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put s'apercevoir que, nonobstant ses lenteurs et son soin modeste de s'effacer, il n'échappait point entièrement aux petits assauts ni aux combats, qui sont la condition imposée à tous découvreurs et novateurs.

Nous aurions à caractériser son Cours à la Faculté des Lettres et à résumer quelques-uns des souvenirs de son enseignement, si son successeur, qui fut dans les dernières années son suppléant, M. Ozanam, ne nous avait devancé dans cette tâche par un complet et pieux travail auquel on est heureux de renvoyer (1). Dans son Cours en général, M. Fauriel ne fit que produire ce qu'il avait de tout temps amassé sur Homère, sur Dante, sur la formation des langues modernes, sur les poésies primitives; ainsi fait-il encore dans les articles qu'il tirait de là. Ce genre de littérature ne lui coûtait presque aucune peine; la forme n'étant pour lui ni un obstacle ni une parure, il n'avait qu'à puiser, comme avec la main, dans un fonds riche et abondant; c'était devenu pour lui presque aussi simple que la conversation même. Je comparerais volontiers cette quantité de produits faciles et solides à des fruits excellents, substantiels, mais un peu trop mûrs ou parés, comme on dit, à des fruits qui ont été cueillis et tenus en réserve depuis trop longtemps, et n'ayant plus cette fermeté première de la jeunesse. La qualité nourrissante leur restait en entier.

C'est au milieu de ces travaux journaliers, de ces oco cupations ininterrompues, que nous avons vu M. Fauriel

(1) Voir le Correspondant du 10 mai 1845.

passer et tromper les saisons du déclin. Nous aurions, si nous voulions bien, à énumérer encore : il publia en 1837, dans la collection des Documents historiques, le poëme provençal sur la guerre des Albigeois; l'Acadé

mie des inscriptions et belles-lettres l'avait nommé en . novembre 1836 pour succéder à Petit-Radel, et il eut

bientôt une place dans la commission de l'Histoire littéraire : le xxe volume de cette collection reçut de lui l'article sur Brunetto Latini, et le xxie doit en contenir plusieurs autres. Mais tous ces développements de l'érudit et ces applications, en quelque sorte officielles, trouveront ailleurs des biographes attentifs. Pour nous, nous aurons assez atteint notre objet, si nous avons réussi à montrer l'homme et l'esprit même. Durant la seconde moitié de sa vie et après le coup qui, en 1822, en avait brisé la première part, l'amitié avait peu à peu réparé les vides et comme refait cercle autour de lui ; c'était l'amitié encore telle qu'il la concevait et la réclamait, une assiduité pleine de douceur dans les choses de l'intelligence et de l'affection, et, comme l'a dit le poëte,

Le jour semblable au jour, lié par l'habitude.

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Ainsi, des nuances de joie, tenant aux satisfactions du ceur, se mélèrent pour lui jusqu'au bout aux applications de l'esprit, et il s'acheminait, sans trop la sentir, dans l'inévitable tristesse des ans. Il mourut presque subitement des suites d'une opération qu'on n'aurait pas crue si grave, le 15 juillet 1844. Sa pensée vivra, et rien du moins n'en sera perdu. Ses manuscrits, transmis en des mains fidèles, seront publiés avec un choix éclairé (1). Sous une forme ou sous une autre, toutes les idées qu'avait conçues ce rare esprit sont sorties ou sortiront; sa renommée après lui se trouvera mieux soignée que par lui. De premiers et dignes hommages lui ont été payés sur sa tombe par M. Guigniaut au nom de l'Institut, par M. Victor Le Clerc au nom de la Faculté des Lettres; d'autres éloges viendront en leur lieu. M. Piccolos, dans le journal grec l’Espérance (Athènes, 28 août 1844), s'est fait l'organe des témoignages bien dus par ses compatriotes à la mémoire du plus modeste et du plus effectif des écrivains philhellènes. La France ne lui doit pas moins; le xixe siècle surtout serait ingrat d'oublier son nom, car on peut apprécier désormais avec certitude quelle place il a tenue dans ses origines, quel rôle unique il y a rempli, et quelle part lui revient à bon droit dans les fondations de l'édifice auquel d'autres ont mis la façade, et pas encore le couronnement.

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(1) Ils ont été légués par l'auteur à Mlle Clarke, à l'amie la plus dévouée et la plus attentive à s'acquitter de tous les soins que peut inspirer la piété du souvenir.

POST-SCRIPTUM.

Ce n est pas une conclusion qu'un tel recueil comporte, et nous ne prétendons en effet ni conclure ni clore. Nous ferons certainement d'autres portraits contemporains, nous en avons déjà fait, en bon nombre, qui n'ont pu entrer dans les présents volumes, et, au moment même où nous acheyons cette espèce de série, nous mettons sous presse un volume destiné à la compléter et à la poursuivre. Ainsi point de conclusion; nous aimons notre métier de critique et de portraitiste, nous le continuerons selon l'occasion et le moment, suivant

que le coeur et la fantaisie nous le diront, et en tâchant de ménager de notre mieux les convenances diverses. Et à ce propos si quelqu'un s'étonnait que, malgré la dignité académique qui nous a été conférée depuis, nous persistions dans cette voie pratique, nous donnerons une fois pour toutes une explication très-nette et très-franche : en ambitionnant el en obtenant cette dignité, la plus honorable à laquelle puisse aspirer un homme de lettres, nous n'avons jamais considéré qu'elle dût nous empêcher d'être ci: que nous étions devant, ni de faire à très-peu près les

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mêmes choses que nous nous sommes de tout temps permises. Si donc quelques-uns de nos confrères les critiques croient trouver qu'il serait de meilleur goût à nous de leur laisser le champ libre désormais et de nous taire, nous continuerons (ne leur en déplaise, et qu'ils nous le pardonnent!) de nous imaginer qu'il y a quelque honneur encore pour nous à rester leur confrère.

Il nous a semblé de plus que si cette circonstance nouvelle, si précieuse à nos yeux, en venant certainement compliquer pour nous les difficultés et multiplier les convenances, devait avoir un effet rétroactif et allait jusqu'à nous obliger à rétracter, à modifier les jugements du passé, il n'y aurait ni fond ni base solide à notre travail critique : nous n'avons donc pas hésité à maintenir dans presque tous les cas ce qui est écrit.

Que si maintenant, nous relisant nous-même comme nous venons forcément de le faire, nous avions à confesser notre propre impression et à faire entendre un aveu, nous dirions que, dans la suite de ces articles critiques et dans leur mode de justice distributive (s'il nous est permis d'employer un tel mot), il est certains manques de proportions et de gradations que nous regrettons de n'avoir pu mieux rajuster. En commençant cette réimpression, nous pouvions craindre d'ayoir trop penché pour l'enthousiasme; en la terminant, un scrupule contraire nous vient, et nous aurions voulu, dans plus d'un cas, avoir mieux su tempérer l'éloge, de manière à ne jamais paraître le retirer et à n'avoir point

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