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«< caine qu'il a seule interrogée. Je dirai cependant que « César régnait quand des sénateurs l'immolèrent; « qu'il ne suffit pas toujours qu'une vengeance ait été « méritée par la victime; que nous sommes accou«tumés encore à vouloir qu'elle soit généreuse; que « ce genre d'expédition se revêt essentiellement d'un «< caractère révolutionnaire, trop étranger aux circon<< stances dont nous sommes environnés (1); que nous « devons, non pas à nous-mêmes, mais à l'intérêt << national, quelque attention, du moins, à ce que l'on « dira de nous; que l'opinion des peuples, et surtout « de nos propres concitoyens, sur le mode du jugement « de Louis, pourra n'être pas indifférente au succès de «nos autres travaux politiques; qu'enfin, selon des <«< maximes qui peuvent bien mériter quelque examen, << mais dont la fausseté n'est pas démontrée encore, il « sera plus digne de la Convention nationale d'accuser « un conspirateur que de faire la guerre à un ci-devant «< tyran, isolé, désarmé et prisonnier. »

Et ensuite, lorsque la Convention se fut consituée juge : « Vous avez trouvé le moyen d'attacher au sort «< d'un seul homme les destinées de la nation et les «< espérances du genre humain. Croyez que, dans une « délibération pareille, une Convention nationale ne << pourrait sembler injuste et trompée qu'aux dépens <«<du salut public; car il ne vous suffirait pas d'être

(1) Dans les moments les plus orageux d'alors, on se piquait de dire que la révolution était close, qu'on enait le définitif : Daunou s'empare ici de la fiction parlementaire régnante, dans l'inté rêt de son raisonnement.

« sages, vous devez encore le paraître. Votre réputation « est le premier besoin de la patrie. »

Le style de Daunou, en cette occasion solennelle, ne se borne pas à être exact, pressé et châtié, ce qu'il est toujours; il s'élève, se dilate par instants, revêt des expressions plus hardies et même pittoresques, qu'il ne retrouvera jamais. Un peu de néologisme s'y mêle, assez justifié certes et motivé par l'inusité et le monstrueux des circonstances. Rappelons une bien belle page :

« Que l'enthousiasme soit quelquefois accusateur, « du moins ne faut-il jamais qu'il soit juge, et il est « affreux qu'il prononce des arrêts de mort. De tels « arrêts outragent la nature : ils ne peuvent honorer « que le crime lui-même qui les subirait. Je me défie « de l'enthousiasme, lors même qu'il s'allie à des << vertus douces et qu'il provoque des actions géné« reuses; mais l'enthousiasme qui condamne est tou«< jours férocité, et ce n'est qu'à l'équité froide, à la << raison tranquille et calculante qu'est réservé le droit « de punir. Ces vérités paraîtront communes, mais « elles sont à l'ordre du jour, et, parmi les grands inté« rêts auxquels je crois qu'elles se rattachent, il en est << un qui méritera l'attention des législateurs : c'est « qu'il ne faut pas dénaturer le caractère national, il « ne faut pas ensauvager les mœurs d'un peuple qui a « été jusqu'ici doux, juste, humain, sensible, et qui, «sous ce rapport, est sans doute fort bien comme il « est. La sévérité d'un républicain n'est pas la barbarie <«< d'un cannibale fanatique.... Il ne faut point appeler

« hauteur de la révolution ce qui ne serait que la région « des vautours: restons dans l'atmosphère de l'huma« nité et de la justice. »

Et ailleurs, après une description un peu idéale de ce que c'est que ce peuple tant invoqué : « Quant aux « factions plus ou moins obscures, plus ou moins « intrigantes, plus ou moins impuissantes, quant aux « agrégations partielles qui agitent, qui divisent, qui «assassinent, et que l'on s'obstine à nommer le peuple, «<elles ne sont pas plus le peuple que les marais ne << sont la nature et que les reptiles ne sont l'univers. »

Ce style de Daunou, si contenu d'ordinaire, si en garde contre les trop fortés images, s'élève donc involontairement en ces heures violentes et paraît comme porté un moment par le souffle des grandes tempêtes. On noterait d'autres modes d'expressions concises, bien frappées, et qui lui sont restées plus familières; ainsi : « Je ne puis, disait-il, attacher aucun sens à ces mots pouvoir révolutionnaire, et la Convention ne saurait prendre, à mon avis, une idée plus fausse et plus égarante de son caractère et de sa puissance. >> Et en parlant de Louis XVI, par manière de concession : « Je dirais (si j'écrivais son histoire) qu'il combattit la révolution selon l'oblique et expectante malice de son cœur. >> La concession peut sembler un peu forte, mais l'expression, l'alliance de mots est énergique et neuve. Et encore, faisant pressentir les effets désastreux d'une condamnation par vengeance : « Voilà, disait-il, comment naîtront la pitié, le regret, la terreur, les accusations contre la Convention nationale, et tous les élé

ments de trouble, de haine et de discorde, dont les aristocrates, les royalistes, les anarchistes, les intrigants et les ambitieux, et tous vos ennemis intérieurs, et tous les tyrans étrangers, vont s'emparer de toutes parts avec la plus meurtrière émulation. »

On trouvera peut-être que je fais là de la rhétorique en bien grave matière, et que je relève et souligne des mots dans la situation où ils échappaient le moins littérairement; mais Daunou pesait tous les siens aussi soigneusement à la Convention, lorsqu'il réclamait justice pour Louis XVI, que lorsque, devant l'Académie de Nîmes, il célébrait l'influence de Boileau. Et je me souviens toujours que lui-même il aimait à citer, comme exemple d'atticisme, une certaine petite phrase d'un discours de Ducos à la Convention, petite phrase qu'il fallait certes beaucoup de goût et une extrême vigilance littéraire pour avoir saisie au passage et

retenue.

Daunou, à la Convention et dans les diverses assemblées dont il fit partie, comme dans son enseignement public, n'improvisait pas; il écrivait toujours et récitait avec nombre. Il y a plus, il croyait peu à l'improvisation chez les autres, et n'estimait guère que le discours écrit. Il se méfiait de la parole vivante. Cela tenait chez lui à tout un ensemble de jugements et d'habitudes dont nous retrouverons le pli en mille sens, et ce n'était qu'un cas particulier de la préférence déclarée ou même de l'estime exclusive qu'il accordait en toutes choses à la méthode, à la précision, à la perfection de diction, au préjudice de l'esprit d'enthou

siasme et de saillie. Il calomniait même l'improvisation, et ne voyait pas qu'en allant en gros au plus pressé, le bon sens trouve souvent son compte; il pensait que l'improvisation et le peu de précision qu'elle entraîne d'ordinaire avaient contribué à tout perdre dans les assemblées publiques; il aurait voulu qu'on pût être astreint, à la tribune, à se servir d'une sorte de langage analytique, algébrique, où l'expression ne dépassat jamais l'idée : chimère de Condorcet! L'homme de cabinet et l'écrivain, chez Daunou, mettaient donc toujours le cachet à l'orateur, et parfois le scellé. Cours public et discours politique, il rédigeait le tout comme un rapport, il couvrait des pages entières d'une écriture serrée, minutieuse, distincte, des pages écrites jusqu'au bord, sans marge, et pleines comme sa vie.

Après son grand acte du vote dans le procès de Louis XVI, et avant les jours de proscription, Daunou prit part encore aux débats sur la Constitution de 93, et il publia, contradictoirement au plan d'éducation nationale de Robespierre, un Essai sur l'instruction publique. Comme nous ne prétendons nullement donner ici une biographie complète, nous pourrions nous taire sur ces divers contre-projets de Daunou, ou nous borner à en louer la sagesse, du moins la sagesse relative; mais il y a lieu d'en tirer quelques vues directes pour l'étude de l'homme et de l'écrivain. En faisant la part de ce qui pourrait être concessions et en y cherchant les seules convictions, celles-ci apparaissent assez à nu : On y saisit au vif ce que Daunou est bien radicalement, à savoir, le disciple de Sieyès et de Condorcet, le secta

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