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lettres devanagari. Sérieusement, vous me rendez un service immense, et je ne sais pas comment, sans vous, la chose aurait marché. Vos nouvelles sont satisfaisantes; pourvu seulement que M. Lion ne se relâche pas... »

<< (Bonn, 5 novembre). J'ai vos deux lettres, cher Président de la typographie asiatique, et Souverain intellectuel des contrées entre l'Inde et le Gange, et je ne saurais assez vous exprimer ma reconnaissance de tous les soins que vous avez pris de mon affaire. Votre avant-dernière lettre m'avait donné des inquiétudes. Croyant avoir tout calculé, je ne concevais pas quelles nouvelles difficultés s'étaient élevées. J'attends avec la plus grande impatience l'échantillon que vous me faites espérer. Vous avez donc été réduit comme moi à faire le métier de compositeur : Vichnou vous en récompensera, cela vous vaut un million d'années de béatitude pour le moins... D

<< (Bonn, 3 décembre). J'ai des grâces infinies à vous rendre, cher et docte Mécène, des soins exquis et savants que vous avez voués à mon affaire. Vraiment, je ne sais pas comment cela aurait marché sans vous... M. Lion a été payé. Je suis extrêmement satisfait de son travail, si toute la fonte est aussi bien soignée que les lettres qui paraissent dans votre échantillon. Il est délicieux, j'en ai été dans un véritable enchantement; c'est du bronze sur papier; depuis que les Védas ont été révélés, l'on n'a rien vu de pareil. J'ai l'air de me louer moi-même, mais vous savez que c'est le privilége des poëtes: Exegi monumentum ære perennius. »

<< (Bonn, 20 avril 1822.) Très-cher ami et généreux protecteur de mes études, il y a un temps infini que je ne vous ai pas écrit; mais j'ai fait mieux, j'ai composé un livre ou du moins une brochure pour vous. Pour qui écrirait-on des choses pareilles, si ce n'est pour des lecteurs comme vous, qui embrassent toute la sphère de la pensée, et qui sont en même temps savants, patients, laborieux ? Le troisième cahier

de ma Bibliothèque indienne doit être entre vos mains, et je souhaite qu'il vous satisfasse. Vous m'obligerez si vous voulez en faire au plus tôt un article dans la Revue encyclopédique (1). J'ai aussi envoyé des exemplaires aux autres pandits de Paris. Chézy aurait dû parler depuis longtemps de moi dans le Journal des Savants, et il devrait le sire encore à l'occasion de ce nouveau cahier; mais, s'il est toujours dans le même abattement où je l'ai laissé, il n'y a rien à espérer de sa part. Saluez-le cependant bien cordialement de la mienne, et dites-lui, s'il veut me donner quelque chose pour ma Bibliothèque, qu'il sera toujours le bienvenu, et que je m'offre comme son traducteur... (Et revenant à ses caractères, après quelques détails relatifs à leur perfectionnement :) Je suis vraiment confus de vous entretenir de telles minuties; mais songez que, lorsque Brahma créa le monde, il soigna jusqu'aux antennes des fourmis. Et moi, qui ne suis qu'un humble mortel, n'en ferai-je pas autant pour les caractères de cette belle langue révélée ? »

L'année suivante (avril 1823), Schlegel chargeait encore celui qu'il vient d'honorer de tant de titres magnifiques, de collationner pour lui, à la Bibliothèque du roi, les manuscrits du Bhagavad-Gita dont il allait publier une version latine; il en a consigné sa reconnaissance dans la préface. C'était le moment où Fauriel se disposait au voyage d'Italie Schlegel aurait bien désiré l'attirer à Bonn, et il lui proposait, pour le tenter, de lui arranger une chambre d'études dans sa jolie petite bibliothèque, dont il lui avait fait plus d'une fois la description: « La maison que j'occupe est spacieuse, et un ami brahmanique y serait commo

(1) Fauriel fit la note que Schlegel désirait, dans le Journal de la Société asiatique, t. I, p. 44.

dément. » Fauriel se décida, sans beaucoup de lutte, pour sa chère Italie et pour Brusuglio. Mais, placé comme nous venons de le montrer, confident et un peu partner des meilleurs, une oreille aux brahmes, l'autre aux Lombards et aux Toscans, et, au sortir d'un épanchement d'Augustin Thierry sur les Anglo-Saxons, pouvant opter à volonté entre Milan et Bonn, entre Schlegel et Manzoni, on comprendra mieux, ce semble, toute son étendue intellectuelle et son rang caché.

La révolution de 1830 produisit enfin Fauriel, et ses amis, en arrivant au pouvoir, songèrent aussitôt à mettre sa science, trop longtemps réservée, en communication directe avec le public. Une chaire de littérature étrangère fut créée pour lui à la Faculté des Lettres. Si utile qu'il y ait été à des auditeurs d'élite, on a peut-être droit de regretter, je l'ai dit, que cette diversion prolongée, qui devint insensiblement une occupation principale, ait mis obstacle à l'entier achèvement de son entreprise historique. Ce ne fut qu'en 1836 qu'il publia le second des trois grands ouvrages qu'il avait de longue main préparés sur l'histoire du midi de la France. Le premier devait embrasser tout ce qui se pouvait découvrir ou conjecturer de positif ou de probable sur les origines, l'histoire et l'état de la Gaule, principalement de la Gaule méridionale, avant et pendant la domination romaine. Le troisième et dernier, le plus intéressant des trois, dont il aurait formé le couronnement, aurait présenté le tableau complet des provinces méridionales durant les siècles de renaissance et de culture on retrouvera du moins

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la portion littéraire de ce tableau dans les volumes du cours sur l'Histoire de la Poésie provençale, qui s'impriment en ce moment (1). Le second ouvrage, le seul qu'on possède sous sa forme historique définitive, était destiné à établir le lien entre les deux autres : il comprend le récit des événements de la Gaule depuis la grande invasion des barbares au ve siècle jusqu'au démembrement de l'empire frank sous les derniers Carlovingiens. A travers cette longue et pénible époque intermédiaire, l'auteur s'attache plus particulièrement et avec une prédilection attentive à tout ce qui intéresse l'état du midi de la France, à tout ce qui peut y dénoter des restes de civilisation ou y faire présager des réveils de culture. Si discrète, si contenue que soit l'expression de sa sympathie, tout son cœur, on sent, est pour ce beau et malheureux pays, où tant d fois de barbares vainqueurs fondent à l'improviste, coupant (ce qui est vrai au moral aussi) les oliviers par le pied et les arrachant jusqu'à la racine.

Il existe, sur cette période si obscure et si ingrate de l'histoire de France, d'autres ouvrages modernes plus vifs, plus animés de tableaux ou plus nets de perspective, d'une lecture plus agréable et plus simple. Des talents énergiques et brillants ont trouvé moyen d'y introduire de la lumière et presque parfois du charme; mais, si je l'osais dire, ce charme, cette lumière même, lorsqu'elle est si tranchée, ne sont-ils pas un peu comme une création de l'artiste ou du philosophe, et

(1) Ils ont paru depuis (3 vol. in-8°, 1846).

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jusqu'à un certain point un léger mensonge, en allant s'appliquer à des âges si cruels et si désespérés ? Pour moi, qui viens de lire au long les volumes de M. Fauriel, je crois en sortir avec une idée plus exacte peutêtre de l'ensemble funeste de ces temps. Il en résulte une instruction triste et profonde; s'il se mêle quelque fatigue nécessairement (malgré tous les efforts de l'historien ou à cause de ces efforts mêmes) dans cette reproduction éparse et monotone des mêmes horreurs, c'est bien la moindre chose que, nous lecteurs, nous ressentions un peu en fatigue aujourd'hui ce qu'eux, nos semblables, durant des siècles, ils ont subi en calamités et en douleurs. Sa conscience d'historien porte M. Fauriel à rechercher et à représenter ces époques morcelées, confuses, haletantes, telles qu'elles furent au vrai ; il les rend avec leurs inconvénients, sans faire grâce d'aucun. Il n'y établit pas de courant factice et n'y jette pas de ces ponts commodes, mais artificiels, comme font d'autres historiens; son récit est adéquat aux choses, comme dirait un philosophe.

M. Fauriel, nous l'avons assez marqué, ne visait en rien à l'effet, ou plutôt l'effet qu'il désirait produire était exactement l'opposé de ce qu'on appelle ordinairement de ce nom. Il ne voulait jamais occuper le lecteur de lui-même; il se proposait uniquement de lui faire connaître le fond des objets et de dérouler à la vue, dans leur réalité obscure et mystérieuse, certains grands moments de décomposition et de transformation sociale, jusqu'à présent mal démêlés. Dans ce but, il croyait avoir à préparer l'imagination, l'intelligence

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