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mais pouvait-il bien espérer de convaincre à ce raisonnement humain les croyants sincères, d'amener à ce rôle subalterne, à cette fonction d'adjoints-philosophes, les prêtres encore dignes de ce nom? Je tire ce passage d'une brochure anonyme de lui, publiée en 1792, lorsque déjà la conciliation était très-compromise; on y recueille sa dernière parole aux approches du 10 août, et comme son dernier cri d'alarme. Cette brochure, qui a pour titre Union et Confiance, ou Lettre à un émigré de mes amis, est censée écrite par un aristocrate du dedans qui se félicite de toutes les brouilles survenues entre les diverses fractions du parti victotorieux et qui met en scène un conciliateur peu écouté; c'est une manière indirecte de signaler aux amis de la révolution ce qui réjouit les adversaires et ce qu'il faut par conséquent éviter. Qu'arriverait-il en effet, s'écrie en finissant le faux aristocrate, qu'arriverait-il si ces coquins de révolutionnaires s'avisaient de s'entendre? « Quel horrible avenir, monsieur le comte!... « Je n'achève pas ce tableau déchirant des périls qui « vous menacent, les angoisses d'un long exil, la honte « du retour, et l'horreur du pardon. » J'ai voulu noter ce dernier trait ainsi, même au plus fort de l'attaque et dans son plus vif entrain de persiflage, M. Daunou, fidèle à ses sentiments humains, à ses principes d'équité miséricordieuse, ne conçoit pas l'ombre d'une réaction et d'une vengeance à exercer contre les ennemis de sa cause, et ce qu'il a de plus épouvantable à leur offrir en perspective, c'est l'horreur de se voir pardonnės. De tels traits rachètent bien, convenons-en, quelques

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déductions logiques un peu trop rigoureuses et quelques essais d'équilibre impraticables.

A le bien considérer, M. Daunou, dans ce court prélude de sa vie publique, se dessine déjà pour nous tel qu'il sera dans toute sa carrière. Même lorsqu'il se détache d'un passé désavoué, même lorsqu'il répudie le présent comme insupportable, remarquez-le bien, il ne rompt qu'à demi, il n'éclate pas. Ne lui demandez jamais ce coup d'œil décisif qui juge d'abord les situations d'alentour et qui les tranche; il n'ose, il semble, dans son scrupule, traîner toujours quelque chose des précédents avec lui. Au fond, son opinion est bien prise sa parole extérieure demeure voilée. Ainsi, ailleurs, nous le retrouverons, en mainte circonstance, ferme et timoré, empêché et inébranlable. Sa conduite durant la Convention et sous le Directoire fait, seule, exception par des actes plus en dehors et constitue sa vraie jeunesse : « Et encore je crois pour mon compte, « dit quelqu'un qui l'a beaucoup étudié (M. Magnin), « que la fermeté très-grande et très-réelle qu'il montra « à cette époque était, comme le Génie de Socrate, une « force toute d'arrêt et nullement d'impulsion. » Partout ailleurs, voyez-le, c'est évident: il rentre, il se recouvre, il se retire. Philosophe in petto, il ne juge pas, dès 89, qu'il soit temps de s'affranchir de sa robe et de faire comme Sieyès et ces autres abbés, philosophes dès le premier jour. Il garde de l'oratorien et du gallican dans les formes jusqu'en 92, de même qu'après le 18 brumaire et sous le régime impérial, il gardera du républicain de l'an III, sans rompre toute

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fois avec l'Empire ni s'en abstenir absolument comme le firent La Revellière-Lépeaux, La Fayette, et autres opposants déclarés. Il commençait à se résigner à l'Empire vers 1810, vers 1812, quand c'eût été plutôt le cas d'y renoncer. Ainsi sous la Restauration, ainsi sous le régime de 1830; il subit beaucoup, résiste de côté et devance peu. On pourrait prendre, à chaque régime, des noms pour les opposer au sien et marquer en lui cette différence qui fait son originalité, sinon sa supériorité. C'est pourquoi le public ne s'est jamais accoutumé à personnifier en Daunou aucune grande situation, et nous n'avons à le classer en définitive qu'au premier rang des hommes distingués, quand d'autres, qui ne le valaient pas, ont paru des personnages supérieurs.

L'ancien oratorien et prêtre, l'homme d'étude et l'écrivain en lui, sauf de rares moments, sont toujours venus prendre en biais et tenir en arrêt l'homme politique.

Avant son entrée à la Convention, il convient de relever encore deux circonstances. Il fut l'auteur, le rédacteur du Plan d'éducation présenté à l'Assemblée nationale, en 1790, au nom des instituteurs publics de l'Oratoire (1) et depuis lors, dans les diverses assem

(1) Ce Plan d'éducation essuya des critiques, et il paraît qu'il fut surtout attaqué par une personne assez au fait de l'Oratoire et qui probablement en était; M. Daunou répondit en quelques pages non signées avec une singulière vivacité : « Les oratoriens, « dans leur projet d'éducation, disent que la morale de l'Evangile « serait le chef-d'œuvre de l'esprit humain, si elle en était l'ou« vrage; ils veulent que cette morale soit enseignée par tous les « instituteurs, et que dans chaque pensionnat il y ait un ecclé

blées où il siégea, on le verrait figurer invariablement comme membre ou rapporteur de presque tous les comités et commissions d'instruction publique; questions toujours graves, trop souvent stériles, parce que tous ces beaux plans et appareils d'organisation ne valent que ce que les font dans la pratique les maîtres eux-mêmes. Vers 1791 enfin, M. Daunou se mit à concourir pour le prix fondé par Raynal à l'Académie de Lyon sur le sujet suivant : Quelles vérités et quels sentiments importe-t-il le plus d'inculquer aux hommes pour leur bonheur? Il mérita le prix, et Napoléon Bonaparte, autre concurrent, et grand philanthrope, comme on sait, aurait eu vraisemblablement l'accessit; mais les événements de 93 empêchèrent cette distribution publique et se chargèrent en même temps de répondre à la question de l'honnête académie en signes manifestes et foudroyants.

Entré à la Convention, M. Daunou inaugura, dès les premiers jours sa vie publique, par le plus bel acte qui l'honore, par son opinion et son vote dans le procès de Louis XVI. Les trois écrits ou discours consécutifs où il a consigné son avis attestent un sens judiciaire trèsremarquable, une méthode excellente et rigoureuse qui, pour le coup, ne saurait, en pareil cas, déployer

«siastique chargé de remplir les fonctions sacerdotales auprès ■ des élèves... Savez-vous ce que conclut de là mon libelliste dans ason aristocratique impudeur? Il fait entendre que les auteurs de « ce projet d'éducation et de leurs adhérents sont des spinosistes a ou des déistes tout au moins. » Tout cela est très-bien raisonné, condillaquement parlant, e pure... Le libelliste, comme on l'appelle, avait-il si grand tort?

trop de précautions, trop de scrupules. Il distingue très-bien entre la conviction morale et historique qu'on peut avoir contre Louis XVI et la conviction judiciaire. qu'on n'a pas établie ni acquise. On le voit suivre pied à pied la marche du procès, et à chaque moment il sait découvrir, il ose proposer le procédé le plus sage, le moins inique, le moins sujet aux conséquences subversives et déshonorantes pour la naissante morale républicaine. Ce coup d'oeil historique rapide, cette prévision soudaine et lointaine que nous n'apercevons pas chez Daunou à d'autres instants de sa vie publique, le sentiment d'équité et d'humanité les lui communique ici et les lui suggère il comprend aussitôt que de ce premier pas que va faire la Convention dépend tout son avenir et celui de la république qu'elle enfante. La république en France ne sera-t-elle qu'une arme révolutionnaire, ou sera-t-elle une forme possible et durable? Cette question, selon Daunou, se pose déjà dans ce premier vote solennel. Saint-Just, en opinant pour que Louis XVI fût jugé par la Convention, avait ajouté qu'après tout c'était là beaucoup moins un jugement qu'on demandait qu'une vengeance, un combat, une expédition:

<< Citoyens, répondait Daunou, la question entre << Saint-Just et moi se réduit précisément à savoir « s'il faut juger Louis XVI, ou l'immoler comme César « et d'autres tyrans. Je n'opposerai peut-être à l'éner«gique opinion de Saint-Just que des considérations « timides, plutôt dictées par des habitudes et par des « craintes que par l'austérité de la philosophie républi

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