à être dur.

Les petites notes non signées, rejetées à la fin du journal, ont droit à une mention; elles contiennent, sous leur enveloppe purement bibliographique, bien de piquantes malices résultant du seul fait de citations. bien prises. Le grave éditeur semble par instants s'y égayer; c'est comme son dessert.

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Dans les nombreux travaux par lesquels il a contribué à l'Histoire littéraire, M. Daunou n'a guère fait que porter sa même manière, en l'appliquant à des morts, et sans paraître se croire autorisé à moins de réserve habituelle. Il extrait, il analyse les œuvres, il discute les points de fait : je ne dirai pas qu'il s'efface, car son jugement se marque implicitement dans le choix et la teneur de ses extraits mêmes; mais ne lui demandez aucune de ces vues qui semblent lumineuses au prémier aspect, qui bien souvent ne sont que hasardeuses, par lesquelles toutefois un petit nombre de critiques supérieurs ont éclairé à cette distance des horizons jusque-là obscurs. Je ne voudrais pas faire tressaillir ses mânes en citant les Schlegel ou tel autre nom d'outreRhin; pour preuve que la méthode analytique, appli-is quée à la littérature des âges passés et maniée par de bons esprits ne donne pas nécessairement certains résultats invariables, et qu'elle est encore ce que chaque esprit la fait, je n'opposerai à M. Daunou qu'un autre écrivain, bien connu de nous, et que la mort vient de réunir à lui avant l'heure. M. Fauriel, à qui on ne refusera pas d'être sorti également de l'école du xvme siècle et du cœur même de la société d'Auteuil, esprit exact et scrupuleux s'il en fut, ne croyant aussi qu'à ce

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