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intelligente; les effets lointains des révolutions arabes intestines et leur contre-coup sur la lutte engagée contre les Franks se marquent avec suite et s'enchaînent il est telle révolte des Berbères en Afrique qui, seule, peut expliquer de la part des Arabes d'Espagne un temps d'arrêt, un mouvement rétrograde, où les chroniqueurs chrétiens n'ont rien compris. Toute cette portion de l'ouvrage de M. Fauriel est neuve, imprévue; c'est une province de plus ajoutée à notre histoire, et on la lui doit. Sa prédilection, d'ailleurs, pour la noble culture et pour les instincts chevaleresques des conquérants de l'Espagne est manifeste; il ne résiste pas à dessiner quelques-uns des traits de leurs plus grands chefs en regard de la barbarie des Franks. Ce n'est pas à dire pourtant qu'il déserte la cause de ses Aquitains et de ses Vascons; il la montre seulement agrandie et ennoblie par de telles luttes, dans lesquelles Eudon et Vaifre combattent à l'avantgarde contre l'islamisme en champions de la chrétienté. Mais cette tâche leur est bientôt ravie par la fortune; elle retombe à Charles Martel et à Charlemagne, qui en confisquent aussi toute la gloire.

La nation franke, en danger de s'abâtardir avec les derniers fils de Clovis, se retrempe sous les premiers chefs de la branche carlovingienne. Une nouvelle impulsion est donnée à la race conquérante; l'Aquitaine s'en ressent. En vain les petits-fils de Charibert, qu'elle s'est si bien acquis et assimilés, essayent d'y défendre jusqu'au bout l'honneur du dernier rameau mérovingien contre l'usurpation, partout ailleurs légitime.

L'historien tient bon avec eux; on dirait qu'il combat pied à pied à côté de Vaifre, dans cette espèce de Vendée désespérée, qui n'a laissé dans les chroniques que. de rares vestiges. Lutte trop inégale! l'Aquitaine est finalement reconquise, et toute reprise de civilisation encore une fois ajournée.

M. Fauriel est trop équitable pour ne point rendre à tout personnage historique la part qui lui revient, et pour sacrifier aucun aspect de son sujet. On a lieu toutefois de remarquer que Charlemagne ne grandit point dans ses récits; il n'y apparaît qu'un peu effacé et dans un lointain qui n'ajoute pas précisément à l'admiration. Lorsque l'historien veut résumer en un seul chapitre l'ensemble de cette administration et de ce règne, il a l'intention parfaite de ne juger le monarque que sur des actes positifs, mais il ne l'embrasse peutêtre pas suffisamment selon le génie qui l'animait. Il fait assez bon marché en Charlemagne des vues générales d'adininistration et de politique, et ne paraît l'apprécier, en définitive, que comme un grand caractère et une volonté énergique appliqués avec intelligence à des cas journaliers de gouvernement. Ce jugement peut être exact; il a l'air d'être rigoureux. Puisque les documents historiques légués par ces âges sont si arides, si évidemment incomplets, ils réclament une sagacité qui les interprète et les achève. M. Fauriel le sait bien. Or, lui qui tire si heureusement parti d'un fragment, d'un vestige de poésies populaires, il n'applique pas également ici cet esprit de divination au grand homme; les chroniqueurs pourtant ne nous ont

transmis de lui que des traits secs et nus, qu'il s'agirait aussi de révivifier. On peut observer que la méthode de M. Fauriel ne va pas à mesurer les colosses historiques; il a besoin de diviser, de subdiviser; il ne fait bien voir que ce qu'on peut voir successivement. Il excelle à analyser et à recomposer le fond d'une époque, à suivre dans un état social troublé la part des vainqueurs, la part des vaincus, à donner au lecteur le sentiment de la manière d'exister en ces âges obscurs; puis, quand il ne s'agit plus des choses, mais d'un homme et d'un grand homme, il hésite et tâtonne un peu, ou du moins il s'enferme dans des lignes circonspectes, rigoureuses; il ne rassemble pas son coupd'œil en un seul éclair; ces éclairs sont la gloire des Montesquieu. J'ai dit tout ce qui me semble des inconvénients comme des qualités.

Charlemagne, de son vivant, avait donné Louis le Débonnaire à l'Aquitaine comme roi particulier, et le pays, toujours prompt, se réparait déjà sous le gouvernement de ce jeune roi, qui en avait assez adopté d'abord les mœurs et l'esprit. Il est très-remarquable de voir, chez M. Fauriel, à quel point, même après tant de recrues sauvages, après tant de mélanges qui avaient dû la dénaturer, l'Aquitaine absorbait encore aisément ses vainqueurs et les détournait vite à son usage; on pouvait toujours en dire plus ou moins, sans trop parodier le mot Græcia capta ferum victorem cepit. Nous n'essayerons pas un seul instant de suivre la fortune. du beau pays à travers les complications misérables de l'anarchie cariovingienne; cette anarchie pourtant le

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servait. Par leur position la plus éloignée du centre, les contrées du Midi échappent de bonne heure à presque toute dépendance, et forment comme le nid le plus favorable à la naissante féodalité. En terminant son ive volume et le ixe siècle, M. Fauriel a la satisfaction de laisser l'Aquitaine tout à fait émancipée et rentrée dans ses voies, ayant usé deux conquêtes, deux dynasties frankes, ayant sauvé jusque dans ses morcellements une certaine unité morale, et prête enfin à se rajeunir au sein d'un ordre nouveau. C'eût été là l'objet d'une dernière œuvre historique qu'il se proposait de mener à terme, et dont l'inachèvement ne saurait trop se regretter.

L'analyse rapide qui précède donnerait une trop insuffisante idée du livre de M. Fauriel, si elle faisait croire qu'il se borne à retracer les destinées particulières de l'Aquitaine et de la Provence ; j'y ai dégagé ce milieu et comme dessiné ce courant, mais on le perd bien souvent dans la considération de l'ensemble. L'historien aime à déborder son cadre; cette histoire du Midi est, à vrai dire, l'histoire générale de la Gaule entière durant cinq siècles. Toutes les grandes questions de races, d'institutions, de conflits entre les divers pouvoirs, y sont abordées; les solutions, pour ne pas être toujours aussi tranchées ou tranchantes que dans d'autres écrits plus célèbres, n'en ont pas moins leur valeur bien originale. Il y a telle de ces analyses appliquées à des masses confuses de faits et d'événements qui est capitale pour l'intelligence des temps; et, sans sortir de la dernière partie, qui traite de l'a

narchie carlovingienne, je ne veux citer que l'explication donnée par l'historien de la bataille de Fontanet, entre les trois fils de Louis le Débonnaire. On croit, grâce à lui, saisir le sens de cette horrible boucherie; on comprend quelques-uns des motifs généraux qui ramassaient là, à un jour donné, tant de peuples; on a enfin l'idéal d'une bataille, selon les idées des Franks, dans ce gigantesque duel d'une terrible simplicité. Il y aurait très-peu à faire pour que ces pages de M. Fauriel, même au point de vue de l'art, fussent un tableau achevé, d'un effet grandiose; c'est par de tels côtés que son histoire, malgré tout, reste supérieure (1).

Avant et depuis la publication de son histoire, M. Fauriel fit insérer dans divers recueils, et dans la Revue des deux Mondes particulièrement, de nombreux morceaux littéraires, la plupart relatifs à son sujet favori, je veux dire à la poésie provençale. Le Cours qu'il professait à la Faculté des Lettres lui en fournissait le fond. Nous aurions à rechercher soigneusement les moindres de ces articles, commne pouvant nous rendre avec quelque suite les idées de l'auteur, s'ils ne devaient être beaucoup mieux représentés bientôt par la totalité de ses leçons sur l'Histoire de la Poésie pro

(1) On peut lire dans le Journal des Savants (avril et mai 1838) deux articles de M. Patin sur l'histoire de M. Fauriel; aux éloges si mérités qu'il lui donne, M. Patin mêlé quelques critiques de détail auxquelles je renvoie; j'en ajouterai une seule, toute petite, pour ma part: au tome IV de l'histoire, pages 207 et 227, je vois qu'il est encore question de Lantbert, comte de la marche de Bretagne, qu'on a dit être mort de la peste, à la page 168; il y a là quelque inadvertance.

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